THÉRAPIE DE COUPLE ET PERVERS NARCISSIQUE
Tenter la thérapie de couple avec un pervers narcissique équivaut à s’aventurer sur un terrain très glissant. « Tout ce que vous pourrez dire sera retenu contre vous », est la formule qui pourrait certainement résumer la situation épineuse dans laquelle se mettent les victimes. Analysons d’un peu plus près les fondements et les enjeux d’une telle démarche thérapeutique et de son utilité dans la relation avec un pervers narcissiuqe.
La thérapie de couple avec un pervers narcissique
Rappelons d’abord brièvement à quoi sert une thérapie de couple avec un pervers narcissique, comme avec un partenaire « sain ». Elle vise à résoudre les conflits et problèmes de communication, au sein de la relation, en décidant d’en rechercher les causes et les remèdes avec l’aide bienveillante du thérapeute.
Cette démarche implique une remise en cause nécessaire de chacun des partenaires, relativement aux dysfonctionnements du couple. Elle implique aussi bien sûr le désir d’entamer les changements nécessaires.
Le pervers narcissique ne va pas reculer devant la thérapie de couple. Pourquoi ? Parce qu’en bon narcissique, il se fait passe pour irréprochable, et va utiliser le processus puisse pour le tourner en sa faveur. Son art de la manipulation lui assure l’avantage. Sur le thérapeute, parfois, mais surtout et encore la victime qui restera sa pièce maîtresse. Comment ? En exploitant chez elle les faiblesses sur lesquelles il sait parfaitement jouer. Son but sera de lui faire perdre la face et de la mettre en porte-à-faux avec elle-même, et devant le thérapeute.
Pour cette raison, certainement, le PN affronte la thérapie, même si elle demeure malgré tout un exercice auquel il n’aime pas se plier. Bien souvent, ce sont, en effet, les victimes qui l’initient, car l’emprise dont elles sont victimes les pousse à croire que les problèmes inhérents à la relation viennent d’elles. Elle réagissent alors en partenaire amoureux-se et responsable et s’adressent à un thérapeute de couple en croyant pouvoir sauver justement leur couple.
C’est une grosse erreur qu’elles vont découvrir plus tard, au cours de leur propre thérapie individuelle, si elles décident d’entamer ce processus pour elles-mêmes. Pour l’instant, en thérapie de couple avec un pervers narcissique, les choses ne se passent comme elles le souhaitent, car le partenaire pervers va :
- subtilement jouer sur son registre de « l’ange », soit se draper dans une aura de dignité et de touchante sincérité plus vraie que nature ! Un rôle dans lequel il excelle assez pour que certains thérapeutes s’y laissent prendre, si leur pratique ne les a pas suffisamment amenés à côtoyer et à intégrer le double visage de la perversion narcissique.
- aborder les problèmes du couple sous son angle à lui. Il ne se reconnaîtra non seulement aucun tort, mais va souvent nier l’existence de tout problème si ce n’est chez sa partenaire. Il se fait passer ainsi pour un sujet parfaitement équilibré, l’autre devant passer pour « le sujet à problème ». Verdict du thérapeute « qui n’y voit goutte » : les problèmes viennent bien de la victime.
- nier toutes les critiques qui lui seront faites. Il les entend et les retournent contre l’autre et lui attribue tout ce qui ne fonctionne pas.
- déstabiliser l’autre en lui faisant ressortir ses contradictions. Il le fera douter jusqu’au bout de sa propre intégrité en traquant sa dépendance affective et les fragilités de sa personnalité.
Le piège de ce type de « thérapie »
En retrouvant sa face d’ange devant le thérapeute, le pervers narcissique ressort sa facette de
parfait séducteur qu’il a su être au départ. Il replonge sa victime dans cette ambiance de protection, d’euphorie et d’amour inconditionnel qu’il lui a su lui faire ressentir, au début de leur relation. Sauf que ce qu’elle ne comprend pas, c’est que toute cette « positivité » n’est produite aujourd’hui que pour séduire le thérapeute !
Le résultat est sans appel pour elle : elle va se sentir dissociée par rapport à ce ressenti qui est en complète contradiction avec les attaques qui lui seront adressées. Elle se retrouve alors plongée dans un mélange extrêmement trouble et anxiogène de confusion, de honte et de culpabilité. Cette réaction peut suffire à elle seule à lui faire perdre tous ses moyens.
L’incroyable charmeur qu’est le pervers narcissique réussira donc ainsi son tour de force, en embarquant le thérapeute qui s’y laissera prendre, dans un scénario tronqué de la réalité. Scénario qui peut souffler à ce dernier – bien malgré lui, il est important de le préciser- une mauvaise lecture de la réalité et de la relation.
