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Situations d’urgence et pervers narcissique : comment se protéger en cas de crise ?

Rédaction : Pascal Couderc, psychologue, psychanalyste et auteur, président du comité scientifique de pervers-narcissique.com

Les situations d’urgence avec un PN correspondent à ces cas de crises aigües durant lesquelles la seule solution pour la victime est l’éloignement de son bourreau. Parfois, cela est déclenché par un accès de rage du manipulateur sadique qui compromet la sécurité des personnes avec qui il partage sa vie, adultes ou enfants. Mais il arrive aussi que cette pulsion de fuite réponde à une saturation survenue soudainement, par un déclic, une prise de conscience qui rend la configuration de vie en place désormais profondément intolérable. Alors que faire pour ne plus vivre sous le même toit avec un pervers narcissique de façon immédiate ? Comment concrétiser sans délai l’impératif viscéral de séparation physique et géographique ? Voici nos conseils.

Numéros utiles pour les situations d’urgence dans les conflits conjugaux

Les situations d’urgence avec un PN se présentent dès lors que la violence subie menace votre intégrité physique et psychologique, ainsi que celle de quiconque partagerait votre logement, c’est-à-dire les enfants et éventuellement les autres personnes dépendantes.

Si vous vous sentez en danger imminent, alors la mise en sécurité est la priorité, doublée par l’intervention des forces de l’ordre, c’est-à-dire la police ou la gendarmerie pour le cas de la France. Le numéro de téléphone gratuit à composer et disponible 24h/24, 7j/7 est le 17. Il correspond au service “Police secours”. Vous pouvez aussi les prévenir par SMS au 114.

Si le danger concerne les mineurs, appelez à toute heure le 119.

S’il s’agit d’une urgence médicale, c’est au SAMU qu’il faut s’adresser en composant le 15.

Si vous avez besoin d’une solution d’hébergement immédiate, téléphonez au 115.

Enfin, en cas de grande détresse psychologique, faites une recherche sur internet avec ces mots-clés “urgence psychiatrique + ville” et appelez-les ou présentez-vous directement pour demander une admission. Nous reviendrons plus loin sur ce point qu’il est important de déstigmatiser.

En dehors des situations extrêmes, il existe bien entendu d’autres lignes téléphoniques de soutien et d’information à solliciter dans des moments où la tension est moins éprouvante.

Parmi ceux-ci, citons :

  • le 3919 qui concerne les violences faites aux femmes (ouvert du lundi au samedi, de 9h à 19h) ;
  • le 116 006 qui constitue une aide aux victimes (ouvert tous les jours de 9h à 19h).

Sachez que tous ces numéros sont gratuits et que vous aurez pour interlocuteurs des professionnels formés pour répondre au mieux à vos besoins, même si des soucis matériels et logistiques peuvent toujours interférer sur la prise en charge.

Faire partir le PN du logement conjugal

Si vous ne vous sentez plus en sécurité au domicile conjugal, il faut agir vite, mais de préférence en prenant en compte la situation. Si votre intégrité physique est compromise, ne réfléchissez pas et mettez-vous à l’abri. Cela peut être en vous barricadant avec les personnes vulnérables à protéger dans un espace sécurisé, le temps d’appeler le 17, ou en quittant le logement commun pour vous réfugier momentanément chez des voisins en attendant les secours.

Ne disparaissez pas trop loin ni trop longtemps, surtout si vous êtes mariés et que vous partagez les droits sur le logement conjugal à 50%. En effet, vous risquez d’être accusée a posteriori d’abandon de domicile. Cela peut jouer en votre défaveur lors de la répartition des droits sur les biens communs. Dès l’arrivée des policiers ou des gendarmes, présentez-vous à eux pour avoir le temps de leur faire un état des faits. Insistez sur la nécessité pour vous de pouvoir regagner votre logement sans que votre bourreau y reste. Donnez-leur des détails sur ses solutions de repli à lui pour que leur décision s’oriente vers une évacuation de l’agresseur, et non de la victime, si c’est votre souhait, évidemment.

Toutefois, la situation à privilégier est de parvenir à verrouiller le domicile lorsque le PN est à l’extérieur, même s’il se trouve dans votre jardin ou dans le garage. Vous aurez ainsi le temps de lancer votre SOS en toute sûreté.

N’oubliez pas, dès le lendemain des faits, d’aller déposer une main courante à la gendarmerie ou au commissariat. Sachez que les agents ont obligation de recueillir votre déposition. Autre point important : exigez une copie sur papier de votre déclaration. Ce sera la seule preuve que vous aurez de cette démarche.

