Renoncement et PN | Réflexion sur le lâcher-prise et ses enjeux

Renoncement et PN sonnent comme des notions antinomiques. En effet, le manipulateur sentimental ne se suffit pas à lui-même et s’accroche donc de branche en branche, de proie en proie, pour subsister. Incapable de “lâcher le morceau” sans en avoir un autre à se mettre sous la dent, il est condamné à vivre aux dépens de sa victime, tel un mollusque agrippé à son rocher. Mais qu’en est-il de la personne qui a été manipulée ? A-t-elle le choix de lâcher prise ? Qu’a-t-elle abandonné dans cette relation d’emprise ? Doit-elle continuer à se battre pour “tenir bon” et à se cramponner ? ou bien peut-elle se laisser porter par le flot de la vie ?  Voici nos réflexions sur un sujet multiforme

Le renoncement à soi pour une victime de manipulation sentimentale

Nous venons de poser l’impossible conciliation entre renoncement et PN, parce que c’est finalement une notion qui concerne exclusivement la victime de manipulation sentimentale. Mais nous reviendrons plus loin sur le rapport du pervers polymorphe avec ses liens d’accroche indéfectibles. Concentrons-nous tout d’abord sur la capacité à renoncer de la personne qui a été manipulée pour voir en quoi cela peut être délétère.

Stoïcisme ou passivité ? 

La problématique du lâcher-prise, bien que très à la mode, revêt en réalité une dualité qu’il nous a semblé important de considérer selon l’angle très spécifique de la relation de soumission. Force est de constater que, ces temps-ci, le stoïcisme a le vent en poupe. Pourtant, cette pensée philosophique grecque date de plus de 3 siècles avant Jésus-Christ. Si on l’étudie en profondeur, elle porte effectivement des concepts tout à fait louables (que nous n’aborderons pas ici, mais nous vous invitons à les questionner auprès de sources fiables). Ainsi, nombreuses sont les injonctions à laisser faire le destin, être dans l’acceptation et le détachement à ses propres émotions. Le problème, c’est que sa récupération récente par les coaches de vie et autres guides spirituels ou stratégiques peut vous pousser vers un renoncement forcé ou subi, qui ressemble plus à de la passivité ou à du découragement. Sous couvert de paraître sage ou spirituellement plus élevé, on est alors tenté de demeurer passif face aux événements. Or, n’oubliez pas que la menace rôde en permanence chez les victimes de MPN. Resteriez-vous stoïque après qu’un serpent venimeux vous ait mordu ? Laisseriez-vous le poison progresser dans vos veines sans broncher en remettant votre survie à une volonté supérieure ?  Accepter sereinement et ne pas accorder d’importance à ses émotions dans le cadre d’une relation toxique s’apparente tout simplement à de la soumission et à de l’invalidation émotionnelle.

La vision sacrificielle du renoncement de soi

Prenons maintenant une autre version de la transcendance du renoncement à soi : celle de la Bible. Selon les Écritures, il s’agit de faire le don de son corps et de son âme à Dieu et, à travers lui, à toute l’humanité. Dans une quête pieuse, le sacrifice de sa propre personne est un modèle largement loué qui permettrait d’accéder à la sanctification. Et si l’on n’est pas dans cette recherche ? Eh bien nous sommes tout simplement de vils égoïstes. Il serait difficile de mesurer combien cette valorisation de l’oubli de soi est ancrée dans notre société et notamment, combien la culture patriarcale l’a fait reposer majoritairement sur les femmes. Pour une victime de manipulation, c’est en pensant bien faire qu’elle s’est dévouée entièrement à son Dieu, ou plutôt au Diable, à ce pêcheur invétéré qui l’a abreuvée de ses mensonges habiles : le pervers narcissique. En croyant accéder plus facilement au Paradis par l’offrande de sa personne, elle a surtout vécu l’enfer de la manipulation sadique.

Pourquoi renoncement et PN sont-ils incompatibles ?

