HONTE ET RELATION PERVERSE : FOCUS SUR UN LIEN COMPLEXE

La honte et la relation perverse semblent aller de pair. Une victime de PN a toute peine à assumer tout ce qu’elle a été capable de supporter avec son bourreau, au point de le cacher à l’entourage. Elle est également bien peu fière de ce qu’elle est devenue entre ses griffes. Elle éprouve une sorte d’humiliation lorsqu’elle découvre qu’elle est tombée dans le piège de l’emprise. Se sentir honteuse par rapport au vécu traumatique d’une relation toxique revient à endosser une part de responsabilité et, par conséquent, à dédouaner en partie le véritable auteur des faits les plus immoraux. Mais le sentiment de honte est-il survenu au contact du vampire émotionnel ou a-t-il toujours été là, constituant une voie d’accès pour manipuler sa proie ? Focus sur ce phénomène complexe qu’il faut parvenir à surpasser.

Pourquoi éprouve-t-on un sentiment de honte ?

La honte est une émotion difficile à cerner, car elle relève d’une représentation subjective de ce que pense autrui. Ce sentiment, nous l’éprouvons lorsqu’on a la conviction que l’image que nous renvoyons au monde est amoindrie. Cela implique d’interpréter les pensées des autres sous le prisme de notre propre raisonnement, constitué de nos perceptions, nos croyances, notre culture et notre expérience. Et comme chaque individu est unique, ce jugement ne peut en aucun cas être exact. Pourtant, cette préoccupation à présenter une bonne image génère beaucoup de tensions internes et comporte son lot de souffrances bien réelles en cas d’échec. Ainsi, se sentir dévalorisé nuit au bien-être psychologique et peut porter atteinte à la santé mentale, comme dans le cas de la dépression, l’anxiété ou les troubles du comportement.

Quelle est sa fonction ?

La honte est une émotion morale dans sa dimension transgressive d’un certain ordre de valeurs. C’est aussi une émotion sociale, car elle traduit l’importance des normes de la société et leur influence sur nos comportements. Perçue comme négative, elle s’oppose à la fierté. Selon Adam et Longin, elle joue le rôle de “médiateur cognitif du comportement social d’un individu, et le sentiment désagréable qu’elle nous fait éprouver nous pousse à supprimer ou à remédier à de possibles dysfonctionnements dans nos relations avec les autres”. En d’autres termes, la honte nous sert d’indicateur pour ajuster notre façon de nous comporter afin de garantir notre place dans la communauté d’appartenance à laquelle nous nous identifions. Elle sert donc à nous protéger du rejet. Malheureusement, la honte a aussi tendance à devenir toxique.

En quoi se sentir honteux est-il néfaste ?

Si elle relève effectivement d’un mécanisme tout simplement humain (puisque censée œuvrer pour notre survie, c’est-à-dire par l’acceptation du groupe), la honte mal gérée menace l’équilibre psychique de diverses façons.

Le cercle vicieux de la dévalorisation

Dès lors qu’elle nous enferme dans un mécanisme de soulagement immédiat qui ne fait que retarder et amplifier le phénomène qu’elle était censé prévenir, la honte devient problématique. C’est le cas, par exemple, d’un alcoolique qui boit pour ne pas affronter le regard stigmatisant des autres sur son addiction. Il aura d’autant plus honte de son incapacité à gérer sa dépendance plus tard et pour calmer l’anxiété que cela lui provoque, il aura de nouveau recours à la boisson, dans un véritable cercle vicieux.

Il arrive aussi que nous ayons honte d’avoir eu honte. C’est-à-dire qu’une attitude dictée par l’impression d’humiliation peut ne plus correspondre à l’évolution de notre système de valeurs. Ainsi, si un adolescent endommage un vêtement qu’il trouve en inadéquation avec les codes adoptés par ses pairs pour ne plus avoir à le porter, il pourra plus tard se sentir mal à l’aise vis-à-vis de ses parents qui n’avaient pas beaucoup d’argent pour l’habiller. La maturité lui aura enseigné que son acte était condamnable, surtout que l’on reconnaît le sentiment honteux comme égocentré.

