Première Année avec un PN : le scénario classique

 

Quel que soit le mode d’expression, toute histoire, depuis des millénaires, répond au même schéma narratif. Il y a une situation de départ, la survenue d’un événement perturbateur, une quête d’équilibre, un dénouement mettant fin aux péripéties et l’établissement d’un nouvel ordre. À la lumière de ce constat, comment se déroule la première année avec un PN ? Le manipulateur sentimental est-il le narrateur, le personnage principal ou le semeur de trouble dans le récit de vie de sa proie ? Analysons la  genèse de la mise sous emprise dans les premiers mois de la relation. Faisons ainsi en sorte que cette histoire ne soit qu’un chapitre malencontreux de la biographie d’une victime de pervers narcissique.

Premier trimestre avec un PN : l’introduction

Depuis plus de 37 000 ans que l’humanité raconte ses mythes et légendes, un conte ne saurait se passer d’une mise en contexte. La première année avec un PN ne déroge pas à la règle. À l’origine de cette histoire d’emprise émotionnelle, il y a une personne qui est plutôt bien installée dans sa vie, du moins en apparence. Si ce n’est pas exactement le cas, elle est tout de même dans une phase relativement apaisée, dans une énergie orientée vers la construction, malgré les différents écueils de son parcours. En un mot, elle est prête à s’ouvrir à l’amour ou bien à une relation forte qui peut relever de l’amitié ou de la collaboration dans la sphère professionnelle. C’est en réalité la proie du vampire sentimental. Il a jeté son dévolu sur elle parce qu’elle représente tout ce qui lui fait défaut et qu’il rêverait de posséder. Elle a un cercle social bienveillant, un travail relativement stable et un cadre de vie plutôt épanouissant. Pour un sadique, ce sera jubilatoire de détruire tout cela. Mais avant de dévoiler sa nature machiavélique, le PN va devoir déployer une tactique bien rodée.

Un bon prédateur n’attaque qu’après avoir scrupuleusement étudié sa proie. Il va d’abord l’observer, recueillir et analyser les éléments constitutifs de son quotidien. Une fois qu’il en aura cerné les points clés, il entrera en scène et rien ne sera plus comme avant. Les péripéties de l’histoire commencent. Il s’immiscera le plus souvent par une approche miroir, pour donner un effet de rencontre d’âmes sœurs ou d’alter ego. Les échanges seront alors ponctués de fréquents et enthousiastes “moi aussi !” En un mot, cette collision apparaîtra comme extraordinaire, écrite d’avance et cette dimension la rendra assez obsédante.

Deuxième trimestre : la conquête

 

Tout ce qui sort de l’ordinaire capte l’attention. Le PN, avec son magnétisme savamment entretenu par les bonnes proportions de charme et de mystère devient vite entêtant pour la personne qu’il cible. Sans aucun doute possible, le deuxième trimestre marque la phase de séduction, au moins dans le sens de l’implication émotionnelle provoquée chez la proie. Si la fusion entre les deux n’a pas déjà eu lieu, elle se fera certainement avant la fin des 6 premiers mois. Il s’agit d’une période idyllique au cours de laquelle le stratège machiavélique instaurera une vision idéalisée de la relation. On appelle cet épisode la “lune de miel”. Elle est indispensable à la réussite de la mise sous emprise. À ce stade, la proie consacre une immense partie de ses pensées au nouveau venu dans son univers. Évidemment, cet envahissement mental est orchestré minutieusement par l’intrus toxique qui use de la technique manipulatoire du love bombing pour saturer l’autre de sentiments positifs à son égard. Comme on a coutume de dire qu’une personne tient difficilement son masque social après plus de 4 mois de proximité relationnelle, le deuxième trimestre ouvre en général aussi une phase de tests. Le MPN va alors tenter d’apprécier au plus juste le niveau de malléabilité de sa proie et sa réceptivité au conditionnement à l’impuissance. Il instaurera par exemple les prémisses de son jeu favori : celui du chaud et du froid. Par l’instillation parcimonieuse de malentendus et de tensions imputables aux ajustements nécessaires à toute relation naissante, il pourra évaluer où se situent les limites de sa proie et adapter sa stratégie de façon à les repousser chaque fois plus. Dans le cadre d’un couple, la victime se sent extrêmement amoureuse de son PN au deuxième trimestre et, bien que nous sachions qu’il s’agit en fait de dépendance affective, elle n’aura de cesse de s’accrocher à cet épisode heureux de la relation pour supporter toute la violence émotionnelle qui l’attend par la suite.

