Les troubles de l’attachement conditionnent-ils la relation avec un PN ?
Nos modes relationnels s’élaborent depuis notre naissance, notamment à travers la qualité du lien affectif entretenu avec notre principale figure parentale, le plus souvent la mère. De cette première relation interpersonnelle va naître un style d’attachement qui poursuivra son développement tout au long de notre vie. Si celui-ci est bon, nos comportements affectifs et sociaux seront plutôt sains et enrichissants. Si à l’inverse il s’avère défaillant, les troubles de l’attachement pourront venir entraver notre capacité à tisser des liens satisfaisants avec autrui. Dans un tel contexte, la survenue d’une dynamique relationnelle toxique avec un pervers narcissique est tout à fait probable. Et le pire, c’est que de cette expérience abusive naîtront d’autres traumatismes émotionnels qui entacheront la suite du parcours affectif. Décryptage.
La théorie de l’attachement
Les troubles de l’attachement sont issus d’une théorie que l’on doit au psychiatre et psychanalyste britannique John Bowlby. À partir des années 1950, le chercheur formule l’hypothèse que dès la petite enfance, les premières expériences relationnelles conditionnent le développement affectif et social des individus. Si le nourrisson bénéficie d’une relation sécurisante avec sa figure d’attachement (appelée aussi le donneur de soins) généralement incarnée par la mère, il élaborera des compétences d’autorégulation émotionnelle qui lui donneront suffisamment confiance pour explorer le monde et aller à la rencontre d’autrui. Au contraire, s’il grandit dans un contexte menaçant ou instable, il pourra déclarer des troubles de l’attachement, illustrés par des difficultés relationnelles et des problèmes émotionnels et comportementaux de divers ordres, que nous détaillerons plus loin.
Cette réflexion permet de tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles une mère trop envahissante provoquerait des attitudes de dépendance à son égard. En effet, c’est plutôt les séparations précoces, répétées ou prolongées avec sa figure d’attachement qui engendreraient chez l’enfant une désorganisation du mode relationnel.
Dans la lignée de Bowlby, la psychologue américaine Mary Ainsworth a pu approfondir la théorie de l’attachement en élaborant notamment l’expérience de la “situation étrange” (ou strange situation). Ceci lui permit d’identifier les différents types d’attachement chez les jeunes enfants.
Les principaux styles d’attachement
Les différents types de liens affectifs se caractérisent tout d’abord par une catégorisation antinomique : il y a l’attachement sécure et l’attachement insécure.
L’attachement sain dit “secure”
On estime qu’environ 50 % de la population bénéficie d’un mode affectif sécure. Cela signifie le plus souvent que ces sujets ont grandi dans des conditions favorables sur le plan émotionnel. Ils ont été aimés, soignés et encouragés. Cela se ressent à travers leur confiance en soi, leur sens des valeurs morales, mais aussi l’appréhension honnête de leurs forces et de leurs faiblesses. Autrement dit, ils semblent bien dans leur peau, tout en visant une amélioration réaliste. Un autre indicateur de ce type de mise en relation est la capacité à demander de l’aide. Les individus sécures n’hésitent pas à solliciter le soutien des autres, parce qu’ils n’ont aucun problème à reconnaître leurs limites. De plus, ils savent majoritairement exprimer leurs sentiments et affichent une certaine foi en l’avenir. À noter que si cette confiance est rompue, un individu sécure pourra tout à fait développer sur le tard un style insécure d’attachement, notamment à la suite d’un chagrin d’amour ou d’une trahison amicale, par exemple. De même, une relation instable pourra rendre inquiet un sujet pourtant serein de nature. Rien n’est figé dans notre façon de nous connecter aux autres et tout peut changer à tout moment.
Les troubles de l’attachement ou l’attachement insécure
Les attachements insécures sont en réalité des défenses psychiques mises en place pour contrer la blessure de rejet ou d’abandon, ou bien pour faire face à des contextes difficiles tels que le climat incestuel, par exemple. On distingue 3 principaux troubles du lien affectif qui engendrent des difficultés à instaurer des relations sociales satisfaisantes.
