Léa : de la manipulation perverse à la prise de conscience in-extremis

Je me permets de partager mon témoignage après avoir vécu presque 8 mois avec un PN. J’espère que cela pourra aider d’autres personnes.

Je m’appelle Léa et j’ai 29 ans.

Je suis (encore) étudiante, car je poursuis un doctorat à la Sorbonne. J’ai été avec un pervers narcissique de juillet 2020 à mars 2021, ce qui peut sembler court. Ça a pourtant chamboulé ma vie et aurait pu avoir des conséquences dramatiques sur celle-ci.

La rencontre

En juillet 2020, cela faisait 5 ans que j’étais célibataire suite à une rupture mettant fin à une relation de 5 ans (dont des fiançailles et un emménagement). Je suis restée toutes ces années totalement seule (sans rendez-vous, sans aucune relation sexuelle ni romantique) car cette rupture avait été un choc émotionnel immense que je continuais de traîner avec moi.

Aucun homme ne trouvait grâce à mes yeux. J’avais beaucoup d’amis, mais ils ne devenaient jamais plus que cela. Je passais mon temps entre la fac et mon groupe d’ami(e)s, qui d’ailleurs m’avait beaucoup épaulé.

Le 13 juillet 2020, je sors de chez moi pour aller faire des courses. Il fait beau, il fait chaud, et je me trouve (pour une fois) jolie dans le miroir.

A quelques mètres de chez moi, sur un passage piéton, je croise un très très beau garçon. Il correspond physiquement à mon idéal masculin. Je le regarde, il me regarde. Nos chemins se croisent, et je continue ma route.

Quelques minutes plus tard, il me tape sur l’épaule, m’aborde et se présente. Il me dit qu’il m’a vue sur le passage piéton et que je suis vraiment magnifique. On engage la conversation.

Il est grand, propre sur lui, présente bien et s’exprime très bien. Il s’excuse de la manière un peu cavalière qu’il a de m’aborder. On discute une vingtaine de minutes, puis, on échange nos numéros. Cela ne m’arrive jamais, mais il m’a tapé dans l’œil. Je dois partir, lui aussi.

A peine 15 minutes plus tard, il me bombarde déjà de messages en me jouant un violon “pas possible”.

La lune de miel

On se revoit déjà le lendemain, parce qu’on a très bien accroché. Je tombe enfin sur un garçon qui me plaît, après 5 années désertiques. Cela semble réciproque.

Pour notre premier rendez-vous, il m’invite à boire un verre en terrasse dans le Marais. Il m’offre des chocolats, me demande mes fleurs préférées.

Tout de suite, je remarque qu’il porte une casquette, qu’il se retourne souvent ou qu’il dévisage les gens. Je ne parviens pas à voir son nom sur sa carte bleue, qu’il dégaine fièrement.

Sentant qu’il y a quelque-chose d’étrange, je lui dis en riant “tu as une bague au doigt et une casquette parce que tu as une double vie?”. J’aurais mieux fait de me taire !! Il nie en bloc, rit avec moi en précisant que la bague n’est pas à la bonne main. On termine notre rendez-vous en s’embrassant sur un banc.

Il joue le mec sensible, drôle, gentil, qui a souffert dans sa vie. Et moi, comme une tarte, je suis touchée en plein cœur par ses histoires.

On se revoit toute la semaine, et je dis à tout le monde que j’ai eu un coup de foudre pour un homme croisé dans la rue. Comme dans les films, les planètes sont enfin alignées.

Le début des troubles

Premier signal d’alerte

Au bout d’une semaine, on se retrouve un soir au restaurant. Il me demande de devenir sa petite amie. J’accepte. Je suis “over the moon”.

On finit la soirée dans mon appartement. On commence à coucher ensemble mais soudainement, l’alarme de son téléphone sonne.

Il arrête ce qu’il est en train de faire, me dit qu’il est désolé mais qu’il doit partir pour ne pas trop laisser sa sœur seule, avec laquelle il vit dans un appartement. Celle-ci s’est récemment blessée au dos et s’inquiète facilement.

