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Le management favorise-t-il la perversion au travail ?

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Burn-out et suicides en lien avec le travail ne sont malheureusement pas rares encore aujourd’hui, alors que dans le discours des dirigeants, la tendance est au management transversal et au bien-être professionnel. En parallèle, le phénomène des personnalités narcissiques perverses semble prendre de l’ampleur, y compris au sein des entreprises. Le management favorise-t-il la perversion au travail ? Notre société se berce-t-elle d’illusions en prônant la bienveillance managériale, tandis que les obligations de résultat et la pression hiérarchique sont fortement déplorées chez les travailleurs de tous niveaux ?

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Les manipulateurs pervers en entreprise

La performance, la productivité, les chiffres règnent en maîtres dans les sociétés de toutes tailles, encourageant une certaine déshumanisation de leurs forces vives. Nous savons que le but des personnalités présentant des troubles du narcissisme est justement la réification de leur proie. Le sujet devient ainsi objet, tout comme le travailleur est une ressource, bien plus qu’un individu. Le monde du travail est-il donc un terrain propice au besoin de domination des PN ?

Un environnement structurellement favorable

L’entreprise moderne offre au pervers narcissique un cadre idéal pour exercer son emprise. La hiérarchie lui fournit une légitimité institutionnelle pour dominer. Les objectifs de performance lui donnent des prétextes pour harceler. La compétition entre collègues lui permet de diviser pour régner. Et la culture du silence — “on ne critique pas son chef” — lui garantit l’impunité.

Plus encore, les qualités que l’entreprise valorise correspondent précisément au masque social du pervers narcissique : charisme, assurance, capacité à prendre des décisions rapides, absence apparente de doutes ou d’états d’âme. Ce que le monde professionnel perçoit comme du leadership n’est souvent que l’expression d’une pathologie narcissique.

Le profil type du PN en milieu professionnel

En entreprise, le pervers narcissique se distingue par plusieurs caractéristiques. Il est souvent brillant intellectuellement et sait mettre en avant ses réussites — qu’elles soient réelles ou usurpées. Il possède une capacité remarquable à identifier les jeux de pouvoir et à s’y positionner avantageusement. Il sait se rendre indispensable auprès de sa direction tout en terrorisant ses équipes.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le PN en entreprise n’est pas forcément le tyran visible et colérique. Il peut adopter un profil plus subtil : le manager “exigeant mais juste” qui pousse ses équipes “pour leur bien”, le collègue “tellement investi” qui récupère les idées des autres, ou encore le directeur “visionnaire” dont personne n’ose contester les décisions.

Se faire bien voir par ses collègues et supérieurs

La construction de relations humaines de tout ordre — amour, amitié, partenariat, collaboration — accompagne la rencontre d’une phase de séduction. Les manipulateurs pervers excellent en la matière. Acteurs hors pair, ils savent se faire apprécier instantanément. En bons communicants, ils jouent de leur humour et de leur charisme pour se faire remarquer et remporter les suffrages. Ils ont suffisamment de finesse d’esprit et d’observation pour repérer exactement ce que l’on attend d’eux et leur indéniable intelligence leur permet de servir cette version sur mesure de l’employé idéal sur un plateau.

Très peu connecté à ses émotions, un PN ne laisse pas transparaître d’états d’âme. Il donne l’image rassurante d’une personnalité agréable et stable. De plus son hypernarcissisme et son habileté à mentir le poussent très naturellement à mettre en avant d’extraordinaires compétences qui viennent parfaire le portrait de la perle rare.

Rapidement, le manipulateur réussit l’exploit de se faire apprécier de ses collègues et de gagner la confiance de ses supérieurs. Il n’a plus qu’à installer sa domination.

La stratégie du caméléon

Le pervers narcissique adapte son comportement à chaque interlocuteur avec une précision redoutable. Face à son supérieur, il est déférent, loyal, toujours prêt à rendre service. Face à ses pairs, il est jovial, complice, apparemment désintéressé. Face à ses subalternes — une fois le pouvoir acquis — il devient tout autre.

Cette capacité d’adaptation lui permet de construire des alliances stratégiques tout en repérant les failles de chacun. Il sait qui est en conflit avec qui, qui aspire à quelle promotion, qui traverse des difficultés personnelles. Toutes ces informations seront exploitées le moment venu.

Conquérir le pouvoir au travail

La soif de grandeur du PN lui fait gravir les échelons de la hiérarchie d’entreprise sans délai. Comme chez lui tout est stratégie et jeu machiavélique, il use de ses techniques manipulatoires comme il le ferait en amour ou avec ses enfants.

