Grandir auprès d’un parent manipulateur

Grandir avec un parent manipulateur

On se doute qu’il ne fait pas bon grandir au sein d’un foyer dominé par un parent manipulateur. La relation que ce type de personnalité entretient avec ses enfants est la même que celle qu’il entretient avec son entourage. Elle se base sur la manipulation. Le cadre relationnel dans lequel les enfants évoluent est donc faussé dès le début. Le parent toxique verra en eux ses objets.

Un parent incapable de donner

Le parent pervers narcissique n’est pas armé pour être parent. Il est habité par un vide profond, il n’offre aucune identification positive à son enfant. Rien d’étonnant donc à ce qu’il ne l’encourage jamais dans l’acquisition de son autonomie. Il regrette au contraire de le voir grandir. Cela développe chez l’enfant les capacités qui l’aideront à sortir de son emprise.

En fait, les enfants d’un parent manipulateur se sentent orphelins très tôt et recherchent souvent des parents de substitution. Animés par le sentiment inconscient que “la vraie vie” est ailleurs, ils cherchent des figures d’attachement parmi d’autres membres de la famille ou parmi leurs éducateurs.

La solitude comme sentiment dominant

La solitude est le sentiment dominant chez les enfants élevés par une personnalité perverse, homme ou femme. Les pervers narcissiques donnent à l’extérieur une image irréprochable de leur famille. La première chose qu’ils exigent d’un enfant sera de correspondre à l’image figée de leur décorum social.

Difficile donc pour l’enfant de se construire. Son parent manipulateur ne communique pas émotionnellement avec lui, et pour cause : il ignore ce langage. De plus, la sensibilité n’est pour lui que faiblesse et perte de temps. Ce qui compte, ce sont les apparences : bons résultats scolaires, parfaite éducation… Même si derrière ces devantures, l’enfant apprend à taire ce qu’il ressent et étouffe profondément ses sentiments.

Les sévices moraux quotidiens

Les sévices moraux propres à la perversion narcissique que ce type de parent toxique distille sont vécus par l’enfant dans une forme de marasme :

• Le dénigrement constant

• Le chantage affectif

• L’amour conditionnel

• Les comparaisons avec les frères et sœurs

• L’invalidation émotionnelle

La plupart développent des stratégies pour se raccrocher au réel. Par exemple, s’identifier au personnage victorieux d’un conte pour s’en sortir plus tard. Mais il est difficile pour ces enfants de développer une personnalité, car ils tentent plutôt de survivre.

L’attachement narcissique du parent manipulateur

Le parent manipulateur éprouve un fort attachement pour ses enfants : surtout lorsqu’ils sont dotés d’une sensibilité très vive ou qu’ils acceptent facilement la soumission. Car l’innocence fait office de faille. Ces parents peuvent y asseoir une toute-puissance qui leur permet de survivre sur le plan narcissique.

L’enfant comme extension de soi

Pour le parent pervers narcissique, l’enfant n’est pas un être séparé avec ses propres besoins, désirs et personnalité. L’enfant est une extension de lui-même, un prolongement narcissique qui doit :

• Refléter une image glorieuse du parent

• Exceller dans les domaines valorisants

• Rester loyal à tout prix

• Ne jamais contredire ou s’opposer

• Combler les besoins émotionnels du parent

La violence invisible

On peut se poser la question de la violence au sein des foyers dominés par une manipulatrice ou un manipulateur narcissique. Or, elle n’est pas apparente, car elle demeure avant tout psychologique.

L’une des caractéristiques des manipulateurs est souvent de savoir déléguer leurs basses besognes. On observe que c’est parfois l’autre parent sous emprise, qui devient physiquement violent avec ses enfants.

Les rivalités orchestrées

Toujours selon ces méthodes, le parent manipulateur stimule les rivalités et la jalousie entre les membres d’une même fratrie. Il n’est pas rare qu’il entretienne des préférences entre ses enfants et qu’il les manifeste tout à fait ouvertement :

• L’enfant doré (golden child) : celui qui peut tout faire, admiré

• Le bouc émissaire : celui qui est systématiquement critiqué

• L’enfant invisible : celui qui est ignoré

Ces rôles peuvent d’ailleurs changer selon les besoins du parent manipulateur.

Les troubles développés par l’enfant victime

Selon leurs capacités de résistance et leur caractère, les enfants victimes d’un parent manipulateur peuvent très tôt développer des troubles.