1. L’attachement évitant
Appelée aussi “attachement détaché”, la conduite relationnelle évitante représenterait environ 25 % de la population. Elle serait toutefois en constante augmentation. Elle se traduit par une attitude méfiante, peu engagée, avare de démonstrations d’affection comme la tendresse ou les compliments. Ce sont souvent les sujets ayant un passif de maltraitance qui maintiennent une certaine distance émotionnelle. Tout est fait pour les préserver des émois divers que traversent les relations humaines. Pour eux, se mettre à l’écart est synonyme de sécurité. Le résultat est pourtant qu’on a l’impression de ne pas vraiment les connaître. Les enfants évitants sont fréquemment le fruit de parents inattentifs, pratiquant l’invalidation émotionnelle, la parentification ou usant d’injonctions à contenir ses émotions. Les évitants se sentent très seuls, alors qu’ils rêveraient de créer du lien. Mais ce à quoi ils aspirent (se connecter) est précisément ce qui les angoisse (montrer sa vulnérabilité). En couple, ce sont des partenaires plutôt frustrants qui ont du mal à nouer des liens profonds et à permettre que l’on approche leur intimité. Un adulte peut tout à fait développer un type d’attachement évitant suite à une relation traumatique avec un pervers narcissique, par exemple. Ceci peut même le pousser à attendre avant de se remettre en ménage.
2. L’attachement anxieux
Environ 20 % des gens présentent un mode d’attachement anxieux ou préoccupé (parfois qualifié d’ambivalent). Ils se sont généralement construits dans un environnement instable ou avec des parents craintifs, surprotecteurs ou désinvestis. Ils ont ainsi intériorisé que l’extérieur est une menace constante et que seuls, ils ne peuvent y faire face. Ils doutent profondément de leur valeur personnelle. Pour compenser cette souffrance, ils sont donc dans un comportement anaclitique, c’est-à-dire dans le besoin pathologique de l’autre, puisqu’incapables de se rassurer eux-mêmes et de s’autoréguler. La proximité avec autrui, voire la fusion relationnelle, devient centrale dans leur vie et mène à des attitudes excessives, contrôlantes, demandeuses, inquiètes et éventuellement colériques. Lorsque l’on est en couple avec une personne dont le mode relationnel est anxieux, on peut se sentir étouffé, et dans les cas extrêmes, harcelé. Les pervers narcissiques savent parfaitement utiliser les émotions des sujets insécures ambivalents pour les manipuler. Ce sont donc des proies de prédilection.
3. L’attachement désorganisé
Oscillant entre la méfiance et le besoin de réassurance, on trouve l’attachement de type désorganisé. Le sujet présentant ce mode relationnel adoptera donc des attitudes parfaitement contradictoires dans un laps de temps aussi court que déroutant. Cela donne en général des relations tumultueuses où règne la confusion. Heureusement, seuls 5 % des cas fonctionnent selon ces deux polarités. Cette attitude chaotique est souvent issue de grandes adversités telles que des psychotraumatismes graves. C’est également un terrain pour des troubles psychiques plus importants (dépression, anxiété, etc.). Attention toutefois à ne pas confondre ce trouble de l’attachement avec le fameux jeu du chaud et du froid dont les MPN usent avec délectation pour désorienter leurs victimes. Dans ce cas, il s’agit bien d’une stratégie manipulatoire et non de tourments émotionnels involontaires.
John Bowlby considérait que l’attachement évoluait tout au long de la vie, notamment au fil des traumas. Partant de ce principe, il est tout à fait possible de cheminer vers une sécurisation du mode relationnel. Pour cela, il faut soigner ses blessures émotionnelles et surtout, rassurer son enfant intérieur. Cette théorie nous montre qu’une fois de plus, pour entrer en connexion de manière sûre avec autrui, il faut avoir mené un travail d’introspection. Dans le cadre du couple, les difficultés ne découlent pas seulement des problématiques d’amour et de sentiments, ni même de communication. Il s’agit aussi bien des capacités à s’autoréguler et à s’ouvrir aux bonnes personnes, non pas par nécessité maladive, mais par confiance en soi et en ses ressources intrinsèques. Une bonne alliance avec un psychothérapeute saura vous libérer des troubles de l’attachement pour vous orienter vers un mode de mise en lien sécure et épanouissant.