Accueil » Blog » Victime » 11 Phrase à ne jamais dire à une victime de PN

11 Phrase à ne jamais dire à une victime de PN

Rédaction : Pascal Couderc, psychologue, psychanalyste et auteur, président du comité scientifique de pervers-narcissique.com

La question de l’attirance revient, lancinante, après qu’une succession d’expériences malheureuses finit par installer l’idée d’une fatalité. Qu’est-ce qui, dans le physique, l’attitude ou autre, attire le pervers narcissique ? Pourquoi tel individu, et non tel autre ? Faut-il croire à une signature invisible, à un parfum psychique que seuls les prédateurs percevraient ?

Le besoin de trouver une logique à l’emprise, surtout lorsqu’elle se répète, est compréhensible. Mettre du sens sur le chaos, relier les points, chercher la cause plutôt que de rester seule face à l’angoisse d’avoir été choisie par l’autre, permet d’alléger la part de honte et de malaise. Cependant, s’il n’existe ni « aura maléfique » ni malédiction d’aucune sorte, il serait tout aussi trompeur d’affirmer qu’aucune constante ne se dégage. Les trajectoires d’emprise révèlent en effet des terrains psychologiques récurrents : un profil de vulnérabilité qui, sans condamner quiconque, rend plus probable la captation par un pervers narcissique, particulièrement quand surviennent certaines circonstances de vie difficiles ou fragilisantes.

Les constantes de la vulnérabilité

Certains profils combinent traits, croyances et blessures :

  • Estime de soi oscillante : non pas une absence totale de confiance, mais une vision de soi dépendante du regard d’autrui, attendant confirmation, fragile face au rejet.
  • Hypersensibilité relationnelle : peur du conflit, besoin d’harmonie, évitement de la confrontation, difficulté à poser un « non » clair.
  • Solitude perçue : sentiment de décalage, besoin intense d’appartenance, appréhension du vide relationnel.
  • Passé dépréciatif : enfance marquée par la critique, l’indifférence ou l’instabilité affective ; quête implicite de réparation dans le lien amoureux.
  • Loyauté extrême : fidélité à toute épreuve, capacité à endurer, à comprendre, à pardonner, jusqu’à l’épuisement psychique.
  • Idéalisme affectif : croyance que l’amour sauve tout, que la patience finit toujours par payer, que la souffrance est la preuve d’un attachement profond.

Ces constantes décrivent un « terrain d’exposition ». Lorsque le contexte extérieur tient, que les ressources sociales et symboliques sont suffisantes, la faille reste close. Mais qu’un choc survienne : rupture, deuil, déménagement, crise professionnelle, maladie, et la fragilité réentr’ouvre la porte. C’est là que la personnalité perverse repère une opportunité.

Le choix de la victime : lecture des failles et des élans

Le pervers narcissique ne dispose d’aucun sixième sens, mais d’un talent d’observation : il saisit, dans les micro-indices, le décalage infime entre force apparente et doute intérieur. Ce qui l’attire est la disponibilité à donner : écoute, soutien, explications, justification. Là où d’autres poseraient immédiatement une limite, la future victime propose une seconde chance, puis une troisième.

Lui, avance, recule, calibre son discours. Il serre, desserre. Quand la réponse est conciliante, il pousse plus loin ; quand elle se s’oppose, il se ravise pour mieux revenir.

Moments de bascule : quand la porte s’entrouvre

Il n’existe pas de victime universelle, chaque histoire connaît des épisodes de porosité : fatigue accumulée, isolement progressif, désir d’être enfin reconnu dans sa singularité. Ces fenêtres de vulnérabilité coïncident souvent avec des périodes de transition. La perte d’un parent, la naissance d’un enfant, la fin d’un emploi, l’entrée dans un nouveau milieu professionnel ou social : autant de passages où les repères se réorganisent, où la soif de soutien grandit, où la vigilance s’abaisse.

Cette confiance passagère constitue l’instant charnière : si, à ce moment-là, une limite est posée, la dynamique toxique s’arrête. Si la porte reste entrouverte, le doute s’installe, la confusion s’étend, la dépendance s’organise.

Attraction ou conjoncture : le hasard organisé

Parler d’attirance comme d’une loi immuable entretient l’illusion d’un processus extérieur à soi. La réalité est plus complexe : un entrelacs de variables personnelles (traits de personnalité, croyances, blessures) et de facteurs contextuels. Le pervers narcissique s’introduit dans l’interstice précis où la demande inconsciente rencontre son « offre stratégique » : reconnaissance, intensité, promesse de réparation.

