Les groupes d’entraide de victimes de PN en ligne se comptent par dizaines et rassemblent chacun des milliers de membres. Les publications de témoignages d’abus émotionnels et de demandes de conseils sur comment sortir de l’emprise ou comment protéger les enfants du parent toxique sont nombreuses et font l’objet de commentaires de la part de n’importe quel participant. Si ces communautés représentent souvent un premier soutien indéniable, il faut faire attention à la façon dont elles sont gérées. En effet, les bienfaits qu’elles visent peuvent être surpassés par les dangers que comporte le fait de divulguer des informations sensibles sur un espace où n’importe qui peut se cacher derrière un pseudonyme.
Quels bienfaits apportent les groupes d’entraide de victimes de PN en ligne ?
Les groupes d’entraide de victimes de PN en ligne bénéficient d’un réel engouement et sont souvent consultés en première intention, dans une première démarche de recherche de soutien psychologique. Les capacités de jugement et de raisonnement des victimes de maltraitance émotionnelle étant fréquemment altérées, il leur est plus facile de lancer un appel à l’aide via une publication sur un réseau social que de passer des heures à se documenter sur les moteurs de recherche. Les bienfaits de s’en remettre à l’avis des membres de ces communautés thématiques sont de plusieurs ordres.
1. L’anonymat et l’accessibilité des communautés d’entraide en ligne
Les réseaux sociaux permettent de protéger, dans une certaine mesure, votre vie privée. Vous pouvez choisir un pseudonyme, une photo de profil qui ne vous représente pas, ou bien tout simplement pour certaines plateformes, opter pour publier un message en tant que “membre anonyme”. Pour les personnes qui ne sont pas très au fait des failles de l’informatique, cela sera suffisant. De plus, l’accessibilité depuis n’importe quel appareil connecté à Internet vous permettra de consulter vos réponses en toute discrétion dès que le moment vous semblera opportun. Si votre pervers narcissique a réussi à vous isoler de votre cercle familial et social, c’est un bon moyen d’entretenir un lien avec l’extérieur.
2. Soutien émotionnel et validation entre victimes de PN
Un groupe thématique rassemble des profils qui, même sans se connaître, présentent des points communs censés faciliter les échanges. Dans le cadre de la violence conjugale, on a donc de grandes chances d’y trouver du réconfort, de l’empathie, une validation du vécu et, surtout, une reconnaissance du statut de victime parfois si difficile à obtenir dans les affaires de manipulation machiavélique. Ainsi, dans ce contexte virtuel, on sait qu’il y aura forcément des personnes bienveillantes à qui parler.
3. Information et éducation sur la personnalité narcissique
Outre la fonction de ces groupes d’y trouver une écoute, il y a un autre attrait considérable : le partage des connaissances. En confrontant toutes ces histoires de vie exposées sur la Toile, on se forge une véritable culture de la survie en terrain narcissique. Cela contribue à une sorte d’éducation des procédés manipulatoires qui renforce le savoir de la victime et ses capacités de détection des relations dysfonctionnelles qui lui serviront pour toujours.
4. Recommandations et conseils pratiques pour sortir de l’emprise
Les différents participants à la communauté virtuelle n’en sont pas tous au même stade dans leur expérience de vie avec un individu porteur d’un trouble de la personnalité narcissique. Ainsi, on observe un véritable phénomène de pair-aidance dans lequel les “anciens” peuvent aiguiller les “nouveaux”. De même, ceux qui ont trouvé des solutions à certaines problématiques spécifiques les partagent avec les autres membres. Enfin, ceux qui ont acquis un certain niveau d’expertise dans les domaines juridique, psychologique, social, etc. peuvent constituer des ressources importantes.
5. Sentiment d’appartenance et communauté
Nous avons déjà eu l’occasion de souligner l’importance du soutien social dans la lutte pour la liberté suite à une relation toxique. Grâce aux communautés d’entraide en ligne, le sentiment d’appartenance à un groupe peut rapidement se faire sentir et soutenir la démarche d’affranchissement. Il n’est pas rare d’y nouer des amitiés sincères et de réduire ainsi la sensation d’isolement et d’incapacité à agir.
6. Pouvoir d’agir et résilience post-PN
Le collectif insuffle un renforcement de l’autonomie. On retrouve confiance en soi en étant écouté, mais aussi en apprenant à notre tour à soutenir les autres. Cela permet d’adopter un discours plus positif et une meilleure vision d’avenir. Si une dynamique vertueuse se met en place, alors le pouvoir d’agir sur sa propre vie reviendra et favorisera la résilience et, pourquoi pas, la croissance post-traumatique.
Dangers des communautés de partage entre victimes de manipulation sentimentale sur les réseaux sociaux
Nous venons de voir que, sur le principe, les groupes Facebook ou autres communautés d’entraide en ligne qui ciblent les victimes de perversion narcissique ont beaucoup à apporter dans leur processus d’affranchissement. Malheureusement, entre règles de sécurité hasardeuses et manque de transparence sur les objectifs et compétences réelles de l’équipe d’administrateurs et de modérateurs, nul n’est à l’abri de se retrouver dans un nid à problèmes. Voici quelques risques que vous courrez en participant à ces collectifs.