Les pervers narcissiques sont incapables de vivre en autonomie, car c’est leur nature de parasite qui assure leur survie psychique. Le concept d’abandonner n’est donc tout bonnement pas à leur portée intellectuelle. S’ils vous ont un jour donné l’impression de laisser tomber une proie ou de déposer les armes dans un combat, c’est peut-être tout simplement qu’ils sont partis sur un autre front et qu’ils ont trouvé une nouvelle marionnette à manipuler. Ou bien, c’est qu’ils sont en repli stratégique pour préparer le prochain assaut. Nous en avons parlé à de maintes occasions, un MPN est prêt à tout pour anéantir l’énergie vitale de son jouet. Soyez assurée que tant qu’il vous voit sur pied, il ne rêve que d’une chose : vous démolir. Il peut bien être affairé à tourmenter quelqu’un d’autre, vous laissant un répit bien appréciable, mais votre résilience est pour lui un véritable affront qu’il ne digérera jamais. Alors que vous travaillez à votre reconstruction, voire que vous êtes en pleine croissance post-traumatique il fomente probablement sa vengeance. Une nouvelle bataille juridique sur la garde des enfants, un dénigrement social auprès de vos amis communs ou sur les réseaux sociaux, un travail de sape dans votre milieu professionnel, une tentative pour vous faire rechuter dans une relation avec lui… peu importe le coup bas, tant que l’odieux personnage se rappelle à votre bon souvenir. Et si ça vous fait du mal, c’est encore mieux. Dans ces conditions, est-ce que céder à la pression serait plus simple ? Envisageons maintenant cette option sous un aspect positif. 

Le renoncement libérateur

Si, pour la plupart des gens, se détacher équivaut à se libérer des situations pesantes, il faut bien faire attention à ce que cela relève du libre arbitre. Un PN n’a pas d’alternative, il ne lâchera jamais sa proie, mais une victime peut choisir à tout moment de renoncer à se battre dans des conditions qui lui sont imposées. Parfois, déposer les armes ne veut pas forcément dire laisser la victoire à l’autre. C’est tout bonnement se retirer de la compétition malsaine et donc, annuler la possibilité pour tous de gagner ou de perdre. En tant que psychothérapeutes spécialisés dans les relations toxiques, nous savons qu’au bout d’un certain temps d’exposition aux violences morales, les personnes lésées adoptent des comportements plus ou moins agressifs à leur tour. À force d’avoir été entraînées à ce mode de fonctionnement, elles rêvent de vengeance, sont tentées d’aller laver leur honneur en racontant leur histoire à tout le monde, ou d’aller prévenir la nouvelle proie du PN du sort qui l’attend. Le problème, c’est que ces confrontations incessantes, en plus d’être vaines et énergivores, entretiennent le cercle vicieux de la toxicité. La provocation est un engrenage qui appelle une contre-offensive, jusqu’à épuisement. Ainsi, ne plus participer à ces jeux malsains, c’est ne plus laisser de place centrale au vampire émotionnel dans votre vie. En somme, il n’y a que vous qui puissiez déterminer le meilleur moment pour vous de couper ce cordon putride. Avec l’aide d’une bonne alliance thérapeutique, vous pouvez accélérer la survenue de cet instant décisif dans lequel vous comprenez qu’il ne s’agit pas de renoncer, mais bien de reprendre le pouvoir de mener sa propre vie. À l’inverse de la perspective passive de laisser le courant nous porter, c’est donc une vision plus active de décider de vous jeter à l’eau qui vous libèrera du cercle infernal de la dépendance. La seule chose à laquelle vous devez effectivement renoncer pour de bon, c’est cette idée illusoire, biaisée depuis le départ, mais qui persiste parfois des années durant, que cette relation aurait pu vous épanouir. Ça n’a jamais été une éventualité, et encore moins une réalité, même dès la première année avec votre PN.

Nous venons de voir que renoncer peut être connoté de façon négative ou positive et engendrer des conséquences plus ou moins souhaitables. Si renoncement et PN sont parfaitement inconciliables, le choix de lâcher prise de la victime lui offre en revanche un avantage certain. Le pervers narcissique, incapable d’autonomie, s’accroche de proie en proie. Mais celle-ci dispose malgré tout d’un grand pouvoir qui fera à jamais défaut au manipulateur : la liberté de reprendre en main les rênes de sa propre destinée. Finalement, renoncer dans une relation toxique, c’est refuser les règles imposées par le maître chanteur. 

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