Je suis un peu sonnée sur le moment, mais aussi sur mon nuage. Je ne percute pas et je le laisse partir.

Pour se rattraper, il me dit “Passe à la maison demain matin, on prendra un petit déj ensemble”. Bon. Très bien.

Second signal d’alerte

Le lendemain matin, alors que je suis dans le bus de bonne heure pour aller chez lui, il m’envoie un message. “Je dois te dire la vérité, en fait je suis en train de divorcer et je vis encore avec mon ex, mais passe à la maison on va s’expliquer”.

Furieuse, je me rends chez lui pour mettre les points sur les i. Je réalise que toute la semaine, il portait une casquette pour ne pas être reconnu et que sa bague était bien une alliance.

Arrivée chez lui, il me montre sa carte d’identité (il m’avait menti sur son nom, aussi). Il m’explique qu’il est dans une situation compliquée car il appartient aux Témoins de Jéhovah. Il a subi des pressions pour se marier il y a deux ans et il regrette. En demandant le divorce il va bientôt être excommunié.

Sonnée (pour la deuxième fois en moins de 24h) je lui laisse le bénéfice du doute (totalement aveuglée par tout ce qu’il m’avait dit la première semaine). Je lui pose un ultimatum. Je veux bien le croire, mais il a un mois pour quitter l’appartement qu’il partage avec son ex. Sinon lui et moi c’est terminé.

Empathie

Plusieurs jours passent et il me dit qu’il m’aime. Il me dit qu’il veut être avec moi mais qu’il n’a nulle part où aller. Tarte un jour, tarte toujours, je lui propose de laisser ses affaires chez moi et d’habiter dans mon appartement en attendant qu’il puisse se retourner.

Les premiers temps, il était le meilleur avec moi. Il me couvrait de compliments, me professait un amour qu’il n’avait jamais connu avant. Il m’achetait des fleurs, j’étais sa meilleure amie, celle à qui il osait tout dire, blablabla.

Sa famille ne lui parlait plus, il avait quitté sa communauté et sa vie “de planqué” pour moi. Je trouvais normal de l’aider en retour.  Il me présente même à ses amis proches.

Ni une ni deux, il emménage chez moi un mois après notre rencontre. Il avait tenu parole, il était donc sincère avec moi. J’étais sûre qu’on allait surmonter ça ensemble. Qu’il avait juste manqué de chance dans sa vie : ayant grandi en banlieue, issue d’une minorité ethnique et religieuse, questionnant souvent sa foi, vivant constamment le racisme, ayant été  adopté, n’ayant pas connu sa mère biologique, ayant été agressé sexuellement enfant en colonie de vacances… J’ai TOUT gobé et je me persuadai que dans la vie, tout le monde avait le droit à une seconde chance.

Lui, de son côté, me disait tous les jours que j’étais exceptionnelle. Que j’étais la femme de sa vie. Mon père le dépanna et lui trouva un stage. Toute ma famille l’adorait : il était gentil, beau, drôle, serviable, souriant…

La fin de la lune de miel

Mais une fois seuls lui et moi, les disputes et les tensions ont commencé à se multiplier. A devenir de plus en plus fréquentes, jusqu’à s’engueuler tous les jours pour des broutilles.

Je commençais à m’enfoncer dans la dépression. Fin janvier, alors que je me remettais d’un avortement (qui avait été très douloureux psychologiquement), son masque est tombé.

Les injonctions

Il me disait de ne pas passer en short devant la vitre, pour ne pas que les ouvriers en face me voient.

Je devais lui tenir la main d’une certaine façon, alterner en lui tenant le bras. Marcher à une certaine cadence pour ne pas le gêner et veiller à ne pas le bousculer.

Je ne devais jamais rien dire contre lui publiquement. Cela était d’emblée pris comme une humiliation. Lui demander de ne pas s’en prendre à une caissière, par exemple.

Il critiquait la façon dont je me déplaçais sur le trottoir : “laisser passer des gens ce n’est pas de la politesse, c’est ne pas se faire respecter”.

