QU’EST-CE QUE L’INVALIDATION ÉMOTIONNELLE ? COMMENT S’EN PROTÉGER ?

L’invalidation émotionnelle consiste à tenter de persuader quelqu’un que ce qu’il ressent en son for intérieur n’est pas réel. Lorsque l’on y pense, c’est d’une absurdité totale. Après tout, qui mieux que nous-mêmes serait capable de déterminer les émois qui nous traversent ? Et pourtant, ce genre de situation est effroyablement banale. Cela va de l’enfant qui pleure en s’écorchant à qui l’on dirait “Ce n’est rien, sèche tes larmes, ça ne fait pas si mal que ça”, à l’adulte en détresse qui se verrait entendre : “Ne te mets pas dans tous tes états, il n’y a pas de quoi en faire un drame !” Nier la légitimité de notre ressenti nous perturbe profondément. Si la plupart des gens pratiquent la dénégation des affects inconsciemment ou pensant bien faire pour calmer quelqu’un, cela reste une technique de manipulation très efficace largement répandue chez les pervers narcissiques. Voyons comment se réapproprier les indices émotionnels que notre corps nous transmet.

Quels sont les dangers de voir ses émotions reniées ?

La pression sociale nous a longtemps inculqué que laisser transparaître ses fluctuations émotionnelles était mal vu, voire répréhensible. Résultat, nombreuses sont les personnes qui refoulent leurs émois depuis tant de temps qu’ils ne savent plus se connecter à leur ressenti. Or, si une émotion est censée être seulement passagère, lorsqu’elle est étouffée, elle se loge au plus profond de l’être. En ne disparaissant pas totalement, elle finira bien par se manifester plus tard, sous une forme aggravée.

Les risques de l’invalidation émotionnelle pour les enfants

Les premiers à subir les méfaits de l’invalidation émotionnelle sont les enfants. Pourtant, la construction de leur personnalité dépend en grande partie de leur capacité à comprendre leur fonctionnement psychologique. Qu’est-ce qui excite leur curiosité ? Qu’est-ce qui leur fait peur ? Qu’est-ce qui provoque chez eux de la répulsion ou de l’attirance ? C’est en écoutant et en répondant à leur ressenti par des actions que les enfants partent à la découverte du monde, mais aussi d’eux-mêmes. Brider les émotions d’un jeune être en construction génère une grande anxiété, une mauvaise confiance en soi, mais aussi des difficultés à nouer des liens sociaux. Voici les différentes problématiques que cela génère :

  • Une mauvaise gestion des émotions. Les enfants qui ont vécu l’invalidation émotionnelle peinent à identifier, comprendre et exprimer leur ressenti. Cela provoque des situations de trop-plein qui se traduisent par des crises émotionnelles ou des comportements impulsifs.
  • Des relations difficiles. L’incapacité à reconnaître ses émotions empêche non seulement de les expliquer, mais aussi de les détecter chez les autres, entravant par là l’établissement de liens sur un registre affectif.
  • De l’isolement. Les difficultés à se faire des amis exposent ces enfants à une mise à l’écart et à la solitude.
  • Des difficultés scolaires. Le sentiment d’étrangeté et d’inadéquation va souvent de pair avec des problèmes de concentration et d’apprentissage.
  • Des problèmes de santé mentale. Bien entendu, le refoulement des émotions offre un terrain propice au développement de troubles psychologiques tels que la dépression, l’anxiété chronique, les perturbations du sommeil ou du comportement alimentaire, etc.

Tous les enfants ont cependant des réactions différentes et l’impact de l’invalidation émotionnelle peut varier selon de nombreux facteurs, comme le contexte ou la durée de l’exposition.

Les conséquences du déni d’émotions chez les adultes

Les adultes exposés à l’invalidation émotionnelle peuvent éprouver les mêmes difficultés que les enfants. Aux menaces qui les concernent plus spécifiquement que ceux évoqués plus haut, on peut rajouter :

  • Des problèmes relationnels sur le plan amoureux et familial. L’un des dangers est évidemment de reproduire le schéma du déni des émotions auprès de ses propres enfants, ce qui équivaudrait à faire de vous un parent toxique. Pour la vie de couple, les retombées d’une mauvaise gestion des affects et d’une incapacité à les communiquer génère de l’instabilité.
  • Des difficultés professionnelles. La capacité à prendre des décisions, à résoudre des problèmes, à travailler en équipe ou à trouver sa place dans un ordre hiérarchique peut être perturbée.

De plus, les personnes habituées à voir leurs émotions qualifiées d’illégitimes ou irrecevables finissent pas intégrer le schéma et à se l’infliger à elles-mêmes, c’est-à-dire à pratiquer l’auto-invalidation émotionnelle.

