Souvenez-vous ce petit poussin noir avec son bout de coquille en guise de chapeau qui clamait systématiquement “C’est trop injuste”.
N’était-il pas touchant ? N’éprouviez-vous pas une immense empathie pour ce pauvre personnage inoffensif qui semblait être l’éternelle victime d’un complot universel ?
Figurez-vous qu’en tapant sur la corde sensible des spectateurs, il parvenait en fait à manipuler vos émotions. Cela vous rappelle les vampires sentimentaux en version mignonne, n’est-ce pas ?
C’est normal, car reconnaître un syndrome de Calimero ou de la perversion narcissique peut se révéler plus ardu qu’on le pense.
Voici en quoi ils sont comparables.
Qu’est-ce que le syndrome de Calimero ?
Le syndrome de Calimero et la perversion narcissique ont en commun la victimisation systématique de son porteur, dès lors que les choses ne tournent pas en sa faveur.
Sur quoi portent les plaintes des perpétuelles victimes du sort ?
Un individu présentant le syndrome de Calimero a tendance à se plaindre de tout et pour tout. Son mode de fonctionnement de prédilection, c’est de croire qu’il a été traité injustement et que, par conséquent, il subit des attaques personnelles.
Il peut se considérer mis à l’écart par son groupe d’appartenance, ignoré par une ou plusieurs personnes ou lésé par rapport à d’autres.
De la même façon qu’il tombe facilement dans la paranoïa de penser que la terre entière lui en veut, il sera tout à fait enclin à blâmer autrui ou la malchance pour ses propres erreurs et échecs.
En d’autres termes, il n’est responsable de rien de ce qui lui arrive de négatif.
Il se place en opposition par rapport aux autres et sa devise pourrait d’ailleurs être “envers et contre tous”, mais sans combativité.
Des Calimero de tous âges
C’est le sentiment d’injustice et de complot universel à leur encontre qui caractérise les Calimero, qu’ils soient enfants, adolescents ou adultes.
Ce n’est donc pas parce que ce syndrome est incarné par un poussin dans l’acceptation populaire qu’il se cantonne à toucher les plus jeunes.
D’ailleurs, il n’y a pas de différence notoire entre les comportements de Calimero en fonction de leurs âges respectifs. L’adulte pourra adopter des stratégies de camouflage un peu plus élaborées, mais au fond, le mécanisme psychique sera le même : l’autre est pris pour le méchant et la vie est tenue pour injuste.
Cependant, si les jeunes Calimero finissent en principe par abandonner leur attitude victimaire, les adultes auront plus de mal à s’en défaire, surtout s’ils n’en voient pas spécialement l’intérêt, car oui, il y a des bénéfices à se comporter de la sorte.
Un dysfonctionnement comportemental réel
Ces comportements amènent certains avantages que nous aborderons plus loin, mais à terme, ils s’avèrent invariablement problématiques.
En effet, ils peuvent finir par influer négativement sur les relations sociales, l’estime de soi et, par extension, le bien-être psychologique.
C’est pourquoi la psychologie et la psychanalyse se sont penchées sur ce phénomène. Bien que le syndrome de Calimero ne soit pas reconnu comme un trouble mental à proprement parler, il n’en reste pas moins un mouvement psychique dysfonctionnel.
Heureusement, il est possible de remédier à ce prisme autocentré, notamment grâce à la psychothérapie, en apprenant à modifier son point de vue.
Pourquoi le syndrome de Calimero et la perversion narcissique se confondent ?
À première vue, difficile de croire que le PN, dans toute sa grandiloquence, risquerait de se présenter dans une posture aussi peu flatteuse que celle d’un Calimero.
Mais en deuxième lecture, vous allez voir que les bénéfices qui peuvent être retirés de cette attitude plaintive peuvent tout à fait servir une stratégie d’emprise.
La valeur manipulatoire de la plainte
Qui dit “plainte” dit “apitoiement” et, autrement dit, “sympathie”. En cas de sentiment d’être lésé, un Calimero choisit cette voie plutôt que celle du conflit pour recueillir la validation de son statut autoproclamé de victime.
D’une part, cela permet de capter l’attention de l’interlocuteur, mais en plus, cela va venir stimuler la propension de ce dernier à consoler, voire à agir pour réparer ou compenser l’injustice.
C’est ainsi que les MPN recrutent une bonne partie de leurs complices, par exemple. Finalement, perversion ou pas, il s’agit d’une forme de trouble du narcissisme : le narcissisme introverti.