On peut expliquer ainsi pourquoi une personne, après plusieurs relations toxiques, peut connaître de longues années sans retomber dans l’emprise : la porte se referme, les ressources se renforcent, le seuil de tolérance au doute diminue. À l’inverse, celle qui n’a jamais croisé de manipulateur peut, à la faveur d’un moment de vie plus difficile, devenir alors une victime. Rien n’est figé, tout dépend de l’état du seuil de tolérance de ce moment.

Se demander « Est-ce que je les attire ? » revient à reconnaître la part active et modifiable de son propre psychisme. Réaliser que l’attirance n’est pas un sortilège, mais le produit d’une équation où entrent en jeu :

  • La fidélité à des valeurs (loyauté, empathie, idéal d’amour total) ;
  • La mémoire des manques (besoin d’être “choisi”, de prouver sa valeur) ;
  • La fluctuation des appuis (amis, famille, cadre social, estime de soi) ;
  • L’influence des circonstances (deuils, ruptures, transitions).

Reconnaître ces variables implique d’habiter à nouveau le seuil : savoir quand il s’ouvre, discerner quand il se fragilise, décider quand il se referme. Ce travail relève d’un accord renouvelé avec soi-même : droit à la limite, légitimité du doute, acceptation de la complexité sans sacrifice de la clarté.

Au fond, il existe bel et bien un profil de vulnérabilité, plus exactement un faisceau de dispositions, qui, allié à certaines conjonctures, rend l’emprise possible. Reconnaître ce profil c’est ouvrir la voie à une compréhension plus fine de ses dynamiques internes. La peur d’attirer cède alors la place au désir de comprendre : un passage nécessaire pour dénouer la honte, récupérer le fil de son histoire et reprendre, pas à pas, la maîtrise du point où tout commence ou pas.

Lorsque l’on cherche à soutenir et conseiller une personne qui a souffert psychologiquement, on veut faire de son mieux pour entretenir la relation de proximité. Ainsi, pour rester engagé dans l’échange de confidences, on peut rapidement tomber dans des phrases toutes faites, des lieux communs non réfléchis qui, finalement, peuvent s’avérer blessants sans le vouloir. Voici donc les 11 phrases à ne jamais dire à une victime de PN si vous souhaitez réellement la réconforter.

1.   “Pas toi ! Ça n’a pas pu t’arriver !”

Parmi les phrases à proscrire lorsque l’on s’adresse à la victime d’un pervers narcissique qui vous raconte son expérience, le fameux “Pas toi !” arrive sur le podium. Il est en général complété par “tu es si intelligente, si forte”. Outre le fait de marquer une certaine incrédulité culpabilisante de votre part, cette affirmation sous-entend qu’il existe un profil type de proie facile. Il est vrai que certains traits rassemblent effectivement certaines femmes ayant subi la manipulation sentimentale tels que la dépendance affective, le syndrome de l’infirmière, une empathie débordante, la générosité et l’indépendance financière. Il ne faut pas pour autant se montrer réducteur. Plus un MPN est malin, plus il aura plaisir à s’attaquer à des cibles représentant un défi. Ainsi, une femme bien dans sa vie, sa famille et son cercle professionnel et social sera particulièrement excitante pour un sadique. Personne n’est à l’abri du machiavélisme de certains. Affirmer que ça ne vous serait jamais arrivé à vous, par exemple, est extrêmement présomptueux et dangereux.

2.   “Pourquoi n’as-tu rien dit plus tôt ?”

Parvenir à parler ouvertement du fait d’avoir été manipulée par son conjoint ou un patron PN nécessite un cheminement jalonné de plusieurs étapes. Il y a d’abord le doute, puis la prise de conscience, suivis de la mise en action pour atteindre enfin la libération. Et encore, cela ne constitue que la première phase, celle de l’émancipation. Il y en a ensuite d’autres telles que le deuil, la reconstruction, etc. Bref, qu’est-ce que cette question pourrait bien apporter, à part ajouter à la culpabilité de la victime ? L’essentiel est qu’elle se sente suffisamment en confiance pour en parler. Il ne sert à rien de refaire le match.

3.   “La perversion narcissique, on en entend parler partout. Ce ne serait pas un effet de mode ?”