Quelques points de repères…
Le cadre formel de la thérapie est un théâtre pour toute personnalité narcissique qui compte bien s’y mettre en valeur. L’autorité du thérapeute, sa qualité « d’intellectuel » sont des miroirs valorisants pour lui, dont il espère capter l’attention, le reflet.
Il fera donc très souvent en sorte d’être « le héros » de l’action, et il va souvent méticuleusement planter son décor pour cela.
Son comportement en thérapie est semblable à celui qu’il adopte devant la justice, dont il recherche souvent le soutien institutionnel (voir notre article). Dans ce but, il cherche à rencontrer son psychothérapeute – ou les magistrats- en aparté, de manière à les influencer et effectue un véritable « hold-up émotionnel » en larmoyant et en inventant des sévices que son partenaire lui ferait prétendument subir.
Que l’on ne s’y trompe pas, les pervers narcissiques n’aiment pas les professionnels de l’écoute pour autant. Dans le meilleur des cas, ils les considèrent comme des jouets, qu’il va être amusant de manipuler, mais ils peuvent aussi les voir comme des rivaux, susceptibles de leur voler leur proie. Ils se considèrent de toute façon supérieurs au thérapeute, qu’ils n’hésitent pas à contredire. Il n’est pas rare qu’un pervers narcissique en thérapie de couple, comme lors d’un processus de médiation en justice, claque la porte prétendant que le praticien n’est pas à la hauteur.
De plus, toute personnalité manipulatrice ne se rend pas en thérapie de couple sans que cela ne corresponde à un but dans sa stratégie d’emprise.
Il peut s’agir pour elle de ne pas perdre son partenaire si elle sent que son emprise se relâche, que l’autre est de plus en plus conscient de ce qu’il lui fait subir. Il adoptera alors une stratégie moins offensive et peut faire montre d’une bonne volonté toute provisoire en thérapie. Il a pour but ainsi de gagner du temps, car les efforts consentis seront de courte durée et les problèmes reprendront de plus belle, une fois le cadre de la thérapie écarté. Epuisé et laminé, le partenaire victime n’aura donc pas le courage de repartir en thérapie et se sentira en porte-à-faux devant un thérapeute, qui sommes toutes, aura lui, fait son travail.
Dans certains cas, la thérapie de couple peut être exploitée directement par le pervers pour accentuer son emprise, et/ou se débarrasser de son partenaire en le faisant passer pour fou. Il choisira alors lui-même le thérapeute et ne laissera aucune chance à la victime qu’il accablera systématiquement. De telles séances sont des parodies de thérapie, comme il existe des parodies de justice. Le bourreau charge à fond une victime qui, tombant des nues et convaincue par le cadre bienveillant de la thérapie, n’a que sa bonne foi pour se défendre.
Et cela ne lui est d’aucun secours.
Et pour cause : son partenaire pervers connaît les failles qui la font douter d’elle-même et se contredire…. Son dévouement, son extrême honnêteté et sa sincère volonté d’initier des changements vont se retourner contre elle. Elle passera elle, pour la menteuse, ou du moins pour une proie à la personnalité vacillante.
La thérapie de couple avec un pervers narcissique n’est donc pas sans danger, car au mieux, elle ne sert à rien, au pire, elle peut mener au désastre.
Elle constitue un assaut sérieux contre la victime et contre sa capacité à s’opposer à son bourreau.
Il peut d’ailleurs l’orchestrer en préalable à une démarche en justice lorsqu’il prévoit de la quitter, de manière à annihiler définitivement sa self estime, ce qui aura une grosse influence, il le sait, sur ses capacités à faire valoir ses droits.
Toute victime qui se voit proposer la thérapie de couple par un partenaire manipulateur, ne devrait donc jamais, par convention, avoir confiance dans cette démarche. La prudence commande au contraire de l’éviter.
Comme nous l’avons déjà évoqué sur ce blog, les pervers narcissiques ne se remettent jamais en question et n’éprouvent nul réel besoin de consulter. Pour sortir du schéma d’une relation toxique et abusive, les victimes doivent songer à une prise en charge individuelle en premier lieu pour elles-mêmes. Car même ne le sachant pas au départ, elles ont le pouvoir de changer le mauvais scénario de leur histoire avec ce tortueux partenaire !
Pascal Couderc, psychologue clinicien et psychanalyste et son équipe de psychologues spécialisée proposent l’aide de la thérapie à toutes les victimes d’une relation toxique avec un manipulateur souhaitant initier un véritable changement dans leur vie.