Troisième trimestre : la réorganisation

 

Parce que l’assimilation de l’autre a eu lieu, le troisième trimestre marque la réorganisation. Deux territoires individuels se sont absorbés pour en faire une nouvelle entité à deux. En découle une mise sous cloche de la dyade pour la protéger des influences extérieures. Le temps est venu de travailler à cette nouvelle configuration. Les projets fusent : voyage, déménagement, mariage, bébé, etc. L’énergie et le temps consacrés à cela impactent les autres sphères de la vie de la victime. On assiste en général à des changements professionnels (baisse de performance, survenue de problèmes relationnels, etc.), une diminution des activités personnelles (sport, loisirs, bénévolat) et des interactions sociales et familiales (sorties, contacts). Ce qui ressemble à la construction d’un avenir à deux est en fait un isolement de la proie. En quelque sorte, chaque réaménagement tend vers l’élaboration de sa prison par l’ajout progressif de contraintes liées à la relation. La victime est priée d’être plus disponible pour son PN et par conséquent, moins libre pour tout le reste. Elle fait de plus en plus souvent l’expérience de l’agression passive, voire pire.

Quatrième trimestre de la première année avec un PN : l’instauration de la tyrannie

Le piège a été bien élaboré, il est en place et prêt à se fermer pour de bon. La fin de la première année avec le PN révèle enfin sa nature ouvertement tyrannique, du moins dans l’intimité. En société, il donne toujours le change, bien entendu, conscient de l’importance de se mettre les amis communs dans la poche. En huis clos par contre, les abus émotionnels se multiplient. Parfois, l’emprise est déjà tellement forte à ce stade, que des accès de colère ont pu se produire, voire des violences physiques. Toutefois, c’est une période sous le signe de l’ambiguïté. Elle est si proche de l’idylle des débuts que la victime qui s’ignore encore en est imprégnée et croit fortement à un retour de ces temps bénis pas si lointains. Imaginant que son désarroi est temporaire et marque seulement une période de crise relativement normale, elle se tait et cache ses problèmes à ses proches, creusant d’autant plus l’isolement. Pourtant, elle amorce indubitablement la descente aux enfers qui se déroulera sur des années, voire des décennies, tant que la relation durera. Il n’est pas rare qu’en fin de première année avec un PN, surtout si c’est un homme toxique par exemple, la femme soit déjà en ménage ou mariée, parfois enceinte de son bourreau et subissant aussi des violences économiques.

 

La première année avec un PN est consacrée à la mise sous emprise. C’est une constante jamais démentie parmi tous les récits livrés par nos patients. C’est pourquoi il est totalement erroné de croire qu’une personne peut devenir perverse narcissique en adoptant soudain un comportement maltraitant survenant seulement après plusieurs années de relation. Le MPN agit très vite et les premiers mois sont forcément marqués par des situations de malaise profond de la victime. Elle sent que quelque chose est délétère, mais elle ignore son alarme interne. Pour donner un dénouement heureux au drame qui se joue, il faut faire en sorte que le nouvel équilibre imposé par le manipulateur ne soit pas pérenne. En quelque sorte, l’élément perturbateur de la narration doit être la relation toxique tout entière, pour faire du cheminement vers la reconstruction la véritable quête vers un ordre nouveau et bien plus sain. En d’autres termes, il ne faut pas laisser les pervers narcissiques écrire la fin du film.

