SYNDROME DE L’INFIRMIERE : 4 RAISONS D’ARRETER DE TENIR CE ROLE

Au risque de jeter un pavé dans la mare, endosser le rôle symbolique de la servante protectrice et dévouée aux autres n’a rien de louable. Au contraire, il faut sortir au plus vite du dysfonctionnement psychologique du syndrome de l’infirmière. Sa dénomination en syndrome induit d’ailleurs son caractère pathogène, bien que le phénomène ne bénéficie pas d’une reconnaissance scientifique à proprement parler. Alors pourquoi se positionner soi-même  comme l’éternelle sauveuse, l’héroïne qui va changer le destin des protégés qu’elle prend en charge ? Que cache cette volonté de faire passer le bonheur d’autrui avant le sien ? Voyons en quoi ce schéma problématique fragilise et met en danger ces femmes sacrificielles qui le perpétuent, et découvrez les 4 bonnes raisons d’y mettre un terme.

Qu’est-ce que le syndrome de l’infirmière ?

Le syndrome de l’infirmière est semblable au syndrome du sauveur à ceci près que, d’une part, il concerne majoritairement les femmes ; et que d’autre part, il est dénué de dimension narcissique. En effet, dans ce dernier cas, l’altruisme n’est qu’un moyen détourné de redorer sa propre estime de soi.

Comment les femmes manifestent-elles leur syndrome de bonne samaritaine ?

Pour les femmes qui prennent sur elles de vouloir sauver le monde à leur propre détriment, il s’agit surtout d’une pulsion inconsciente à satisfaire les autres et, par extension, à leur plaire. Ce mécanisme s’appuie sur leur grande empathie, qualité faisant parfois défaut au profil du sauveur (surtout dans le cas concerné par le triangle de Karpman) ce qui les différencie d’autant plus. Elles nourrissent l’inlassable espoir de faire la différence dans la vie de quelqu’un. Le plus souvent, leur attention se focalise sur un conjoint à problèmes. Ceux-ci sont généralement d’ordre :

 

  • affectif (comme des difficultés relationnelles) ;
  • comportemental (avec des addictions, par exemple) ;
  • psychologique (dépression et autres formes de troubles anxieux) ;
  • financier 

La pseudo-infirmière s’empare de la mission de sauver cette pauvre âme égarée en déployant une énergie incroyable. Cette charge prend le pas sur ses propres besoins, quitte à risquer le burnout ou la banqueroute. Dans cet élan altruiste, elle s’oublie derrière la responsabilité qu’elle se donne elle-même et qui, presque à chaque fois, arrange bien le bénéficiaire de ses soins. Ainsi, une relation bancale s’installe dans laquelle il n’y a qu’un donneur et qu’un receveur, sans alternance des rôles.

Que revèle l’attitude sacrificielle de ces pseudo-infirmières ?

Il est admis de tous qu’on ne peut pas sauver quelqu’un qui ne veut pas se sauver lui-même. Alors qu’est-ce qui pousse certaines personnes à s’épuiser à le tenter, envers et contre tous ? Le syndrome de l’infirmière concernerait les femmes porteuses d’un important déficit de confiance en elles. Ainsi, être appréciées simplement pour ce qu’elles sont leur semblerait impossible. Pour remédier à cette croyance, elles rétabliraient leur potentiel attractif en devenant utiles. En se donnant une fonction, elles pensent restaurer une certaine valeur aux yeux d’autrui. L’intention sous-jacente est de se rendre indispensable afin de minimiser la peur du rejet ou de l’abandon.

La cause de cette faible estime de soi remonterait une fois de plus au développement de la personnalité lors de la petite enfance. Des parents peu expressifs ou peu affectueux, ou une parentification de l’enfant inscrirait dans sa psyché l’idée qu’il n’est pas assez “aimable” dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire “digne d’être aimé”. Or, pour assurer sa survie, l’humain a besoin d’appartenir à un groupe. La nécessité vitale de construire du lien social le pousserait donc à adapter sa désirabilité en s’instrumentalisant lui-même.

Il existe aussi des cas de personnes ayant développé ce syndrome suite à un traumatisme qui aurait laissé en eux la pensée qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis d’autrui, soit parce qu’ils n’ont pu empêcher un drame, soit au contraire parce qu’ils y ont joué un rôle déterminant.

Pourquoi faut-il abandonner le rôle de l’infirmière ? 4 raisons 

Aider son prochain est largement valorisé dans notre société. Plus le don de soi est conséquent, plus il est salué. Mais en quoi n’est-ce pas forcément une bonne chose ? Et pourquoi cela retombe-t-il plus souvent sur les femmes ? Répondre à ces questions permet de comprendre pourquoi le schéma de l’éternelle garde-malade est malsain.

Raison n° 1 : Jouer l’âme charitable est mensonger

Nous avons vu qu’une générosité débordante cachait le plus souvent un mal-être. La faible estime de soi que l’on retrouve à l’origine du syndrome de l’infirmière peut ne pas être consciente, mais elle nécessite toutefois un travail introspectif, préférablement mené avec l’aide d’un psy. Lorsque l’on commence réellement à s’interroger sur nos envies et besoins, on réalise que la plupart de nos comportements ne sont pas en accord avec nos aspirations profondes. Ainsi, ne pas savoir dire “non” par peur de froisser, c’est non seulement se mentir à soi-même, mais également à la personne qui reçoit une réponse de complaisance. Or, sans sincérité, il ne peut y avoir de relation saine.