Comment se protéger de l’invalidation émotionnelle ?

Lorsque l’on prend conscience d’un tel mécanisme, plusieurs stratégies permettent de lutter contre l’invalidation émotionnelle.

Identifier ses diverses formes et réaliser qu’elle est partout

Après tout, qui n’a jamais dit ou entendu, en guise de consolation à un amoureux éploré : “Une de perdue, 10 de retrouvées !” ? Cette injonction à la positivité a envahi nos vies, surtout depuis que les réseaux sociaux ont permis de véhiculer des conseils fourre-tout de développement personnel promettant un bonheur incommensurable. Cela implique que l’on devrait tous être capables de tourner la page ou de garder la tête froide en toutes circonstances, sous peine d’être perçus comme faibles. C’est une cause majeure de souffrance affective dont il faut se méfier.

Prendre un moment pour identifier et accueillir l’émotion

Lorsque l’on sent une perte de contrôle émotionnel, il faut se poser un instant, s’isoler si possible et chercher à répondre à la question fondamentale : “Qu’est-ce que je ressens ?” La méditation et la relaxation peuvent être d’un grand secours pour vous entraîner à vous écouter. De même, n’hésitez pas à vous documenter sur le thème des différentes émotions afin de bien savoir les distinguer. Un affect reconnu devient ainsi réel. Lorsque l’on a la force d’admettre que la peur ou la tristesse nous envahit, nous sommes plus à même de la gérer.

Exprimer clairement son ressenti sans attaquer l’autre

Pouvoir expliquer son état émotionnel est important, même si votre interlocuteur tente de le minimiser. Cela permet de se positionner et donne des indices précieux à l’autre. Dire “Je suis vexé par tes paroles” est un fait. On aura beau vous rétorquer que ce n’était pas le but ou que vous exagérez, c’est une réalité, et ce qui existe ne peut plus être renié.

Admettre que toute émotion est valide, mais passagère

Les émois nous traversent, mais ne nous définissent pas. Ils ne sont ni bons ni mauvais, mais simplement humains. Le fait d’avoir ressenti de la colère à un moment précis ne fait pas de nous quelqu’un de colérique, à la condition de ne pas s’accrocher à celle-ci. Tel que l’émotion vient, il faut savoir la laisser repartir pour être peut-être remplacée par une autre. Il s’agit ici de pratiquer l’indulgence envers soi-même.

Oser s’en remettre à un soutien émotionnel

Si une émotion vous submerge au point que vous ne savez plus comment y faire face, n’hésitez pas à parler à des personnes de confiance. Suivant les situations, il n’est pas toujours indiqué de donner les clés de ce qui vous affecte et encore moins à n’importe qui. Assurez-vous que vous allez réellement être soutenu avec bienveillance et sans jugement, par une personne de bonne écoute et éventuellement de bon conseil. Même s’il paraît simple de dire à quelqu’un dans la tourmente que l’on entend sa détresse et que l’on est là pour lui, ce n’est pas donné à tout le monde. Si votre entourage ne vous apporte pas le soulagement dont vous avez besoin, soyez assuré qu’un psy saura vous aider, d’autant plus que les consultations en ligne largement démocratisées peuvent rendre la démarche aussi simple qu’efficace.

Prendre soin de soi

Se connaître, c’est prendre le temps de se consacrer uniquement à son propre bien-être et à le prioriser coûte que coûte, à l’image d’un pompier qui se protège avec son équipement avant d’aller au secours d’autrui. Avez-vous remarqué comme de simples formes de stress telles que la faim ou le manque de sommeil peuvent nous rendre irritable ? Pour éviter d’être parasité par des humeurs d’origine aussi basique, adoptez une bonne hygiène de vie et ressourcez-vous régulièrement dans des activités que vous avez pu identifier comme bénéfiques et vous procurant un sentiment de joie ou de plénitude.

L’invalidation émotionnelle est partout. Elle peut venir de notre société prônant une positivité sans compromis qui en devient toxique ou revêtir la forme d’un héritage éducationnel complètement obsolète. Paradoxalement, l’intuition est valorisée, alors qu’il s’agit vraisemblablement d’une capacité à être attentif aux signes que nous envoie notre corps, aussi infimes soient-ils. La seule personne habilitée à savoir ce qui se passe en vous, c’est vous. Ne laissez personne vous contredire sur votre ressenti profond et rappelez aux plus insistants qu’ils ne sont pas à votre place et n’ont donc pas voix au chapitre. En effet, illégitimer votre ressenti, c’est déjà de l’abus émotionnel. Protégez-vous en continuant de développer votre sensibilité à votre monde intérieur, c’est une exploration passionnante.  

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