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Peut-on déclarer qu’un enfant est PN ?
Un enfant PN relève d’une hypothèse qui se voit facilement balayée par l’immaturité du sujet. Mais à partir de quel âge peut-on affirmer qu’une personne est manipulatrice perverse ? Quelques rappels sont de mise.
Le problème du diagnostic de pervers narcissique
Tout d’abord, la pose d’un diagnostic de perversion narcissique est tout simplement impossible au sens médical du terme. En effet, aucun système de catégorisation officiel des pathologies mentales ne mentionne cette appellation, pourtant populaire. Ainsi, que ce soit dans la CIM (Classification internationale des maladies) ou dans le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), il n’existe pas de pervers narcissique à proprement parler. C’est d’ailleurs ce qui a amené certains individus tatillons à adopter une position radicale sur la prétendue non-existence des PN. En réalité, notre équipe de psychologues spécialistes de la manipulation affective depuis plusieurs décennies traite plus exactement des sujets présentant des troubles de la personnalité narcissique. Cette fois-ci, le terme entre dans le cadre de référence admis par les professionnels de la santé mentale. Ce n’est donc pas la réalité du profil des manipulateurs machiavéliques qui est niée, mais la façon de le nommer.
À quel âge peut-on détecter un sujet MPN ?
Sachez qu’aucun psychologue, psychothérapeute ou psychiatre ne s’avancera à déclarer un sujet mineur comme souffrant de trouble de la personnalité. On considère que la formation de l’identité psychique n’est pas complète avant l’âge adulte, plus précisément une fois l’adolescence bel et bien terminée. Les stades de développement des jeunes sont en effet jalonnés de phases plus ou moins critiques de déséquilibres de l’humeur et des comportements. De plus, il est notoire que certaines périodes d’immaturité sont teintées d’un égocentrisme exacerbé et d’actes d’affirmation de soi plus ou moins tonitruants.
Pourquoi évoquons-nous cette thématique ? Pour que vous compreniez bien que les coups d’éclat d’un mineur tantôt dans la jalousie, tantôt dans la mégalomanie, mais aussi dans la paranoïa, l’alexithymie, dans le manque d’empathie, voire dans le sadisme, peuvent également être le fait d’ajustements comportementaux ou de déséquilibres hormonaux transitoires. Autrement dit, ne vous précipitez pas à déclarer votre enfant PN, alors que celui-ci n’a que 13 ans. Cela n’aurait aucun sens d’un point de vue scientifique.
Cependant, clarifions un point. Nous avons expliqué maintes fois que la faille narcissique à l’origine du trouble mental du MPN se produisait dans la petite enfance. Ainsi, les dés sont jetés le plus souvent avant l’âge de 3 ans. S’il est inadéquat d’affirmer qu’un enfant est PN, la pathologie peut tout à fait être latente. Lorsqu’elle se révélera, si elle se révèle, il deviendra vraisemblablement un manipulateur sadique. Cette réponse ne surviendra malheureusement qu’à sa majorité biologique, même si des signes avant-coureurs auront certainement causé des dégâts.
Pourquoi un mineur présente-t-il des traits de perversion narcissique ?
Avant de se hâter à considérer un enfant PN et donc, de le condamner à porter une étiquette lourde de conséquences, tentons de nous interroger sur les comportements qui alimentent cette théorie.
L’enfant est égocentré
L’égocentrisme est très présent durant les premières années du développement cognitif de l’être humain. Selon la théorie de Jean Piaget sur les paliers d’acquisition, lors du stade préopératoire (soit d’environ 2 ans à 7 ans), l’enfant a du mal à prendre en compte le point de vue d’autrui. Lui qui est habitué à captiver l’attention de ses “caretakers”, c’est-à-dire ceux qui sont en charge de combler ses besoins (le plus souvent les parents) ne sait pas encore qu’il n’est pas le centre de l’univers. Il appréhende donc le monde uniquement selon son prisme. Ainsi, les désirs, les croyances et les perspectives différentes des siennes n’ont aucune prévalence. En trouvant sa place en tant qu’individu à part entière et par conséquent, évoluant dans un groupe d’individus, il entre dans le stade opératoire concret (entre 7 et 11 ans). L’enfant commence à comprendre les divergences de points de vue. Il découvre que les pensées et les sentiments des autres peuvent s’éloigner des siens et il est de plus en plus capable de prendre en compte plusieurs aspects d’une situation.
Son nombrilisme s’étiole progressivement et ne disparaîtra peut-être jamais totalement, mais ce qui est certain, c’est que l’égoïsme d’un enfant est normal, celui d’un adolescent est relativement tolérable, tandis que l’égocentrisme d’un PN est pathologique ! En effet, à l’âge adulte, faire passer ses besoins et désirs au détriment de ceux des autres, ignorer les droits d’autrui et réifier son entourage relève d’une négation des individus dans leur statut d’être humain.
Le narcissisme est essentiel au développement de la personnalité
Le narcissisme n’est pas forcément une mauvaise chose. Dans un cas de figure équilibré, il exprime une bonne estime de soi et une confiance en ses capacités. Cela contribue au bien-être émotionnel et à une aptitude à interagir sainement avec le monde qui nous entoure. Pour un petit être en développement, la juste dose de narcissisme se forgera au fil du temps en explorant ses talents, en se mesurant à autrui ou à des situations pour jauger ses forces et faiblesses. Comme toute attitude exploratoire, cette recherche sera émaillée de tentatives, d’échecs, d’apprentissages, d’automatisation et de réussites. Ainsi, une phase d’excès de confiance en soi ou de mise en avant de sa personne ne rimera pas forcément avec un narcissisme grandiloquent pathologique comme peut l’être celui du PN. Le manipulateur sentimental considère que tout être lui est inférieur. Ainsi, il ne faut pas confondre un adolescent qui essaie de trouver sa place en cherchant à s’imposer dans un groupe avec un MPN avéré qui instrumentalise tout le monde et s’obstine sur une proie en particulier avec sadisme.
La figure d’attachement est un pilier de l’enfance
Un PN en plein projet destructeur aura un rapport fusionnel avec sa victime. À la manière d’un enfant qui dispose d’un lien presque exclusif avec sa figure d’attachement (le plus souvent la mère), une sorte d’action de vases communicants s’opère. Il y a d’une part une source d’approvisionnement et, d’autre part, un réceptacle qui se remplit à mesure que l’autre contenant se vide. Pour un jeune mineur, il est vital de se reposer sur sa dépendance envers ses parents pour une durée provisoire avec pour objectif d’atteindre l’autonomie. Pour un manipulateur sentimental, il est indispensable de s’acharner sur sa proie pour combler son vide intérieur. Toutefois, ce qui se tient en huis clos est un jeu machiavélique usant les nerfs, la santé physique et mentale, jusqu’à l’anéantissement de la victime. Il n’y aura donc jamais d’autosuffisance chez le MPN qui passera simplement de proie en proie.

