Genèse d’une emprise : six ans dans l’ombre
Nous sommes le 6 février 2019. Je ne le sais pas encore, mais c’est le début d’une emprise qui se tisse insidieusement autour de moi. Il apparaît, grand, mince, dissimulé derrière des lunettes de soleil. À mes yeux, il est beau. Son approche est une séduction enivrante, un rêve parfait qui se transforme rapidement en cauchemar. Les premiers signaux d’alarme clignotent déjà.
Il n’en a rien à faire de moi. Il s’installe devant l’écran, se programme un film, s’assurant de ma présence sans même me regarder. S’éclipser avec son téléphone devient plus important, une communication non verbale de son désintérêt qui me fait me sentir insignifiante. C’est un grand menteur qui répète les mêmes choses des milliers de fois. Il s’agit d’accaparer mon attention, de me manipuler, de me bombarder la tête avec ses problèmes, une avalanche de mots toxiques qui me met mal à l’aise, me blesse, me laisse honteuse et humiliée.
Pendant six années, j’assume une part importante des dépenses du foyer. Je paie notre nourriture, celle des chiens ainsi que les frais vétérinaires, l’entretien de la voiture : le contrôle technique, les plaquettes de freins, l’essence, et je participe également aux charges incompressibles comme l’eau, l’EDF et les poubelles lorsqu’il est en difficulté. Pendant ces six années, je subviens également à ses besoins vestimentaires, car il ne perçoit que le RSA et l’APL. Une fois le loyer et les diverses assurances réglés, son argent est consacré à l’achat de canettes et de tabac. Plus tard, je découvre qu’il profite de mes absences pour s’acheter des vêtements de femme en vinyle et se travestir. J’achète aussi de l’électroménager et du linge de toilette pour son domicile. Il y a un an, je participe financièrement à son déménagement, contribuant à l’achat de meubles et continuant d’assumer les dépenses, comme je l’ai toujours fait. Lorsqu’il hérite en février, il refuse de me rembourser une grande partie des sommes dues. Tout cela illustre bien la manipulation et la dépendance financière de ces personnalités, toujours demandeuses de plus. Aujourd’hui, 11 mai 2025, il m’annonce que notre relation n’a duré que six mois. Je comprends maintenant : son intérêt pour mon argent l’a poussé à me garder, et son héritage récent a entraîné mon rejet après six années.
Sa jalousie est maladive. Il se montre suspicieux envers les hommes qui passent devant la maison, persuadé qu’ils viennent pour moi, alors que je ne les connais même pas. Face à ses colères violentes et injustifiées, je finis par refuser de me promener avec lui pour éviter toute rencontre. Il m’en veut énormément pour ce refus, ce qui instaure un climat de tension et de culpabilité. Cette jalousie possessive s’étend même à ma vie passée : il y a trois ans, il appelle ma sœur pour obtenir les coordonnées téléphoniques de mon ex-compagnon, une intrusion inacceptable dans ma sphère privée. Aujourd’hui encore, je subis le silence qu’il impose par téléphone à nos contacts communs, une forme d’isolement et de contrôle à distance.
La communication prend des formes détournées, révélant déjà ses tactiques manipulatoires. Le non-verbal parle autant, sinon plus, que les mots, exprimant un désintérêt et un rejet silencieux, une manière de me signifier mon insignifiance à ses yeux. Les sujets de conversation sont constamment déviés, une technique classique de déstabilisation visant à me désorienter et à m’empêcher d’aborder les problèmes réels. Des idées incohérentes sont lancées, capturant mon attention de manière confuse, me laissant perplexe et incertaine. Au milieu d’une phrase, il s’éclipse, me laissant avec un profond sentiment de sidération. Changer de sujet en pleine discussion est une tactique courante pour éviter toute confrontation et maintenir le contrôle de l’échange.
Une obsession de toujours avoir raison transparaît, une tentative d’accaparer toute mon attention et d’invalider ma propre perception. La colère explose pour un oui ou pour un non, révélant une intolérance viscérale à la contradiction. Même pendant les repas, moments de partage normalement, son esprit semble ailleurs, mangeant machinalement, sans intérêt, une forme d’humiliation silencieuse qui me rabaisse et me fait sentir invisible.
Cependant, au début de notre relation, il a deux chiens, et malgré les aspects de sa personnalité que j’identifie comme relevant d’un trouble narcissique, il se montre être un maître remarquable pour ses animaux. Cette dualité est déroutante, car elle illustre la complexité de ces personnalités, capables de montrer de l’affection et de la responsabilité dans certains domaines tout en infligeant des souffrances dans d’autres.
