Accueil » Blog » Victime » “Comment ai-je supporté TOUT ça ?”

“Comment ai-je supporté TOUT ça ?”

Rédaction : Pascal Couderc, psychologue, psychanalyste et auteur, président du comité scientifique de pervers-narcissique.com

6 explications à l’emprise sentimentale

Comment ai-je supporté tout ça d’un pervers narcissique ?” Lorsque le déclic opère et que l’on réalise enfin que ce que l’on prenait pour de l’amour était en fait de l’emprise, cela fait l’effet d’une bombe. Après la déflagration, on est sonné, confus, ébranlé. La planche de salut en attendant que la fumée se dissipe est alors d’amener de la logique et du sens aux événements. Mais vu qu’on se retrouve souvent livré à soi-même, on cherche les explications en soi. C’est un réflexe humain, mais il rend surtout service aux prédateurs sentimentaux.

1. L’illusion persistante d’amour

S’il y a bien une question qui revient immanquablement dans la bouche des victimes de PN, c’est celle-là : “comment ai-je supporté TOUT ça ?”. Même l’entourage ne comprend pas comment vous, si brillante et généreuse, n’avez pas quitté votre conjoint maltraitant plus tôt. Mais difficile de faire la part des choses… Une relation toxique se reconnaît au sentiment de mal-être durable qu’elle provoque chez le partenaire qui en est victime. Cet état d’insécurité et de frustration permanent est contraire à l’idée que l’on se fait du rapport de couple serein.

Malgré tout, on reste avec un PN parce qu’on croit fermement que l’amour est là, latent, enfoui, et surtout prêt à refaire surface… On minimise les disputes et les reproches, qu’on ne considère guère plus que comme des mauvaises phases banales dans les relations humaines. Il faut dire que la lune de miel des débuts de votre histoire a été tellement belle. Ne dit-on pas que ce sont les premières impressions qui restent ? Le manipulateur pervers a su vous en donner un impérissable souvenir, comme une empreinte indélébile qui rejaillit dans votre mémoire à chaque fois que vous doutez de ses sentiments et des vôtres. Et le machiavélisme du bourreau, c’est de savoir exactement quand raviver cette marque. Il y a eu tellement d’effusion d’émotions excitantes entre vous les premiers mois de votre rencontre que vous êtes tenté de vous dire que c’est ça qui caractérise votre union, pas la trivialité du quotidien. Aidée par les injonctions sociétales à se battre pour sauver son couple et à supporter les tracas à deux, vous attendez donc que la période difficile passe, car c’est elle qui est anormale selon vous. Mais le PN a obtenu exactement ce qu’il voulait : votre allégeance.

2. La culpabilité systématisée

“Pourquoi suis-je restée ? Comment me suis-je mise dans cette situation ?” sont des interrogations qui traduisent surtout une grande culpabilité. À croire que vous êtes seule responsable de ce qui est ni plus ni moins de l’abus émotionnel. Mais s’il y a une victime, il y a forcément un bourreau. À vivre avec un PN, le jugement sévère sur soi-même devient presque une seconde nature. C’est lui qui vous a inculqué ce réflexe d’autoculpabilisation. Lui qui se croit si parfait et vit dans le déni le plus total vous a chargé de tous les maux, de toutes les fautes, de tout le malheur qui vous frappe. Cette habitude de vous considérer coupable de chaque événement, du plus infime au plus grave, a pour dessein de vous rendre dépendante. Vous évoluez vers l’idée que vous n’êtes pas capable de vous gérer seule et que votre vie, aussi triste soit-elle, est bien meilleure avec votre conjoint PN à vos côtés que sans. Pour renforcer son emprise, il vous fait d’ailleurs régulièrement des piqûres de rappel : “Tu fais tout pour me mettre en colère et après tu menaces de me quitter ? Mais ne vois-tu pas que sans moi, tu n’es rien ? Personne ne voudra de toi avec un tel caractère !”. Ce type de phrase concentre l’idée que vous êtes la cause de sa rage, mais aussi que vous être difficile à vivre et à aimer, et qu’en plus, c’est lui qui souffre et non vous. C’est un renversement de situation qui vous fait perdre vos repères et instaure le doute dans votre esprit. Vous systématisez ainsi la recherche de réponses en vous-même, éludant totalement la possibilité que ce soit votre conjoint la source du problème.