Raison n° 2 : La quête de sauvetage de l’autre est utopique

Chacun est responsable de son propre sauvetage. En tant que psychologues cliniciens, nous sommes confrontés à cette réalité au quotidien. Il appartient à chacun de se sauver lui-même. En vérité, c’est même extrêmement présomptueux de croire que l’on peut “réparer” quelqu’un d’autre que soi. Personne n’a ce pouvoir. Tout ce que l’on peut faire, c’est aider ou accompagner le processus de reconstruction, à condition d’y mettre suffisamment de distance pour ne pas se laisser entraîner dans une éventuelle chute. Chacun doit être acteur de son destin et finalement, ce n’est  ni réaliste ni souhaitable de vouloir faire ce travail à la place de l’individu concerné, même lorsqu’on l’aime profondément. Réaliser cette limite permet de faire retomber la pression et d’éviter la culpabilité en cas de déconvenues. C’est tout simplement libérateur.  

Raison n° 3 : Le syndrome de l’infirmière est dévalorisant

On se concentre sur les problèmes d’autrui pour ne pas se pencher sur nos propres failles. En déplaçant l’attention loin du sujet principal, on est condamné à répéter les mêmes schémas qui ne mènent nulle part. Mais tout cercle vicieux peut se transformer en mauvais engrenage. Ainsi, plus vous donnez, plus on s’habitue à ce que vous le fassiez. Vous pouvez vous user à être toujours la personne fiable qui prendra soin des autres, jusqu’à risquer le burnout, d’autant plus que personne ne pense à se demander si vous-même allez bien ou avez besoin de soutien.

De même, ceux qui ont l’habitude de bénéficier de votre générosité ont tendance à oser en demander toujours un peu plus, puisque ça n’a pas l’air de vous déranger. Ainsi, ils dévalorisent irrémédiablement vos actions. Et gare à vous si vous diminuez vos efforts pour les autres ! Cela se ressentira instantanément et ouvrira la voie aux plaintes et critiques, engendrant certainement chez vous une immense culpabilité, voire de la honte. N’oublions pas non plus que certains ont la mémoire très courte et que s’ils finissent effectivement par sortir de leurs déboires, ils n’auront pas toujours de scrupules à continuer leur vie… sans infirmière ! En définitive, le peu de satisfaction à retirer de la gratitude momentanée de ceux que vous servez est bien peu de chose comparée au mal-être que cette relation déséquilibrée provoquera à terme chez vous. Le risque de dépression est bien réel et doit être pris au sérieux.

Raison n° 4 : Se mettre au service de quelqu’un est dangereux

Même si les infirmières improvisées se donnent leur rôle volontairement, elles n’en restent pas moins soumises à leur pseudo-malade. En général, ce dernier s’accommode d’ailleurs très bien de la situation et n’a donc aucune raison d’en changer. Après tout, qui ne rêverait pas d’une assistante personnelle qui prend tout en charge ? Qui refuserait de voir sa dette épongée par une aide providentielle ? Qui oserait demander à quelqu’un d’en faire moins pour nous alors qu’il affirme que cela est naturel, voire lui fait plaisir ?

Citons la psychanalyste Anne Dufourmantelle et son essai sur La femme et le sacrifice : “La femme sacrificielle n’existe pas seulement dans nos mythes, elle est la figure récurrente des légendes d’amour, des religions et des textes fondateurs de notre culture, mais elle est aussi terriblement banale. On la côtoie, on lui adresse la parole, on la malmène, on la convoque parce qu’elle est logée là, au plus près de nous, dans les soubassements des histoires de famille, du côté de la honte et du secret, de la mort et de la naissance, du côté de la transmission impossible et de la mémoire qui insiste pour ne pas être tue, du côté silencieux du courage et de toutes les formes de refus.”

Certaines personnes, plus majoritairement les hommes et a fortiori les pervers narcissiques, recherchent ces profils exagérément altruistes. Eh oui, curieusement, vouloir aider les autres à tout prix peut mener tout droit à la dépendance et donc, à la manipulation. Lorsqu’une pseudo-infirmière croise un vampire émotionnel, elle risque très fortement de tomber, voire de se jeter, dans ses griffes.

Le syndrome de l’infirmière traduit un mécanisme relationnel dysfonctionnel. On veut sauver autrui pour nier l’évidence : c’est l’infirmière qui a besoin d’aide ! Le plus dur est donc de se rendre compte de ces automatismes, mais aussi d’apprendre à risquer de décevoir l’autre. En effet, abandonner le rôle de sauveuse implique de poser ses limites et d’accepter que cela déplaise à certains. Pourtant, cela permet de faire le tri dans son entourage et de ne conserver que les personnes qui vous aiment réellement pour ce que vous êtes, et non pour ce que vous faites pour eux.

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