En feignant l’empathie, il amène habilement ses collègues à se confier sur leur vie privée, croyant voir en cette personne attentive et concernée un potentiel ami ou allié. En réalité, il agrège un maximum d’informations à réutiliser plus tard à des fins malsaines. Si, par exemple, une employée traverse une épreuve personnelle douloureuse, le manipulateur sadique s’arrangera pour le signaler à son directeur tout en induisant l’idée d’une baisse de performance ou de motivation de cette dernière, ce qui la fragilisera.

Diviser pour mieux régner

Au sein des équipes, il instille la discorde, appliquant brillamment la maxime : “diviser pour mieux régner”. Rumeurs, colportage, mise en compétition, appropriation d’idées et d’initiatives des autres, tout est fait pour semer la zizanie et en profiter pour se sortir du lot.

C’est en contribuant à instaurer une mauvaise ambiance dans les équipes et en se rapprochant subrepticement de son supérieur direct que le PN saura tirer son épingle du jeu. Il pourra alors proposer des solutions pour rétablir l’ordre perdu, avec de bonnes chances pour qu’on n’y voie que du feu.

L’art de s’attribuer le mérite des autres

Le pervers narcissique en entreprise excelle dans l’art de récupérer le travail d’autrui. Il repère les collaborateurs talentueux mais discrets, s’approprie leurs idées et les présente comme siennes à la direction. Si le stratagème est découvert, il inverse les rôles : c’est lui qui a eu l’idée, l’autre n’a fait que l’exécuter.

Cette stratégie lui permet de grimper rapidement sans avoir les compétences réelles correspondant à son poste — ce qui, paradoxalement, renforce sa dépendance à la manipulation pour maintenir l’illusion de sa valeur.

Maltraiter ses subalternes

Ça y est, le pervers narcissique est devenu manager d’équipe, son poste de prédilection. Il a désormais tout le loisir de jouer de son emprise sur ses subordonnés, parce que l’organisation de l’entreprise lui en offre les possibilités. Il va pouvoir s’en donner à cœur joie :

Souffler le chaud et le froid dans son attitude (tantôt agréable, tantôt exécrable), maintenant ses équipes dans un état d’hypervigilance permanent.

Asséner ses injonctions paradoxales (la fameuse double contrainte impossible à satisfaire) : “Soyez autonomes mais validez tout avec moi”, “Prenez des initiatives mais ne faites rien sans mon accord”.

Renier le ressenti de ses équipes : quiconque ne respecte pas les délais a un problème d’organisation, quiconque exprime une difficulté est incompétent.

Jouer sur la culpabilisation pour que l’employé se remette perpétuellement en question et perde confiance en ses capacités et compétences.

Dévaloriser le travail fourni, qui n’est jamais assez bien fait, jamais assez rapide, jamais conforme aux attentes — des attentes qui, d’ailleurs, n’ont jamais été clairement formulées.

Isoler certains travailleurs : la célèbre placardisation, pour la forme d’exclusion la plus extrême, mais aussi des formes plus subtiles comme l’exclusion des réunions importantes ou la rétention d’informations.

Les rendre dépendants de ses décisions : refus de congés, entrave à la promotion, blocage des augmentations, menaces voilées sur l’emploi.

Le pouvoir étendu du manager pervers

En accédant à l’autorité en entreprise, le PN obtient ainsi une forme de pouvoir sur la vie privée de ses employés. En effet, bousculer leurs projets de vacances ou les mettre en échec professionnel et les rendre profondément malheureux au travail aura forcément un impact au niveau personnel aussi.

Et quoi de plus jouissif pour une personnalité machiavélique que de savoir que ses actions ont des répercussions jusqu’aux sphères auxquelles il n’a pas accès directement ? Ce pouvoir étendu est permis par les attributions managériales. L’entreprise, sans le vouloir, lui a donné les clés pour détruire des vies.

Comment gérer un PN au travail ? 5 conseils pour se protéger

Si un comportement pervers narcissique est reconnu et subi au travail, il faut redoubler de prudence. En effet, n’oublions pas que les manipulateurs ont su à la fois séduire l’entourage utile, mais aussi dévaloriser la ou les victimes. Ainsi, une attaque directe pourrait sonner comme un acte gratuit et désespéré de quelqu’un d’émotionnellement déséquilibré.