En effet, ce refus de sa propre remise en cause témoigne d’une haute estime de soi que le plaintif espère voir reconnue également par les autres. Sa plainte pourrait d’ailleurs manifester la frustration de ne pas y arriver.
En cherchant à nourrir son ego à travers les attitudes d’autrui, il ressemble aux pervers narcissiques lorsque ces derniers endossent le rôle de victime, obéissant à la dynamique du triangle de Karpman.
La fonction défensive du syndrome de Calimero
Nous avions déjà évoqué les mécanismes de défense du PN qui englobent tous les processus mentaux visant à maintenir chez lui une certaine cohérence psychique.
Ces stratégies défensives, le plus souvent inconscientes, servent à faire baisser l’angoisse et à protéger le psychisme d’une vérité qui serait trop perturbante.
Conjurer le mauvais sort… en fonçant droit dessus
Un Calimero éclot le plus souvent d’une blessure narcissique. Un trouble de l’attachement aura pu par exemple lui apprendre à contourner le rejet en se présentant d’emblée comme une victime du rejet. Ainsi, en se mettant lui-même dans la position qu’il redoute, il en atténue l’effet.
D’une part, c’est lui qui en a la maîtrise, donc personne d’autre ne peut la lui imposer, et d’autre part, il annule la possibilité que quelqu’un fasse ce qui a déjà été opéré.
Cette opération a pour but de diminuer l’anxiété relative à la peur anticipatoire, un peu comme une fuite en avant dans laquelle on fonce droit vers l’objet de nos angoisses.
Et comme dans la perversion narcissique, la prise de contrôle contrecarre le sentiment d’impuissance et de vacuité.
Déplacer le vrai problème
Dans la plainte constante, il y a également quelque chose de l’ordre de l’agressivité déplacée. C’est comme si les reproches sur des choses plutôt triviales ou sans grande conséquence dissimulaient une animosité plus virulente.
Elle peut être tournée vers quelque chose ou quelqu’un, mais demeurerait inavouable afin de préserver une image de façade. Nous savons que le masque social est primordial pour permettre au PN de mener son entreprise destructrice en toute impunité.
Ainsi, dénigrer en permanence sa proie sur des sujets infimes dévoilerait plus subtilement la haine qu’il lui porte et sa volonté irrépressible de la détruire.
Toujours dans la thématique du déplacement, et peut-être plus en rapport avec un individu présentant un syndrome de Calimero, on peut imaginer que voir l’injustice partout est une manière de manifester une vision négative de la vie et du monde extérieur. Cela peut même traduire une dépression camouflée.
Et si le syndrome de Calimero était plutôt un problème de victime de PN ?
Vous l’aurez compris, ce qui distingue le manipulateur machiavélique du Calimero, c’est la valeur positive ou négative de l’intention. Le premier utilise la ficelle de la plainte pour contrôler son entourage, tandis que le second essaie de se contrôler lui-même.
Partant de ce principe, il est tout à fait probable qu’une ancienne proie de PN tombe dans le travers de la plainte excessive. Il y a une réelle différence à faire entre le statut de victime et la victimisation.
Si la reconnaissance de la dimension abusive de ce que l’on a subi dans la relation toxique est une étape primordiale pour s’en défaire, le fait de s’habituer à se faire plaindre ne doit pas s’inscrire dans la durée.
Nous avons déjà évoqué le risque de stigmatisation et typiquement, perpétuer une attitude de lamentation pourrait la favoriser.
Alors, projetez-vous sur l’avenir et la construction, de préférence avec l’aide d’un psy spécialisé dans les liens d’emprise, et sortez de votre coquille jusqu’au dernier bout.
Le syndrome de Calimero ou la perversion narcissique utilisent la plainte pour se faire reconnaître, exprimer une animosité et attirer l’indulgence et la sympathie.
La comparaison s’arrête là, car l’un soufre d’un mal-être, tandis que l’autre veut infliger le mal-être à autrui. Si vous êtes face à quelqu’un qui semble enfermé dans un schéma de lamentations perpétuelles, attention à ne pas sauter sur une occasion de jouer les sauveurs ou les infirmières.
Parfois, ces personnes qui se pensent victimes d’injustice ont juste besoin d’apprendre à décentrer leur point de vue. Les orienter vers un professionnel de l’accompagnement psychologique peut littéralement et rapidement changer leur vision du monde. Au moins, vous ne pourrez pas être accusé d’avoir été de mauvais conseil.