QU’EST-CE QUE L’Emprise ? POURQUOI S’Y SOUMET-ON ?

“Pourquoi ne pas avoir parlé avant ?”, “Pourquoi ne pas avoir quitté votre conjoint violent ? Pourquoi être resté auprès de ce parent ou ami toxique ?”, ”Pourquoi ne pas avoir démissionné de ce poste où l’on vous maltraite ?” Voilà les interrogations empruntes d’accusation que subissent une grande majorité des victimes de personnalités dominantes malveillantes. En réalité, la vraie question que devraient se poser ceux qui recueillent le témoignage d’abus, que ce soit les amis, la famille, la police ou les collègues de travail, c’est “qu’est-ce que l’emprise ?” Comprendre son fonctionnement, c’est non seulement reconnaître le statut de victime au sujet qui la subit, mais également l’aider à s’en sortir. Explications.

Définition de l’emprise

L’emprise, c’est quoi, finalement ? On peut en saisir vaguement le sens, mais pour la définir précisément, il vaut mieux s’appuyer sur la notion qu’elle représente selon le droit français et, évidemment, sur le concept auquel s’intéressent les psychothérapeutes. L’étymologie latine nous indique par ailleurs un double sens présent depuis de nombreux siècles, puisque l’emprise était à la fois substantif des verbes “prendre” (imprehendere) et entreprendre (emprendre). Historiquement, ce vocable désigne donc autant la prise de possession que le fait d’agir à dessein. Cela traduit exactement les intentions des personnalités manipulatrices.

L’emprise selon le droit

En droit administratif, la notion d’emprise traduit le fait de saisir légalement ou non le bien immobilier d’un particulier pour l’en déposséder. L’emprise régulière ou irrégulière peut se faire de façon temporaire ou définitive, à son propre profit ou à celui d’un tiers. Cette connotation d’invasion et d’action contre la volonté du sujet concerné est reprise par les psychologues et psychanalystes. 

Qu’est-ce que l’emprise en psychologie ?

L’emprise psychologique suggère une domination sur autrui, visant à exercer un pouvoir sur les agissements de celui-ci pour parvenir à ses propres fins. Cet envahissement mental se fait par le contrôle coercitif, autrement dit, il se base sur la crainte et la culpabilité. Jean-Pierre Pinel, suivant la théorie de Roger Dorey (célèbre psychiatre et psychanalyste français), ajoute que cette aliénation consiste en la “neutralisation du désir d’autrui, c’est-à-dire à la réduction de toute altérité, de toute différence, à l’abolition de toute spécificité ; la visée étant de ramener l’autre à la fonction et au statut d’objet entièrement assimilable”, aussi docile qu’une marionnette, en somme.

Les 10 signes que l’on est sous emprise

Les signes d’emprise relationnelle chez une victime se manifestent sous la forme de sentiments négatifs récurrents tels que :

  1. La honte (de ce que l’on est ou dit, à force de dévalorisation).
  2. La peur (de mal faire et de se faire réprimander).
  3. L’anxiété (à l’idée d’imaginer la réaction ou l’humeur du dominant ).
  4. Une sorte d’introversion inhabituelle (avec des difficultés à communiquer, par exemple).
  5. L’injustice (avec l’impression de “payer” ou que le sort s’acharne).
  6. La tension permanente (marcher sur des œufs en sa présence et être sur le qui-vive même lorsqu’il n’est pas là, ou se sentir épié)
  7. Le manque de confiance (en soi et son jugement, bien sûr, mais surtout en lui, vu ses capacités à tromper et à mentir).
  8. La confusion (une sorte de brouillard mental empêche de raisonner correctement).
  9. La fatigue (se sentir las, sans motivation, comme vidé).
  10. La déprime (ne pas trouver de but ou de sens à la vie).

En empirant, ces manifestations de mal-être psychologique peuvent provoquer des symptômes de stress aigu tels que des troubles du sommeil, une irascibilité ou émotivité décuplée, une faiblesse immunitaire, de l’eczéma, de l’asthme, de l’arythmie, des troubles gastro-intestinaux, voire des troubles psychosomatiques plus graves encore. Globalement, une personne soumise apparaît comme éteinte et pessimiste. Elle décrit son quotidien comme épuisant, compliqué  et trouve de la vacuité à la vie avec beaucoup de fatalisme. Elle est malheureuse, mais résignée. De l’extérieur, elle a souvent l’air malade et faible.

