Certaines relations ne laissent pas simplement des souvenirs douloureux. Elles marquent l’appareil psychique en profondeur. Chez les victimes de pervers narcissiques, l’exposition prolongée à la violence émotionnelle, à la manipulation et à l’emprise génère, dans de nombreux cas, un traumatisme complexe.
Le traumatisme psychique ne se définit pas par la nature de l’événement, mais par l’impact qu’il produit. Il apparaît lorsque la charge émotionnelle excède la capacité de la personne à la traiter. Le psychisme ne parvient ni à symboliser, ni à digérer. Il encaisse, se fige, ou se dissocie. Il tente de se protéger, parfois au prix d’une rupture avec le réel.
Ce type de sidération affecte les fonctions mentales : mémoire, humeur, attention, repères temporels. La pensée devient morcelée. L’émotion ne circule plus. Elle encombre. Le sujet peut se retrouver dans un état de confusion persistante, parfois sans parvenir à relier ce qu’il vit à ce qu’il a subi.
La répétition, l’ambiguïté du lien, la durée, l’isolement émotionnel renforcent encore le potentiel traumatique de la relation. Il ne s’agit pas d’un effondrement brutal, mais d’un processus d’érosion. Progressif. Silencieux. Mais ravageur.
Le traumatisme des relations toxiques
Les relations toxiques avec un pervers narcissique constituent en soi, un véritable traumatisme. Bien que l’expérience de chacun face au traumatisme soit unique et individuelle, les répercussions et les conséquences sont nombreuses chez les victimes des manipulateurs pervers.
Lors d’une relation avec un pervers narcissique, la victime est assaillie de tous les côtés. Assaillie sans repos, par une violence psychique et psychologique terrifiante. Les mensonges, les critiques, les reproches, la haine, la culpabilité, le doute et parfois les agressions physiques.
Le pervers narcissique dépasse toutes les limites. Par l’emprise, il parvient à rentrer dans l’esprit de sa victime dans l’impunité la plus totale, avec perte et fracas. Il n’a aucune morale, aucune empathie et encore moins de limite : le pervers narcissique est un individu pathologique.
On peut alors parler d’une réelle effraction psychique, marquant la victime au fer rouge. Le doute et la confusion s’installent, renforcés par la manipulation continue et perverse du manipulateur narcissique.
La victime est en hypervigilance, à l’affût du moindre signe d’agressivité ou de violence. Le pervers narcissique mobilise peu à peu toute l’énergie de la victime dans une seule direction : lui-même.
Nous l’avons précisé plus haut, un trauma est la résultante d’un événement ponctuel ou d’une suite d’événements dont la durée, l’exposition, l’impact ou encore la répétition font traumatisme et écho dans le psychisme de la victime.
Aussi, l’omniprésence psychique que le pervers narcissique parvient à créer puis instaurer chez sa victime est effrayante. Même loin du pervers narcissique, ou alors que les ponts ont été coupés, la victime fait face à un immense souvenir, omniprésent et aliénant.
La dissociation : quand on décroche pour ne plus ressentir
Parfois, c’est trop. Trop de violence, trop d’attaques, trop de tension accumulée. Alors l’esprit décroche. Il se met en mode survie. C’est ce qu’on appelle la dissociation. Ce moment étrange où l’on continue de parler, de vivre, d’agir… mais sans vraiment être là. Comme si on regardait sa vie depuis l’extérieur. On devient spectateur de soi-même, presque détaché. Ce n’est pas de la folie. C’est un réflexe de protection. L’esprit se met à distance pour ne pas s’effondrer. Il fait ce qu’il peut, avec ce qu’il a, pour continuer d’avancer, malgré tout.
L’effacement de soi : quand il ne reste plus rien
Et pendant ce temps, quelque chose d’encore plus insidieux se produit : on se perd. Lentement. Silencieusement. Sans même s’en rendre compte. Ce qu’on aimait, ce qu’on pensait, ce qui faisait notre singularité… tout s’efface. Le pervers narcissique a un talent cruel : il ronge l’intérieur. Il déforme, il conteste, il détruit ce qui fait qu’on se sent vivant. Et un jour, ne sait plus qui on est. On doute de tout. Même de ce qu’on ressent. On vit sous influence. Il a pris toute la place.
Et après ?
Quand on a été traversé de part en part par une telle violence, il faut du temps. Beaucoup de temps. Et souvent, ce n’est pas l’après qui est le plus difficile. C’est l’entre-deux. Ce moment flou où l’on comprend ce qu’on a vécu, mais où l’on ne sait pas encore comment se retrouver. Mais il y a une chose essentielle : nommer. Nommer le traumatisme, la douleur, la perte de soi. Parce que ce qu’on ne dit pas continue d’agir, en silence.
Ce que la victime d’un pervers narcissique traverse est une blessure profonde. C’est le résultat d’un choc psychique, répété, insidieux, dévastateur. Et tant qu’on continue de minimiser, tant qu’on nie l’ampleur de cette souffrance, elle s’enracine. Alors non, ce n’est pas juste une mauvaise relation. C’est un traumatisme. Et le reconnaître, c’est déjà commencer à le réparer. Lentement, mais sûrement.