L’entrave au développement

Selon Boris Cyrulnik, la honte peut être à ce point invalidante qu’il la considère comme l’un des 3 facteurs (avec l’isolement et le non-sens) empêchant d’accéder à la résilience, et donc à une éventuelle croissance post-traumatique. En effet, la dévalorisation de soi mène à la mise en situation de désocialisation. Les personnes qui se sentent honteuses ont tendance à se cacher du regard extérieur, de peur de percevoir un jugement négatif à leur égard. Ainsi, elles apparaissent comme étranges, renforçant d’autant plus cette impression d’inadéquation sociale. Elles restent coincées dans un état émotionnel délétère. Pour les victimes de violence, par exemple, la honte les retient de parler de leurs traumatismes, car elles acquièrent une image diminuée d’elles-mêmes. Par leur silence, elles s’opposent à instiller dans l’esprit de leur éventuel interlocuteur cette représentation amoindrie d’elles-mêmes. Or, cette inaction protège l’agresseur et charge l’agressée d’une lourde culpabilité, sentiment mêlé à la honte. On en oublie ainsi que, selon la formule consacrée, “il faut que la honte change de camp !”

Comment arrêter d’avoir honte ?

Comme souvent avec le spectre des émotions, et particulièrement les complexes comme celle-ci, tout l’enjeu d’un meilleur équilibre psychique réside dans leur gestion. Or, la maîtrise passe par la connaissance et donc, nécessairement par l’introspection. Cette démarche donnera des résultats plus rapides et motivants avec un accompagnement thérapeutique que la visioconsultation proposée par notre équipe de psychologues spécialisés a rendu plus facilement accessible à tous les francophones. Il s’agit d’apprendre à connaître le fonctionnement et l’origine du processus de la honte. Bien que celui-ci réponde à un schéma unique pour chaque personne, certains conseils sont communs. 

Comprendre l’origine de la honte toxique

Maintenant que nous avons exposé l’ambivalence de la honte, penchons-nous uniquement sur son aspect néfaste. L’importance que l’on accorde au regard d’autrui a tout à voir avec l’estime de soi, ou plutôt son déficit. C’est parce que l’on croit intrinsèquement n’être pas assez bien que l’on a du mal à se confronter au jugement d’autrui. Pourtant, on se construit en relation à l’autre. Ce qui est un besoin fondamental est aussi source d’angoisse. Pour calmer ce stress, des stratégies sont ainsi mises en place, le plus souvent inconsciemment. Vous l’aurez compris, nous nous trouvons encore une fois dans le thème de la faille narcissique qui a appris à votre enfant intérieur qu’il n’était pas digne d’être aimé pour lui-même, c’est-à-dire indépendamment des missions dont il a été investi par ses figures parentales.

C’est par cette blessure précoce de l’âme, par cet incident du développement identitaire que l’individu intériorise l’absolue nécessité de masquer son insuffisance. Lorsqu’il s’oriente vers la voie de l’excès d’empathie, cet être dévalorisé tentera inlassablement de redorer son blason par la séduction, notamment en développant le syndrome de l’infirmière ou du sauveur, ou en devenant dépendant affectif. Dans un autre registre, il pourra également calmer sa crainte de décevoir en devenant extrêmement exigeant envers les autres, mais aussi envers soi-même. Enfin, s’il emprunte la voie du manque d’empathie, il deviendra probablement un manipulateur sadique dont le soulagement vient par la domination, jusqu’à la destruction. À noter dans ce cas : les pervers narcissiques ne ressentent aucune honte. Puisqu’autrui est un instrument et non une personne, son jugement n’a aucune espèce d’importance.

Reconnaître ses manifestations pour se protéger

Manque d’assertivité, mauvaise autoestime, générosité excessive, exigence démesurée, autoritarisme, timidité maladive, etc. sont autant de comportements qui traduisent la volonté de ne pas décevoir. Autrement dit, cela témoigne de la très haute importance accordée au regard extérieur. Le problème, c’est que cette focalisation exocentrée constitue une forme d’invalidation émotionnelle auto-infligée.

Sortir du sentiment de honte nécessite de s’observer, s’interroger sur ses désirs, ses besoins et ses ressentis. Il faut apprendre à s’affirmer et s’affranchir de la peur de perdre certaines personnes. Comme la honte est une émotion complexe, ancienne et profondément ancrée qui a conditionné une bonne partie de vos choix de vie, nous insistons sur l’apport indéniable d’une psychothérapie afin d’en sortir pour de bon. Cela vous permettra d’accéder à un meilleur équilibre et vous prémunira des risques de tomber entre les griffes d’un manipulateur sentimental, que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel.

La honte et la relation perverse présentent un lien de cause à effet qui fonctionne dans les deux sens. Si la peur du rejet mène à la manipulation affective, l’abus émotionnel engendre aussi une dévalorisation de soi. Cela indique que la tendance à la dépréciation doit être absolument traitée. Ainsi, il est essentiel de prendre conscience de son aspect perturbateur dans les relations interpersonnelles. Comme son origine se trouve dans les fondements de l’identité, la libération de la toxicité de ce sentiment passera par un long travail introspectif qu’un thérapeute spécialisé saura faciliter.

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