L’enfant instrumentalise, teste et manipule son entourage
Pour évoluer en société, l’enfant doit également construire ses capacités à se lier aux autres. Pour ce faire, il va là encore tester, expérimenter et manipuler. C’est dans un souci de s’adapter à son environnement qu’il va affiner sa façon d’interagir avec son cercle social. Ceci lui permettra notamment de développer son sens moral, en apprenant ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, et d’intégrer les règles de ses groupes d’appartenance en prenant connaissanc ce qui est autorisé et ce qui est répréhensible. Pour réussir à élaborer son cadre et surtout ses limites, il lui faudra donc user de stratégies pour découvrir la véritable étendue de son contrôle. Puis il grandira et plus ses plans seront complexes pour parvenir à élargir son champ d’action. À la différence du MPN, il ne manipulera pas forcément dans un but malintentionné, mais à l’instar de celui-ci, il pourra le faire dans une démarche égoïste, voire narcissique. C’est bien là toute la difficulté d’appréhender cette question. Pour faire plus simple, un jeune qui se cherche pourra manipuler pour galvauder son image ou atteindre un but personnel, mais sa conscience devrait le retenir de franchir le cap de nuire sciemment aux autres. C’est même un signe d’intelligence.
La construction du masque social s’établit dès les jeunes années
Nous vous avons déjà parlé du masque social du PN et de son utilité pour dissimuler sa personnalité pathologique incurable sans éveiller les soupçons. Cependant, nous présentons tous un personnage public, visant à nous aider à nous fondre dans la masse pour garantir notre acceptation au sein d’un groupe. En des temps reculés, cette mesure assurait notre survie. Aussi, il est normal qu’un enfant forge le sien rapidement. Si votre chérubin adopte un comportement angélique, calme et obéissant à l’extérieur de votre foyer, alors qu’il se montre turbulent et insolent chez vous, ça ne veut pas dire qu’il a une double personnalité ! C’est simplement qu’il peut laisser sa véritable nature s’exprimer lorsqu’il est en confiance. Le MPN aura aussi une ambivalence, mais en révélant son sadisme, ses actions auront une visée délétère pour la personne qu’il a prise pour cible.

Le cas de l’enfant PN n’a aucun soubassement scientifique et donc, aucune validité médicale. Ce qui va déterminer le développement ou non du trouble narcissique pervers, c’est la construction de sa personnalité autour de sa faille narcissique. S’il est impossible d’anticiper le devenir psychique de quelqu’un, qui plus est dès l’enfance, il ne faut surtout pas considérer qu’un jeune, même s’il est fils ou fille de PN, héritera de fait de ce caractère sadique. Lui offrir une stabilité émotionnelle et combler ses besoins affectifs et physiologiques optimise ses chances de devenir un adulte relativement équilibré, même dans le cas d’une coparentalité avec un manipulateur sentimental.

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