Révélation et effondrement
C’est lors d’un moment anodin, alors que je visionne un film, qu’un flash sur ma messagerie met brutalement en lumière une réalité insoupçonnée. Un message d’un pirate du net, se présentant comme sa maîtresse, me révèle la double vie de mon compagnon : il se travestit en femme pour devenir sa «chienne» dans un contexte BDSM et de soumission. Confrontée à cette révélation et aux photos de lui travesti que je découvre, il se voit contraint de s’expliquer, accusant sa famille et évoquant son enfance. J’apprends qu’il se travestit et pratique le S/M depuis l’âge de ses dix ans, qu’il fume depuis ses onze ans et boit depuis ses quinze ans, il joue occasionnellement.
La découverte prend une tournure encore plus personnelle et troublante lorsque je réalise qu’il se travestit en mon absence, s’habillant avec l’une de mes robes. Les photos le montrent devant le miroir, la robe remontée à la taille, portant un de mes slips. Cette appropriation de mes vêtements, de mon intimité, ajoute une dimension de violation et de transgression à la trahison initiale.
Chaque étape, chaque comportement que je décris, y compris cette dissimulation de sa sexualité et cette appropriation de mon intimité, tisse la toile complexe de la manipulation, transformant la rencontre idyllique du début en une lente et douloureuse prise de conscience de la réalité toxique de cette relation. La découverte de sa vie cachée et de cette violation de mon espace personnel est un choc immense, une trahison profonde qui met en lumière l’étendue de la distance entre l’image qu’il projetait et sa véritable identité. Ces signaux précoces de communication défaillante et de contrôle aboutissent finalement à cette révélation stupéfiante, brisant l’illusion et me confrontant à la vérité de la manipulation que je subis.
Rejet et remplacement : la chute du masque
Face à sa décision de rompre et de mettre fin à notre relation si je ne participe pas à sa sexualité sado-maso, je m’éclipse. Je sais que c’est le début d’un chemin difficile, mais essentiel, vers la guérison et la reconstruction de mon estime de moi, mise à mal par des années d’emprise insidieuse. Paradoxalement, devant son dynamisme soudain et sa façon insistante de me demander de rester chez moi, il m’écrit qu’il m’a remplacée et qu’ils se sont débarrassés de mes affaires.
Le masque tombe avec une violence inouïe, dépouillant la relation de toute illusion. D’un unique sms, la fin est signifiée : il a fait une “nouvelle connaissance”, puis, dans la même phrase, il annonce avoir “une nouvelle compagne”. Pas de regret, pas d’explication, juste la confirmation glaçante de mon remplacement, assortie d’une avalanche de mots qui s’abattent sur moi comme des coups. Il m’invective de manière agressive, m’accusant faussement d’avoir “voulu du fric” alors que je réclame une somme due, et me somme de ne plus l’importuner. La menace est explicite : il changera de numéro de téléphone si je persiste à le “déranger”.
Chaque phrase de ce message est une flèche empoisonnée. Cette tentative de me rabaisser et de me faire passer pour une profiteuse ne fait que confirmer l’évidence : j’ai été utilisée, rabaissée à un simple moyen pour ses fins. La froideur de me jeter ainsi après six années de dévouement est une violence qui dépasse l’entendement. Sa menace de rompre tout contact, si je continue de “l’importuner”, scelle sa volonté farouche de couper les ponts et de me nier toute existence dans son futur.
Malgré tout, et c’est le paradoxe de l’emprise, je souffre plus que de raison. L’utilisation n’empêche pas la douleur, elle l’amplifie. La souffrance est là, lancinante, une blessure béante qui refuse de se refermer. Et par-dessus cette déchirure s’ajoute une autre cruauté : il a la garde de mon petit chien. Mon cœur est serré par son absence. Il ne m’envoie plus de photos, alors qu’il l’avait pourtant “promis” dans ce même message, comme une concession cruelle et conditionnelle. C’est un acte de privation supplémentaire, une façon de me couper de ce dernier lien affectif, de me rappeler son pouvoir et son indifférence.
Épilogue : La libération
Mon récit est un cri d’alarme, un message pour toutes celles et tous ceux qui se sentent piégés. L’emprise est un poison, une séduction perverse qui nous fait nous sentir aimés alors que nous sommes utilisés. Nul n’est à l’abri, mais l’emprise n’est pas une fatalité. Après plusieurs mois de souffrances, le “no-contact” initié il y a trois semaines est l’élément déclencheur de ma libération. Ma foi, le soutien d’un proche et le fait d’avoir arrêté les antidépresseurs sont les preuves que je revis. Bien sûr, il peut encore essayer de me contacter par courrier postal, mais je ne le crains plus. J’ai bloqué sa famille et nos amis communs, car aujourd’hui, ma priorité n’est plus de me battre, mais de me reconstruire, un jour à la fois.
Je me reconstruis, pour moi et pour tous ceux qui, comme moi, se sont perdus. Je sais que la lumière existe au bout du chemin, et je la trouve chaque jour.
Je suis libre.
Michèle.