Le fonctionnement d’une relation de soumission

Une relation toxique, lorsqu’une des parties a l’ascendant sur l’autre, fonctionne en sens unique. C’est toujours l’individu soumis qui donne et le dominant qui reçoit. Il se place lui-même sur un piédestal et attend de sa victime qu’elle nourrisse son narcissisme. Pour ce faire, elle se comporte selon des schémas bien connus :

  1. Elle place le tyran au centre de ses préoccupations, s’oubliant elle-même.
  2. Elle fait tout pour le contenter et surtout, éviter de l’énerver, quitte à enfouir ses valeurs et croyances.
  3. Elle excuse les agissements du bourreau en lui trouvant des causes externes (“il a un peu trop bu”, “il est très stressé par son travail”, etc.).
  4. Elle s’isole, pour sauver les apparences en société.

Le sacrifice de soi est particulièrement notable dans le discours de la personne dominée. Elle n’utilise le “je” que pour se blâmer (“je n’aurais pas dû le provoquer”, “j’ai commis une erreur”) et n’exprime d’opinions qu’à travers la voix du despote émotionnel (“il n’aime pas ceci”, “il veut que l’on fasse cela”). Ce qu’elle pense ou désire n’importe pas.

Comment s’instaure la mainmise psychologique ?

Selon Roger Dorey, la mise sous emprise comporte 4 phases : l’appropriation, la dépossession, la domination, la soumission.

L’appropriation est une sorte de mainmise sur la psyché d’autrui, une violence psychologique obtenue par la séduction ou par la force. Elle ne peut s’opérer sans la dépossession de la victime. Il s’agit d’une véritable confiscation de sa liberté.

Quant à la domination, c’est la mise en dépendance par un ascendant physique, intellectuel ou moral. On exerce un pouvoir sur l’autre, qui finit par accepter la soumission pour assurer sa sauvegarde.

On saisit bien dans cette dynamique la synergie entre les 2 parties. C’est une alliance qui ne peut exister, au minimum, qu’en dyade.

Comment sortir de l’emprise ?

Comme nous l’avons vu, pour qu’il y ait aliénation, il faut bien qu’il y ait un oppresseur et un oppressé. La facilité voudrait donc qu’il suffise de retirer l’un des acteurs pour que la relation d’emprise se meure. Mais avec un pervers narcissique, ou du moins un manipulateur machiavélique, le processus de soumission a certainement été long et progressif. Il est donc nécessaire d’entamer un travail sur soi afin de prendre conscience des mécanismes assimilés qui relèvent de la programmation manipulatoire. En d’autres termes, il s’agit de se défaire de l’emprise et des schémas inculqués par le dominant pour réapprendre à penser par et pour soi-même. Avec l’aide de votre entourage (à qui vous devrez expliquer comment on peut tomber sous l’emprise perverse), ou dans l’idéal, d’un psy habitué aux techniques de manipulation des PN, on peut sortir de la dépendance affective qui a causé cette fragilité dont a tiré parti le tyran. C’est un chemin long et fastidieux, mais qui vous permettra de retrouver votre indépendance et plus de joie de vivre.

Qu’est-ce que l’emprise, sinon une relation de domination et de soumission dans laquelle il faut 2 participants pour tenir les rôles principaux ? Une chose est sûre, ce n’est absolument pas de l’amour. On ne peut aimer et contraindre, enfermer et chérir à la fois. Ce que vous prenez peut-être pour un fort sentiment d’affection n’est que poudre aux yeux. Les personnes qui tiennent à vous veulent vous voir vous épanouir, et certainement pas devenir l’ombre de vous-même. Écoutez les signes et reprenez possession de votre existence. Votre destin est bien plus grand que celui d’un bien immobilier, alors laissez la définition légale de l’emprise s’appliquer aux choses, mais pas à vous. Nous sommes là pour vous accompagner.

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