TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ NARCISSIQUE ET COMORBIDITÉS

Explorer la psyché, catégoriser les individus sous le prisme de leur profil psychologique, c’est savoir que l’on va se heurter à des situations complexes qui devront faire l’objet de choix arbitraires et donc, critiquables. Nous avons déjà vu que l’existence même du phénomène de perversion narcissique est régulièrement mise en doute. Ainsi, en psychologie, poser un diagnostic est souvent le résultat d’une longue exploration théorique et pragmatique. De plus, pour le trouble de la personnalité narcissique, les comorbidités sont si nombreuses et sinueuses qu’elles soulèvent divers questionnements. Voici donc un état des lieux des troubles associés, mais aussi tantôt confondus et tantôt excluants, en rapport avec les personnalités manipulatrices perverses.

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Pourquoi parle-t-on de trouble de la personnalité narcissique ?

Avant toute chose, il faut savoir que diagnostiquer un trouble de la personnalité ne peut intervenir qu’à l’âge adulte. La personnalité relève à la fois du tempérament (qui aurait en quelque sorte une composante innée) et de l’environnement (influence culturelle, familiale, sociale). Elle se caractérise par :

  • sa stabilité sur la durée ;
  • le fait qu’elle ait trait à sa perception du monde, des autres et de soi-même ;
  • sa façon d’entrer en relation avec autrui ;
  • son aspect inconscient, c’est-à-dire qu’elle s’exprime automatiquement dans presque tous les aspects du fonctionnement et ne se modifie pas facilement.

Pour statuer sur un éventuel trouble, il faut que les traits problématiques de la personnalité répondent à certains critères :

  • ils entraînent un dysfonctionnement ou une souffrance ;
  • ils mènent à des conduites mal adaptées face aux situations ;
  • ils se manifestent dans au moins deux sphères de la vie (cognition, affectivité, relations interpersonnelles, régulation des pulsions).

Le TPN (trouble de la personnalité narcissique) est caractérisé par un sens démesuré de l’importance de soi, un besoin d’admiration excessif et un manque d’empathie. Pour autant, cette classification issue du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM) dans sa cinquième version n’inclut pas la perversion. Ainsi, un sujet présentant un TPN n’est pas forcément un PN. Toutefois, l’inverse est vrai : un manipulateur sentimental machiavélique souffre toujours d’un trouble du narcissisme.

Les comorbidités du TPN

La comorbidité désigne les maladies ou facteurs de risque qui viennent interférer avec une pathologie dite primaire. Elle est à différencier de la multimorbidité qui renvoie à l’ensemble des affections d’un sujet, sans que celles-ci aient de retentissements entre elles.

Partons du principe que la maladie principale ici est le trouble de la personnalité narcissique. Voici les différentes problématiques de santé mentale que l’on peut lui associer.

À savoir : ces pathologies peuvent constituer également un diagnostic différentiel excluant le TPN.

Le trouble de la personnalité antisociale (TPAS)

Le TPAS est un trouble de la personnalité caractérisé par un mépris persistant envers les lois et les droits d’autrui. Le sujet antisocial se place au-dessus des normes et présente une tendance à mentir et à manipuler les autres, doublé d’une absence d’empathie. Il n’éprouve ni sens moral ni sens des responsabilités sur les conséquences négatives de ses actes.

Ce sont majoritairement les hommes qui sont touchés. Pour justifier leurs transgressions sans remords et pour leur seul profit, ils peuvent aller jusqu’à blâmer les victimes.

Le TPAS comporte une forte composante héréditaire, mais il semblerait que les sujets antisociaux puissent apprendre à modifier leur comportement inapproprié. De plus, ils cherchent avant tout à obtenir des gains matériels par la manipulation, à la différence des MPN qui instrumentalisent autrui pour redorer leur estime d’eux-mêmes.

Le trouble de la personnalité histrionique (TPH)

L’omniprésence d’émotivité excessive et la recherche permanente d’attention sont au cœur du trouble de la personnalité histrionique, autrefois appelée “personnalité hystérique”. Les patients présentant ce type de profil attachent énormément d’importance à leur apparence physique. Ils appâtent à outrance et provoquent pour capter les regards extérieurs. Toutefois, ils sont peu autonomes et très influençables.