Si votre état de santé a été dégradé, allez le faire constater par un médecin avant d’aller voir la police pour éventuellement pouvoir porter plainte.

Se faire héberger pour une victime de PN en situation d’urgence

Si vous avez moins de droits que ceux de votre concubin sur le logement, il vaut mieux vous laisser la liberté de partir en des lieux plus sûrs. Si vous avez des enfants, privilégiez de les emmener avec vous, afin qu’on ne vous reproche pas un abandon de famille plus tard.

Dans l’idéal, réfugiez-vous chez des personnes de confiance comme la famille ou les amis proches. Et surtout, ne communiquez pas votre localisation à votre PN.

Si vous êtes isolée et sans soutien social dans votre cercle intime, comme c’est souvent le cas dans les affaires de contrôle coercitif, vous pouvez faire appel au 115. C’est le numéro d’hébergement d’urgence qui répond gratuitement 24h/24, 7j/7.

Nous avons parlé des aides logistiques et médicales, mais nous tenons à consacrer une partie de cet article aux urgences psychiatriques, dispositif méconnu et qui a pourtant contribué à sauver tant de victimes de perversion narcissique.

Focus sur le cas de l’urgence psychologique

En cas de grande détresse psychologique, peu de gens y pensent, mais vous pouvez tout à fait à votre demande être internée pour un séjour de repos au sein d’une équipe de professionnels de la santé mentale. Vous pouvez également laisser votre médecin traitant ou votre psychologue les solliciter pour préparer votre arrivée.

Lorsque vous vous y rendez de votre plein gré, vous pouvez en ressortir sur votre bon vouloir et en concertation avec les équipes au bout de quelques jours ou quelques heures, le temps que vous jugerez nécessaire.

Concrètement, vous serez accueillie dans une chambre individuelle et vous n’aurez rien d’autre à faire que de vous reposer. On vous servira vos repas et on vous soutiendra avec énormément de bienveillance.

Sachez tout de même que par mesure de précaution et même si vous ne présentez pas de risque suicidaire, on vous retirera vos lacets, votre ceinture et vous aurez des serviettes de petite taille pour vous laver.

Vous n’aurez à subir aucune influence de l’extérieur, donc vous ne disposerez ni de téléphone, ni d’ordinateur, ni de tablette. Vous aurez accès à des livres pour vous occuper et à des écoutants qualifiés et compréhensifs de votre situation. Les visites ne sont en revanche pas autorisées, même si vous pourrez prévenir quelques tiers de confiance de votre admission à l’hôpital.

Malgré son aspect quelque peu infantilisant, sachez que ce dispositif peut être salutaire. Il vous permettra de commencer à dissiper le brouillard mental entretenu soigneusement par le gaslighting du PN.

Les victimes d’emprise sortent en général au bout de 3 ou 4 jours, même si une seule nuit de repos total peut leur suffire. Ainsi, elles ont le temps de faire le point sur leur vie, de se reconstituer des forces et d’aller au front pour la libération tant souhaitable.

Notez que le dossier des personnes hospitalisées aux urgences psychiatriques est placé en confidentialité maximale. Ainsi, seule l’équipe qui s’occupe de vous aura connaissance de votre passage. 

Une inquiétude récurrente est de penser que, si cet épisode était dévoilé à un juge aux affaires familiales, cela ferait tache dans votre dossier. C’est un préjugé erroné. Le JAF peut comprendre que vous traversez des tourments et valoriser la responsabilité de votre démarche de faire appel à des professionnels. Ce qu’il faut éviter, c’est de lui laisser entendre que vous avez sombré dans une grave dépression. Sa crainte serait alors de vous voir tomber dans l’écueil de la parentification de l’enfant. Il faut donc rassurer le tribunal sur l’aspect passager et circonstanciel de votre phase de détresse psychologique. Choisissez un bon avocat pour défendre au mieux votre dossier.

Dans les situations d’urgence avec un PN, il est possible de trouver des solutions de repli, et ce, même pour les victimes qui se sentent seules et livrées à elles-mêmes, à la merci de leur bourreau. Cependant, appeler au secours marque un cap difficile à franchir, notamment à cause de certains préjugés qui ont la vie dure. Nous avons la chance de bénéficier en France d’une protection sociale qui offre une certaine sécurité aux personnes en état de vulnérabilité. Y faire appel n’est pas un constat d’échec, mais relève bien d’une grande force et fait figure de premier pas vers l’affranchissement de l’emprise. Cela permet de réaliser que le monde ne tourne pas autour de votre MPN.