Depuis que des chercheurs de buzz ont semé le doute dans l’esprit de l’opinion publique en affirmant que la perversion narcissique n’existe pas, les victimes se voient de plus en plus déconsidérées, ce qui représente une double peine pour elles. Il faut savoir que la polémique ne porte que sur la terminologie. En aucun cas n’a été remis en cause le phénomène de manipulation sentimentale et ses effets destructeurs, parfois jusqu’au suicide forcé. Ne minimisez pas les dégâts psychologiques causés chez votre interlocutrice juste sur la base d’on-dit vaguement évoqués sur un plateau télé ou à la radio.

4.   “As-tu essayé d’arranger les choses, de lui parler ?”

Un pervers narcissique ne négocie pas, n’assume pas, ne guérit pas, ne consulte pas de psy (en tout cas pas sérieusement) et ne se remet jamais en question. C’est un malade incurable qui s’ignore. Lui parler ne sert strictement à rien. Ce serait un être humain ordinaire, ce conseil serait peut-être judicieux. Mais lorsque l’on a affaire à un prédateur dangereux, la seule solution est la fuite. Faire porter la responsabilité de chercher à arranger les choses à la victime d’un vampire émotionnel, c’est la pousser à retomber entre ses griffes. En outre, c’est précisément parce qu’elle pensait sincèrement prétendre à un avenir meilleur qu’elle est restée si longtemps sous emprise. Si elle est partie, c’est qu’il n’y avait plus rien d’autre à faire pour sauver son intégrité psychique et physique. Ne la faites pas douter de sa décision, car elle a certainement été très difficile à prendre et à mettre en œuvre.

5.   “Vous formiez un si beau couple, vous aviez l’air si amoureux”

Ne remuez pas le couteau dans la plaie en évoquant des souvenirs douloureux. Faire le deuil des bons moments passés avec un PN est l’une des phases les plus difficiles pour sortir de l’emprise toxique. De plus, si le manipulateur vous a paru amoureux, c’était une mascarade. Il a choisi de vous présenter ce spectacle dans le seul but de gagner la sympathie de l’entourage de sa victime. Cela lui a permis de la maltraiter en toute impunité. Et comme la réalité de ce qui se passait en huis clos était insupportable, votre interlocutrice a participé elle-même à cette mise en scène du couple ou de la famille parfaite. Somme toute, vous vous êtes fait berner, vous aussi.

6.   “Il me faudrait aussi sa version de l’histoire pour me faire un avis”

Il est de notoriété publique que les querelles de couple ne sont jamais le fait d’une seule personne. Ainsi, il est toujours délicat pour les amis des conjoints de prendre parti. Mais là encore, le MPN constitue une exception dans le déroulement normal des rapports interpersonnels. Si vous cherchez à entendre la version des faits d’un narcissique pathologique, vous allez vous faire rouler dans la farine à coup sûr. Vous avez affaire à un maître de l’illusion, à un orateur hors pair doué d’une intelligence sadique. Son esprit est trop tordu pour que vous puissiez mesurer votre raisonnement au sien. Ce n’est pas que vous êtes bête, c’est juste que vous êtes trop honnête pour ne pas tomber dans le panneau de son jeu d’acteur peaufiné depuis la plus tendre enfance. SI vous annoncez à votre confidente que vous allez parler avec son bourreau, vous allez provoquer chez elle un stress intense. D’une part, elle sait qu’il vous retournera le cerveau, et d’autre part, elle redoute que vous lui donniez sans le vouloir des informations à utiliser contre elle. Par conséquent, elle ne pourra plus se livrer à vous et perdra certainement un soutien important.

7.   “T’exagères pas un peu ? J’ai du mal à le reconnaître dans ce que tu décris. Il est si charmant d’habitude !”

Si vous connaissez le conjoint PN de votre interlocutrice, vous l’appréciez sûrement. Il a eu maintes occasions de vous sortir son numéro de charme. Son charisme, son humour, sa vivacité d’esprit vous a certainement subjugués. Eh bien au lieu de douter du portrait monstrueux que vous fait la personne qui l’a côtoyé au plus près, essayez plutôt de trouver les preuves qui corroborent ses dires. À bien y réfléchir, n’avait-il pas l’air un peu trop lisse et parfait ? Le langage corporel du PN ne provoquait-il pas des sentiments dissonants chez vous ? Attention à l’effet poudre aux yeux visant à masquer une vérité qui se trouve juste sous votre nez. C’est terrible à admettre, mais ça marche bien trop souvent !