1. Mauvais conseils et fausses informations
Sur Internet, on a coutume de dire qu’on y trouve à boire et à manger, sous-entendu, n’importe qui peut y dire n’importe quoi. Ainsi, en vous soumettant à l’avis de personnes dont vous ne savez pratiquement rien, vous allez fatalement croiser des informations inexactes, des conseils contre-productifs, des encouragements à mener des actions délétères par souci de vengeance, par exemple. Vous observerez que rares sont les professionnels compétents sur ces plateformes et que les conseilleurs n’étant pas les payeurs, beaucoup de personnes n’ayant pas grand-chose d’autre à faire que d’arpenter ces murs de publications n’hésiteront pas à vous pousser à faire ce qu’elles-mêmes ne sont pas en mesure de réaliser.
2. Renforcement des traumatismes et des émotions négatives
De la même manière que d’autres verront vos posts, vous serez évidemment exposé aux récits d’autrui. Cela peut contribuer à entretenir les ruminations de votre passif douloureux et même réactiver vos traumatismes. En effet, on a parfois besoin de s’aérer l’esprit, d’ouvrir son champ de vision à la nouveauté et à la positivité pour créer le déclic de se placer en priorité. Le fait de scroller à travers des témoignages portant une charge émotionnelle négative peut entraver le processus de rétablissement.
3. Stigmatisation et stéréotype
La menace du stéréotype est réelle chez des publics dont l’image de soi a été mise à l’épreuve. Ainsi, à force d’identification au statut de victime, on peut finir par s’attacher à cette étiquette, quitte à lui donner encore plus corps en adoptant une attitude typique. Une stigmatisation peut alors s’opérer, y compris chez les conjoints indélicats que se voient affublés du label “MPN” pour avoir simplement quitté leur femme pour la voisine. Il faut donc faire attention à la tendance à la généralisation et à la propagation des mythes qui risquent de retarder la guérison.
4. Nouvelle dépendance et augmentation de l’isolement social
Passer trop de temps dans ces groupes peut entraîner une dépendance émotionnelle et un isolement social dans la “vraie vie”. À force d’interagir en ligne, on se contente du soutien qu’on y trouve, on perd la notion du temps et on se leurre à penser qu’une aide professionnelle n’est pas nécessaire. Or, bien souvent, les relations en ligne sont édulcorées et ne supportent pas la confrontation dans le monde tangible. Il y a quelque chose de l’ordre de la communication non verbale qui manque aux échanges de quelques écrits sur clavier, caché derrière un écran. Finalement, le refuge dans l’espace virtuel peut même ressembler à une sorte d’enfumage que l’on se créerait soi-même pour échapper à la réalité.
5. Manque de progression thérapeutique
De cette apparente autosuffisance grâce au web, c’est la progression thérapeutique qui souffre. Les membres de ces communautés d’entraide peuvent croire que le soutien en ligne est convenable et éviter ainsi de chercher l’aide d’un psy qualifié. Or, un plan thérapeutique structuré, adapté à votre cas et encadré par un professionnel de la santé mentale aura toujours de meilleurs résultats, plus rapide et durable.
6. Exposition aux conflits et à la violence dans le groupe
Dans tous les groupes, aussi vertueuses soient leurs aspirations, coexistent des membres qui ne pourront pas s’entendre. Le problème, c’est que les divergences d’opinions ont tendance à rapidement s’enflammer sur les réseaux sociaux. Ainsi, là où vous cherchiez de la bienveillance et du réconfort, vous pouvez au contraire vous placer en situation de tension, de stress, voire de cyberharcèlement. Attention aussi à ceux qui font figure de leaders et imposent leur point de vue ou dominent les discussions. Vous pourriez vous trouver dans un rapport de force particulièrement malvenu.
7. Risques de confidentialité et de sécurité
Venons maintenant au point de la structure même du groupe d’entraide. Qui le gère ? Quel est son but, sa légitimité, sa capacité à vous offrir un espace sécurisé ? Quelles sont les règles d’entrée dans la communauté ? Il n’est pas rare de voir des coachs anti-PN créer ces communautés pour appâter les clients pour leur prochaine formation. Il est également tout à fait possible que des manipulateurs, des charlatans ou des brouteurs infiltrent ces groupes, utilisant les informations partagées pour nuire aux membres qu’ils repèrent et contactent ensuite par messagerie privée. Ainsi, ne tombez pas dans l’écueil de la divulgation excessive. Veillez à ne pas partager d’informations personnelles et sensibles en ligne, pouvant compromettre votre anonymat et votre sécurité.
Les groupes d’entraide de victimes de PN en ligne comportent autant de bienfaits que de dangers. Pour pouvoir profiter de leur aspect positif tout en vous prémunissant des risques réels qu’ils renferment, il faut savoir raison garder. Allez y puiser avec parcimonie quelques informations utiles, à condition de les vérifier à l’aide de sources fiables, ou bien du soutien bienveillant rapide en cas de besoin, mais n’en faites pas votre seule ressource. Entretenez des interactions sociales et thérapeutiques professionnelles dans le monde réel et surtout, déconnectez-vous dès que vous sentez la moindre pesanteur dans les échanges virtuels. Votre santé psychique est aussi précieuse que votre santé physique. Ne la confiez pas à n’importe qui.