Le diagnostic de TPH peut être posé si au moins 5 des critères suivants sont décelés :

  • une grande frustration lorsque la personne n’est pas au centre de l’attention ;
  • un mode relationnel sous forme de séduction ou de provocation sexuelle inappropriées ;
  • des émotions rapidement fluctuantes et superficielles ou exagérées ;
  • une mise en avant de l’apparence physique pour attirer les regards ;
  • un discours extrêmement vague ;
  • une extravagance (dramatisation, théâtralité) ;
  • une suggestibilité (grande influence d’autrui, des tendances ou des situations) ;
  • une perception des relations plus intimes qu’elles le sont en réalité.

Les profils histrioniques sont très préoccupés par l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes, tout en se comportant de façon inappropriée. Ce qui les différencie des narcissiques, c’est qu’ils n’hésitent pas à se ridiculiser, tandis que les premiers veulent être admirés.

Le trouble bipolaire

Les troubles bipolaires se manifestent sous la forme de phases maniaques et dépressives pouvant alterner, même s’il y a souvent une prédominance de l’un des deux états.

Un épisode maniaque dure plus d’une semaine et se traduit par une humeur durablement élevée, expansive ou irritable et par une augmentation d’activité ou de dépense énergétique dirigée vers un but précis. De plus, pour caractériser la manie, il faut montrer au moins 3 des symptômes suivants :

  • une estime de soi exagérée ou des idées de grandeur ;
  • une réduction du besoin en sommeil ;
  • une volubilité accrue (rapidité d’action et verbale) ;
  • une fuite des idées ou une accélération de la pensée ;
  • une distractibilité ;
  • une augmentation des activités en faveur d’un objectif ;
  • un excès d’activités susceptibles d’engendrer des conséquences négatives (achats impulsifs, investissements risqués, etc.).

En cours d’épisode maniaque, les patients sont infatigables et en recherche de plaisir ou de sensations extrêmes sans mesure des risques potentiels. Les symptômes sont si prononcés que les sujets ne peuvent pas accomplir leurs tâches habituelles (activités professionnelles, études, obligations familiales, entretien, etc.). En cas de manie psychotique, ils peuvent même manifester des signes évoquant la schizophrénie (hallucinations, délires, incohérence, etc.).

L’hérédité, des facteurs environnementaux ou une altération des transmissions neuronales peuvent contribuer à la bipolarité. La composante dépressive et la mégalomanie associées à ce trouble induisent parfois une erreur de diagnostic avec le TPN. Toutefois, les changements d’humeur chez les personnalités narcissiques sont dus à des atteintes de l’autoestime. De plus, même en cas de dépression, les profils de TPN restent dans la quête perpétuelle de se maintenir dans une supériorité par rapport à autrui.

Le trouble de la personnalité paranoïde

Pour les patients souffrant d’un trouble de la personnalité paranoïde, la menace, c’est l’autre. Cela se caractérise par une méfiance omniprésente et des soupçons injustifiés. Le sujet paranoïaque considère que les intentions d’autrui à son égard sont malveillantes. Ce trouble est plus présent chez les hommes et se présente rarement sans comorbidité. Les pathologies associées les plus courantes sont :

  • les troubles de la pensée (paranoïa, schizophrénie, etc.) ;
  • les troubles anxieux (phobie sociale, attaques de panique, troubles obsessionnels compulsifs, etc.) ;
  • l’état de stress post-traumatique ;
  • l’alcoolisme ;
  • les autres troubles de la personnalité.

Il y aurait également une forte corrélation avec d’éventuels abus émotionnels ou de la violence physique, y compris durant l’enfance.

Le trouble de la personnalité borderline (TPB)

Le TPB ou l’organisation limite se manifeste par une dysrégulation émotionnelle, des relations interpersonnelles chaotiques et une tendance à l’automutilation. Il atteint plus généralement les femmes et influe aussi sur l’image de soi, entraîne des fluctuations d’humeur extrêmes et une impulsivité. De plus, les patients borderline ne supportent pas la solitude, redoutent l’abandon et présentent des crises pouvant aller jusqu’à la tentative de suicide dans le but d’être pris en considération.

Pour poser le diagnostic de TPB, le sujet doit faire preuve d’une tendance persistante à des relations, une image de soi, et des émotions instables et à une impulsivité prononcée

De plus, il doit présenter au moins 5 des critères suivants :

  • des efforts désespérés pour éviter l’abandon (réel ou imaginaire) ;
  • des relations intenses instables, alternant entre idéalisation et dévalorisation de l’autre ;
  • une image et un sens de soi fluctuants ;
  • une impulsivité dans au moins 2 domaines autolésionnels (rapports sexuels non protégés, frénésie alimentaire, conduite imprudente, etc.) ;
  • des gestes ou menaces suicidaires ou de mutilation autoinfligée récurrents ;
  • des sautes d’humeur rapides (perdurant de quelques heures à quelques jours) ;
  • un sentiment persistant de vide ;
  • des difficultés à contrôler la colère ;
  • des pensées paranoïdes temporaires ou des symptômes dissociatifs graves déclenchés par le stress.