8.   “Si c’était un tel enfer, tu n’avais qu’à partir !”

Dans le top des phrases à ne jamais dire à une victime de PN, celle-ci arrive probablement en tête. Évidemment, on devrait toujours remédier à une situation qui ne nous convient pas. Évidemment, il vaut mieux être seul que mal accompagné. Dans le cadre de la manipulation sentimentale, c’est bien plus facile à dire qu’à faire. Être en proie à l’emprise, c’est être intimement convaincu que l’on mérite un tel sort et que chercher à s’en échapper serait obligatoirement pire. Il se passe des choses à niveau neurologique qui dépassent la seule volonté. Un stress chronique installé depuis plusieurs années ne pourra pas être réglé du jour au lendemain. Votre amie est en voie de guérison, mais le chemin sera encore long et difficile. Prenez simplement en compte qu’elle a fait preuve d’un courage immense en vous parlant et que ses ressources psychiques sont proches de l’épuisement. La blâmer pour ce qu’elle a fait ou pas fait ne sert plus à rien.

9. “Un de perdu, dix de retrouvés”

La grande gagnante des phrases contre-productives pour réconforter une proie de PN, c’est le fameux lieu commun “1 de perdu, 10 de retrouvés” ou toute autre référence à la mer et aux poissons. Une personne qui sort de l’emprise sentimentale n’est absolument pas en mesure de se projeter dans une nouvelle histoire d’amour. Tout d’abord, elle est bien souvent en état de stress post-traumatique et cela nécessite une prise en charge thérapeutique. Ensuite, il est très hasardeux de suggérer à une victime de relation toxique qu’elle ira mieux si elle trouve un partenaire de remplacement. Elle doit s’occuper de sa santé mentale avant toute chose. Enfin, les liens de domination reposent grandement sur la culpabilité et la honte. Se trouver dans les bras d’un autre homme trop vite pourrait engendrer davantage d’anxiété et mener à une nouvelle déconvenue. De plus, la dimension addictive d’une relation de soumission doit passer par une sorte de phase de sevrage. Le PN envahit les pensées et les capacités de jugement de sa proie. Elle mettra probablement longtemps avant d’éliminer les traces des nombreuses effractions psychiques subies.

10. “Je te l’avais dit qu’il n’était pas bien pour toi”

Dans le genre “à quoi bon réécrire l’histoire ?”, quelle est l’utilité de dire à quelqu’un “je te l’avais dit” ? Cherchez-vous à regonfler votre ego ? Est là la priorité ? Si vous aviez vraiment prévenu votre amie du caractère délétère de cette relation, rassurez-vous : elle le sait très bien. Elle s’en veut sans doute d’ailleurs et espère même secrètement que vous ne sortirez pas cette phrase fatidique et terriblement accusatrice. Concentrez-vous plutôt sur le moment présent et votre rôle dans le besoin de réassurance de votre interlocutrice.

11. “Arrête de faire une fixette sur lui et passe à autre chose”

Être obnubilée par son bourreau, ça a été le quotidien de votre amie aussi longtemps que sa domination a duré. On ne peut pas arrêter de penser à ce qui a envahi notre esprit pendant une telle durée. Par contre, on peut commencer à le remplir de choses agréables et enrichissantes. Passer à autre chose, c’est un travail de longue haleine. Employez-vous plutôt à proposer des moments de bien-être à votre interlocutrice. Aidez-la à reprendre confiance en l’humanité et foi en l’avenir, pas à pas, en respectant son rythme et en la traitant avec la plus grande bienveillance.

Lorsqu’une personne affirme sans détour qu’elle a été sous la domination de son conjoint ou patron, la première chose à faire est de saluer son courage. Si vous souhaitez l’aider intelligemment, écoutez-la en tout premier lieu. Si elle sollicite vos conseils, veillez à ce que chacun d’entre eux soit constructif et bienveillant. Si vous ne vous sentez pas capable d’avoir des propos réconfortants, faites-le savoir et prêtez simplement votre oreille attentive. Mais en aucun cas, ne vous laissez tomber dans les clichés et les exclamations blessantes. Nous venons de vous livrer un florilège de phrases à ne jamais dire à une victime de PN pour vous permettre de l’aider véritablement à s’en sortir. Si vous en avez compris le principe et les effets néfastes, vous figurerez alors parmi les confidents de choix.