La meilleure mesure à prendre avec un manager sadique et tyrannique serait de changer de travail ou du moins de poste, sans demander son reste et encore moins chercher à le confronter. Mais la réalité du marché de l’emploi rend rarement cette option suffisamment viable. Voici donc l’attitude à adopter face à un management pervers que l’on est contraint de supporter.

1. Garder des traces de tous les échanges

Doubler chaque conversation d’un email ou d’un rapport relatant les demandes et leur exécution. Même si les PN sont les rois de la mauvaise foi, il est toujours perturbant pour eux de se trouver forcés de répondre à des faits implacables. Conservez tous les emails, prenez des notes datées après chaque réunion, archivez les messages contradictoires. Ces traces seront précieuses en cas de procédure.

2. Travailler son assertivité

Formuler des demandes claires ou remonter des problèmes organisationnels ou communicationnels dès qu’ils se présentent est le meilleur moyen de juguler une situation où l’on se trouve submergé et en perte totale de contrôle. L’assertivité, c’est affirmer ses besoins sans agressivité mais sans soumission non plus.

3. Protéger sa vie privée

Dites-en le moins possible sur votre situation personnelle et vos projets, quels qu’ils soient. Maintenez la relation strictement professionnelle et coupez vos systèmes de communication avec le travail dès que vous êtes en dehors de vos horaires ou du lieu d’exercice. Chaque information personnelle est une arme potentielle entre ses mains.

4. Parler aux représentants du personnel ou aux syndicats

Afin de bénéficier des conseils et du soutien des personnes chargées de la protection des salariés en cas de dégénérescence de la situation, expliquez votre cas au plus tôt. Ces interlocuteurs connaissent souvent d’autres victimes du même manager et peuvent vous aider à constituer un dossier collectif.

5. Solliciter un entretien avec votre DRH ou votre N+2

L’activité des managers doit être régulée et contrôlée par le DRH ou le supérieur du service concerné. Faites part de vos difficultés relationnelles avec votre manager en veillant à vous présenter dans une attitude positive et constructive, concernée par le sort de l’entreprise. Il ne faut pas que le rendez-vous se transforme en bureau des plaintes. Montrez que votre démarche est saine et vise une amélioration des conditions de travail.

Les erreurs à éviter

Dans tous les cas, ne cherchez pas à confronter le manager pervers. Cela vous exposerait à une tentative de renversement de situation qui vous rendrait potentiellement encore plus confus.

Évitez de blâmer d’entrée de jeu votre manager pervers qui aura très certainement préparé le terrain pour vous présenter comme quelqu’un d’ingérable. Un patron ne se mettra jamais en porte-à-faux en avouant que son choix de manager était erroné.

Ne vous privez pas de l’accompagnement d’un psychologue pour vous guider dans cette démarche délicate dans laquelle votre emploi est en jeu, tout comme votre situation financière.

Le cadre juridique : harcèlement moral au travail

Le harcèlement moral au travail est défini et sanctionné par le Code du travail (article L1152-1) et le Code pénal (article 222-33-2). Il se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Les sanctions encourues

L’auteur de harcèlement moral encourt jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. L’employeur qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser le harcèlement peut également être condamné. La victime peut obtenir des dommages et intérêts et, si elle a été licenciée suite au harcèlement, faire annuler son licenciement.

Constituer un dossier

Pour faire reconnaître le harcèlement, il est essentiel de rassembler des preuves : emails, témoignages de collègues, certificats médicaux attestant de la dégradation de l’état de santé, notes personnelles datées relatant les faits. Le médecin du travail peut également jouer un rôle crucial en alertant sur la situation.

Conclusion : repenser le management pour prévenir la perversion

Il n’est pas étonnant d’entendre régulièrement parler d’abus d’autorité et de harcèlement moral en entreprise, menant parfois à des conséquences tragiques. Le management favorise-t-il la perversion au travail ? Pour ce qui est de l’organisation verticale avec un chef et des subalternes, certainement.

Mais le management horizontal et les initiatives de prévention des risques psychosociaux vont dans le bon sens. Une chose est sûre : les patrons d’entreprises redoutent de plus en plus d’être réprimandés pour de mauvaises conditions de travail dont ils sont tenus responsables. C’est forts de cet état de fait que les employés maltraités sont de plus en plus enclins à mettre en lumière les problèmes rencontrés dans le cadre de leurs activités.

La solution passe par une prise de conscience collective : les qualités qui font un bon manager ne sont pas celles que valorise le pervers narcissique. L’écoute, l’humilité, la capacité à reconnaître ses erreurs, le souci authentique du bien-être de ses équipes — voilà ce qui devrait guider le recrutement et la promotion des cadres.

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