Troubles observés dans l’enfance

• Difficultés relationnelles : méfiance, difficulté à se lier

• Isolement : retrait social, refuge dans l’imaginaire

• Troubles du sommeil : cauchemars, insomnies, terreurs nocturnes

• Troubles alimentaires : anorexie, boulimie, rapport conflictuel à la nourriture

• Anxiété : hypervigilance, peur de déplaire

• Échec scolaire ou au contraire perfectionnisme excessif

Impacts à long terme

Ces enfants, une fois adultes, présentent souvent :

• Une faible estime de soi

• Des troubles de l’attachement

• Une tendance à la dépendance affective

• Des difficultés à identifier leurs propres besoins

• Une attirance pour des partenaires toxiques

• Un risque accru de dépression et d’anxiété

Quand les parents se séparent : l’aliénation parentale

Quand les parents se séparent, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) est fréquent, car les manipulateurs n’aiment pas lâcher leur proie. Ils n’aiment pas non plus perdre la face, ce qui explique que l’enfant acquiert alors pour eux valeur de trophée.

L’enfant comme arme

Ils en disputeront pour cela âprement la garde auprès des tribunaux et joueront sans états d’âme sur le conflit de loyauté qui divise les enfants.

De nombreux parents séparés d’un pervers ou d’une perverse narcissique se retrouvent souvent face à des enfants désorientés, qui leur sont devenus complètement hostiles. Si l’enfant est en bas âge, il peut même être “dressé” à mordre et griffer son autre parent par son parent manipulateur.

Les tactiques du parent manipulateur après la séparation

• Dénigrement systématique de l’autre parent

• Fausses confidences à l’enfant

• Création de secrets entre le parent et l’enfant

• Chantage affectif : “Si tu aimes maman/papa, tu ne m’aimes pas”

• Victimisation : se présenter comme la victime de l’autre parent

• Interrogatoires sur ce qui se passe chez l’autre parent

Réagir face à l’enfant victime

Ces situations nécessitent l’aide spécialisée d’un thérapeute, avec un suivi à la clé. Il est difficile, en effet, pour un parent victime de faire face seul à cette situation.

Ce qu’il ne faut pas faire

La grande loyauté des enfants vis-à-vis des deux parents interdit de dévaluer l’une ou l’autre de ses figures parentales. Attaquer un parent manipulateur ne sert qu’à renforcer la loyauté de l’enfant vis-à-vis de lui.

• Ne pas critiquer ouvertement l’autre parent

• Ne pas mettre l’enfant au milieu du conflit

• Ne pas demander à l’enfant de choisir

• Ne pas utiliser l’enfant comme messager

L’approche recommandée

De plus en plus de thérapeutes s’intéressent aujourd’hui à l’équilibre de ces enfants déchirés dans ces conflits de loyauté. L’approche de la thérapie cognitive d’Aaron Beck préconise en particulier le développement de l’esprit critique de l’enfant.

Il se fait au travers d’une approche distante, objective et positive des choses. Elle invite les parents à relativiser en insistant sur la capacité critique de l’enfant qui doit être développée, mais en toute neutralité.

Mieux vaut opposer une définition saine de l’existence, sans s’opposer frontalement au pervers. Faire ressortir à l’enfant avec patience, de quel côté se situent l’amour et l’équilibre dans sa vie, serait donc la meilleure alternative.

Les piliers de la protection

• Être un refuge stable : offrir un espace sécurisant et prévisible

• Valider les émotions : “Je comprends que tu sois triste/en colère”

• Modéliser des relations saines : montrer ce qu’est le respect mutuel

• Maintenir des routines : créer de la stabilité

• Consulter un thérapeute spécialisé : pour l’enfant et pour vous

Se reconstruire après avoir grandi avec un parent manipulateur

Si vous avez grandi avec un parent manipulateur, la reconstruction est possible, mais elle demande un travail conscient.

Reconnaître ce qui s’est passé

La première étape est de nommer la réalité de ce que vous avez vécu. Ce n’était pas de l’amour sain. Ce n’était pas de votre faute. Vous avez le droit de ressentir de la colère, de la tristesse, du deuil.

Travailler sur son enfant intérieur

Votre enfant intérieur porte les blessures de cette enfance. Lui donner aujourd’hui ce qu’il n’a pas reçu — validation, protection, amour inconditionnel — est essentiel à votre guérison.

Poser des limites

Apprendre à poser des limites avec votre parent manipulateur, si vous êtes encore en contact, est crucial. Cela peut aller d’une distance émotionnelle à un contact limité, voire à une rupture si nécessaire.

Se faire accompagner

Un travail thérapeutique avec un professionnel spécialisé permet de comprendre les schémas hérités et de ne pas les reproduire dans vos propres relations.