Si les manifestations du TPB interviennent en général au début de la vie d’adulte, il arrive aussi qu’ils surviennent à l’adolescence.

Le trouble dépressif majeur (TDM)

Le TDM est un trouble de l’humeur caractérisé par une tristesse persistante, une perte d’intérêt pour les activités habituelles (allant parfois jusqu’à une négligence d’hygiène ou envers l’entourage) et une grande fatigue, souvent accompagnée de problèmes de sommeil.

Pour diagnostiquer un trouble de dépression majeure, au moins 5 des éléments suivants doivent avoir été présents quasiment tous les jours durant un minimum de 2 semaines :

  • humeur dépressive durant la majeure partie de la journée ;
  • diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir dans toutes ou presque toutes les activités durant la majeure partie de la journée ;
  • gain ou perte de poids ou bien diminution ou augmentation de l’appétit (considéré comme significatif au-delà de 5%) ;
  • insomnie ou hypersomnie ;
  • agitation ou ralentissement psychomoteur observés par des tiers ;
  • fatigue ou baisse d’énergie
  • sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
  • indécision ou difficulté de réflexion ou de concentration ;
  • pensées morbides récurrentes, tentative ou planification suicidaire spécifique.

L’un de ces critères doit être une humeur dépressive ou une perte d’intérêt ou de plaisir pour que le diagnostic soit établi.

Le trouble de l’anxiété généralisée (TAG)

Le TAG est un trouble anxieux caractérisé par une préoccupation excessive et chronique à propos de situations quotidiennes normales. Les patients éprouvent des difficultés à contrôler leur anxiété de manière fréquente et sur une durée supérieure à 6 mois. Pour être significatifs, les symptômes doivent être au moins 3 parmi les suivants :

  • agitation, surexcitation ou nervosité ;
  • irritabilité ;
  • fatigabilité élevée
  • problèmes de concentration ;
  • tension musculaire ;
  • troubles du sommeil.

L’inquiétude envahissante ne doit pas découler de la prise de substances ou d’un autre problème médical.

La toxicomanie

Dans les troubles de toxicomanie, les patients continuent à consommer une ou plusieurs drogues tout en ayant conscience des conséquences néfastes importantes (à niveau médical, social et financier) qui en découlent.

Pour qu’un trouble psychiatrique soit considéré comme induit par une substance toxique, il faut qu’elle soit effectivement reconnue pour cet effet. De plus, les symptômes doivent répondre aux critères suivants :

  • apparaître dans un délai d’un mois suivant la prise ou le sevrage de la substance ;
  • engendrer une détresse ou un dysfonctionnement significatifs ;
  • ne pas avoir été observé avant la consommation de la substance ;
  • se produire uniquement lors d’un épisode de confusion aiguë imputable à la substance ;
  • ne pas persister pendant une longue période (sauf pour certains troubles neurocognitifs provoqués par certains types de drogues).

 

La prise de stupéfiants traduit une difficulté à affronter la réalité.

L’anorexie mentale

L’anorexie mentale se définit par une quête perpétuelle de minceur, le plus souvent doublée d’une peur pathologique de l’obésité. Par ailleurs, elle s’accompagne d’une image déformée de son propre corps et mène à une limitation des apports nutritionnels par rapport aux nécessités énergétiques. Le sujet se voit toujours plus gros qu’il ne l’est en réalité et limite sa prise alimentaire dans le but de réduire son poids corporel, quitte à mettre sa santé en danger. Le besoin de contrôle prédomine dans ce comportement dysfonctionnel.

Nous avons vu que parmi toutes les pathologies présentées ici, beaucoup peuvent s’apparenter à des manifestations de la perversion sentimentale. En réalité, le trouble de la personnalité narcissique et ses comorbidités permettent d’entrevoir les difficultés de poser un diagnostic fiable. S’il existe des tests de personnalité en ligne pour soulever la nécessité d’investiguer plus profondément sur un profil problématique, rien ne remplace l’expertise d’un psychologue qualifié et habitué aux machinations machiavéliques des MPN pour les démasquer. N’oublions pas que ces acteurs hors pair sont capables de leurrer les psy, les médiateurs et les juges.

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