Il me disait qu’il avait pris sur lui pendant ma convalescence mais qu’il y a plein de choses négatives qu’il s’était retenu de me dire pour me préserver, car j’étais soi-disant pas facile à vivre.

La violence perverse

Que j’avais une famille dysfonctionnelle, que je devais couper les ponts avec ma mère.

Qu’on devait quitter mon appartement, idéalement situé, pour s’installer autre part car ça serait vraiment chez nous et moins bruyant. Il ne supportait ni les enfants qui sortaient de l’école, ni les cloches de l’église à proximité.

Que je n’étais pas quelqu’un d’hygiénique, parce que je portais deux jours de suite le même t-shirt (alors que je change de sous-vêtements tous les jours et prends deux douches par jour). Que je sentais mauvais de la bouche et de l’entre-jambe et que je devais me coiffer autrement. Ou encore que je devais davantage muscler mes fesses.

Un matin, alors que j’allais me rendre à mon premier jour de job étudiant, il est rentré dans la salle de bain. Alors que je me préparais il m’a dit en ricanant “ah, tu vas vraiment t’habiller et y aller comme ça ? C’est pour toi que je dis ça tu sais”.

J’ai éclaté en sanglots.

Culpabilisation et Manipulation

Reproches et manipulation

Je faisais toutes les tâches ménagères, les courses, etc.

Il changeait de tenue 2 à 3 fois par jour. Je devais laver et sécher ses affaires d’une certaine façon.

Il commentait tout ce que je faisais, de la dose de lessive que je mettais dans la machine (et qui selon lui n’était pas adaptée) à ma façon de plier le linge ou de cuire des pâtes.

Il dé-rangeait tout l’appartement le matin avant d’aller au boulot.

D’ailleurs, il laissait toujours les wcs très sales après son passage. Je rangeais et nettoyais derrière lui tous les matins, puis j’allais me recoucher.

J’étais vidée de ma substance.

Les soirs, il me lançait souvent sur des sujets en me demandant mon avis. Quand je répondais, il n’était pas d’accord avec moi et avait toujours raison. On partait toujours dans un débat durant lequel il retournait les arguments. Parfois il n’en avait pas du tout.

Il retournait les situations aussi. Il disait que je parlais trop violemment (ton, gestuelle). Que je n’étais pas assez mesurée dans mes propos et que je ne savais pas m’exprimer avec les bons mots.

Lors d’engueulades, il menaçait souvent de partir.

Il a cassé “sans faire exprès” plusieurs de mes meubles ou objets personnels.

Il disait aussi que je ne respectais pas sa religion (qu’il pratiquait pourtant librement à la maison et il priait à table le soir) car je n’en reconnaissais pas les principes et n’étais pas d’accord avec eux.

Parallèlement, il me répétait que j’avais des soucis psychologiques.

Il s’excusait rarement après un conflit.

Il disait souvent que les tensions dans les relations étaient normales et ajoutaient du piment.

Débordement

Les dernières semaines ont été les pires à vivre.

Il voulait me faire quitter ma super complémentaire santé pour que j’aille avec lui rejoindre une complémentaire solidaire.

A côté, il me demandait mes feuilles d’impôts et fiches de salaire. Il était vexé que je lui dise non à chaque fois. Il ne parvenait pas à m’expliquer pourquoi je devais à tout prix y aller avec lui et lui donner ces documents, alors que nous n’étions ni mariés ni pacsés et qu’il pouvait très bien faire les démarches seul de son côté.

Prise de conscience

Après une énième dispute je me suis enfermée, tremblante, dans la salle de bain. Après m’être frappée la tête contre le mur, je me suis ouverte la cuisse au rasoir pour essayer d’évacuer toute la peine et la souffrance que j’avais en moi.

Cela a été le déclic. Je me suis dit “regarde toi, tu es tombée si bas, ça ne peut pas être ‘ça’ la vie”.