3. L’espoir de jours meilleurs aide à tout supporter

Les manipulateurs manient le mensonge comme personne. Et parmi les choses qui sont dites sans le moindre fondement, il y a les belles promesses et les paroles creuses. En jurant que cette fois-ci, il a compris, qu’il va changer, qu’il donnera enfin ce dont sa victime se languit, le pervers sadique la maintient dans l’espoir et donc, dans l’envie de rester. Il faut dire que c’est un excellent acteur qui n’hésitera pas à sortir le grand jeu : déclarations enflammées, élans d’affection, larmes de crocodile font partie de la panoplie. N’oubliez pas que le personnage parfait des débuts, inventé de toute pièce, sert aussi d’appât pour ramener la proie dans ses filets. Il suffit au PN de donner un aperçu du potentiel idéal de vie qu’attend sa partenaire pour que celle-ci lui accorde le bénéfice du doute et reste patiemment dans l’expectative que les serments se réalisent. C’est  comme cela qu’elle en vient à supporter tout ce que lui fait vivre son compagnon. Mais les illusions ne font jamais les actions avec une personnalité narcissique machiavélique.

4. Le dénigrement répétitif

Nous avons vu qu’avec la culpabilisation, le dénigrement va souvent de pair. En mettant à mal l’estime de soi de sa conjointe, le manipulateur sentimental veut la convaincre qu’il lui est essentiel. En réalité, c’est l’inverse qui traduit la réalité. Pour combler sa faille narcissique, ce vampire émotionnel doit drainer sa victime de son énergie vitale sans laquelle il s’effondrerait psychiquement. Pour que cette alliance entre eux subsiste sans avoir à faire un pacte qui impliquerait un consentement bilatéral, il doit donc ruser en opérant un renversement des rôles. Il amène sa partenaire à croire fermement que sans lui, sa vie serait bien pire, donc elle n’a plus l’impression de supporter l’enfer. Assénée au quotidien de reproches, de réflexions désobligeantes et autres efforts de gaslighting, elle abandonne ses valeurs, sa confiance en elle et sa capacité de jugement.

5. L’isolement des points de référence

Le meilleur moyen de prendre conscience de l’emprise émotionnelle, c’est de disposer d’un système de soutien extérieur au couple. Famille, amis, psy, conseillers ou autres sont des piliers indispensables pour vous aider à réaliser que votre situation amoureuse n’a rien de normal. Le PN le sait très bien et c’est pour cela qu’il tient à vous en éloigner. Quand on se demande comment on a pu supporter toute cette maltraitance, on se sent extrêmement seul et incompris. C’est parce qu’en général, on a laissé le PN nous isoler progressivement afin que personne ne mesure l’ampleur du cauchemar que vous viviez. Petit à petit, votre unique point de référence est devenu ce malade atteint d’un trouble de la personnalité narcissique. Vos repères ont donc été volontairement brouillés et vous n’avez eu d’autre choix que d’endurer ce quotidien toxique, tant bien que mal.

6. La mise en dépendance matérielle

Parfois, on supporte une situation parce que matériellement, on n’a pas d’autre choix. Le manque d’argent personnel, la mise en commun d’un business, du logement ou tout simplement les enfants rendent la rupture radicale et soudaine impossible. L’anticipation est une composante importante des mécanismes pervers. Intelligent et calculateur, le PN a toujours des coups d’avance dans son jeu sadique. Il a, en général, profité des bons moments pour vous suggérer de vous marier, d’acheter une maison, de fonder une famille, de lui prêter vos économies, etc. En réalité, il voulait refermer le piège sur vous en vous donnant toutes les raisons de rester en cage et de supporter tout ce qu’il prévoyait déjà de vous infliger.

Comment ai-je pu supporter tout ça ?” est le signe que vous avez eu une prise de conscience et que vous avez avancé dans votre cheminement vers la libération. Cependant, veillez à ne pas vous autoflageller. Vous avez été sincère dans vos sentiments et le PN a abusé de votre amour. Vous avez, vous, vécu une histoire d’amour, vos sentiments ne sont pas en question. Celui que vous avez aimé n’existe pas, c’est une illusion créée par le manipulateur. Avec ces 6 explications à votre mise sous emprise, vous pouvez vous défaire de la culpabilité et de la honte pour ne retenir que les leçons qui s’imposent de cette mauvaise expérience relationnelle. Faites-vous accompagner par un thérapeute spécialiste de la perversité narcissique pour vous reconstruire et ne plus jamais vous soumettre à ces dangereuses personnalités.