J’ai ensuite appris par courrier qu’il était fiché à la Banque de France. Qu’il n’avait jamais été adopté (quid de l’agression sexuelle en colo ?), qu’il avait connu des centaines de filles avant moi. Qu’il passait d’appart en appart, vivant une fois avec une, une fois seul, une fois avec une autre, avant de contracter mariage chez les TJ pour sauver la face dans sa paroisse. Paroisse devant laquelle il n’avait aucune honte à prêcher et à se présenter sous son meilleur jour.

Il se contredisait souvent ou n’était pas cohérent dans ses idées et développements.

Point de rupture

Un jour, je rentrais de mon job.

Il avait fait ce dont il parlait souvent. Il avait finalement pris ses affaires et était parti. Ce, alors même qu’on avait fait l’amour la veille, qu’il m’avait préparé le petit déjeuner le matin même et m’avait appelé “chérie”.

Évidemment, il avait oublié des affaires que j’ai rassemblées dans un sac. Il est donc repassé le soir suivant. Nous nous sommes expliqués, et je lui ai dit qu’on ne se reverrait plus jamais parce que je ne reste pas en contact avec mes exs.

Il m’a alors demandé qu’on se remette ensemble, et que j’aille louer une camionnette pour aller récupérer ses affaires chez ses parents, pour qu’il ré-emménage chez moi. Je lui ai dit que je voulais plutôt qu’il reste chez lui pendant que je retournais passer du temps chez mes parents pour me mettre au vert un temps.

Il  l’a très mal pris, a pris ses affaires manquantes et a violemment claqué la porte, car j’avais osé lui dire non.

Rentrant dans ma famille avec le premier train le lendemain matin, je leur ai tout raconté car ils ne savaient absolument rien.

Séparation

Une semaine passa, et le voilà qui me recontacte en m’envoyant un message de 6 pages avec des blagues, des mots d’amour, du violon, et des “je t’aime” “remettons nous ensemble” à la pelle.

Je n’ai jamais répondu. Je l’ai bloqué partout (sur mon téléphone et les réseaux sociaux).

L’ayant remarqué, il a contacté des amis à moi. Voyant que cela ne servait à rien, il a demandé à des amis à lui de me contacter sur mon portable.

J’ai reçu plusieurs appels et messages alarmistes à la suite, me disant de me dépêcher de répondre car c’était soi-disant “urgent” et “grave”.

Finalement, mon père a fait écran et a directement contacté mon ex-conjoint en le sommant de me laisser tranquille. Je n’ai plus eu aucune nouvelle depuis.

Tout ce temps, j’ai côtoyé un inconnu qui m’a menti sur plein d’aspects de sa vie et qui ne m’a jamais aimé. Très matérialiste, superficiel et fier, il me montrait comme on montre un bijou ou une nouvelle voiture. Il aimait mon image et ma situation, pas ma personne.

Avec le recul, je me sens si stupide, et je réalise que j’ai été aveuglée dès le départ. Hypersensible et ayant besoin d’être aimée, j’ai tellement voulu y croire que j’ai failli me perdre.

Heureusement, un suivi psychologique et le soutien de mes proches m’ont aidé à comprendre et à avancer. Je sais maintenant que je n’y suis pour rien, que c’est un malade, et que je suis une femme forte qui doit continuer d’avancer.

Force et courage à toutes celles et à tous ceux qui vivent des choses similaires.

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“Mon voyage a commencé en 2011, lorsque j’ai rencontré le père de mes enfants. Les premières années ont été stables et heureuses, avec la naissance de notre fille en 2015 et l’achat d’un appartement. Cependant, notre déménagement en Suisse en 2017 a marqué un tournant, où j’ai commencé à remarquer un changement dramatique dans son comportement. Devenu distant et préoccupé, il m’a peu à peu isolée, transformant notre vie en une cohabitation forcée. L’annonce de notre deuxième enfant n’a fait qu’aggraver la situation, avec son absence émotionnelle et physique grandissante. Face à la trahison, l’isolement, et les défis professionnels, j’ai dû trouver la force de naviguer seule à travers cette période tumultueuse, tout en protégeant mes enfants et en gérant les difficultés liées à notre séparation.”

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