Témoignage d’Ana : Sortir de l’emprise d’un pervers narcissique
Bonjour,
J’ai vécu sous l’emprise d’un pervers narcissique pendant plus de 21 ans, un homme qui a été mon époux et le père de mes trois enfants. Aujourd’hui, après avoir traversé des moments de grande souffrance et porté plainte auprès du procureur de Créteil, je suis en instance de divorce. Ce chemin de séparation a été long et difficile, mais aujourd’hui, j’entame lentement ma reconstruction. C’est un processus ardu, fragile, qui demande du temps, mais chaque jour je regagne un peu de cette force intérieure qui m’avait tant manquée.
Durant ces années, j’ai subi des périodes de dépression profonde, souvent alimentées par des doutes qui m’envahissaient quant à mes capacités. Après avoir été rabaissée si longtemps, il est difficile de croire en soi, et je me demandais souvent si j’étais vraiment capable de m’en sortir seule. Je doutais de ma force morale, de ma capacité à gérer mes émotions, et surtout de ma possibilité de me reconstruire financièrement. C’est cette crainte de ne jamais pouvoir m’en sortir qui m’a longtemps retenue auprès de lui, mais il m’a fallu ces années pour réaliser qu’il n’était pas ma seule issue.
De notre union sont nés trois enfants, et c’est avant tout pour eux que j’ai décidé de reprendre ma vie en main. Je veux leur offrir un modèle de courage, de force et de résilience. Depuis que j’ai commencé ce processus de libération, j’essaie d’avoir des relations apaisées avec leur père. Je fais tout pour maintenir une forme de cohésion dans nos échanges, parce que je sais combien les enfants souffrent des conflits parentaux. Ils ne doivent pas porter le poids de cette rupture, et même si cela m’est très difficile, je tente de préserver une communication calme pour leur bien-être.
La période de thérapie que j’ai entamée avec un psychiatre a été cruciale dans mon parcours. J’ai suivi une psychothérapie qui m’a permis de mieux comprendre les mécanismes de la manipulation et de l’emprise. Mon thérapeute m’a aidée à identifier les stratégies de mon ex-mari pour reprendre le contrôle, et aujourd’hui, je reconnais plus facilement quand il essaie de me manipuler. Je sais désormais qu’il joue sur les mêmes ressorts psychologiques, cherchant à réveiller en moi cette culpabilité qui m’a rongée pendant tant d’années. Grâce à cette aide, j’ai appris à mettre de la distance entre lui et moi. Cependant, malgré tout le chemin parcouru, cela reste difficile. Lorsqu’il devient virulent, ses mots et son ton me ramènent parfois en arrière, me rappelant des souvenirs douloureux et paralysants.
Il m’arrive encore, par moments, de douter de moi-même, de lui accorder le bénéfice du doute, de croire en sa bonne foi. Il sait trouver les mots qui appuient sur mes blessures, et parfois, je me surprends à penser que tout ce que j’ai vécu avec lui est peut-être ma faute. Pendant des années, il m’a convaincue que j’étais la cause de ses comportements, que mes défauts et mes faiblesses l’avaient poussé à agir ainsi. Ces pensées ont laissé des traces, et même si j’essaie de me défaire de cette culpabilité, elle resurgit encore parfois. C’est un travail de chaque instant de rappeler à mon esprit que je n’étais pas coupable, mais victime.
Lorsque le doute m’envahit, je me remémore les souvenirs de ce qui a été l’une des périodes les plus noires de ma vie. Ce retour en arrière est douloureux, mais nécessaire pour me rappeler la réalité de la situation. Je me souviens des journées de dénigrement, des moments où il me rabaissait, où chaque mot, chaque regard de sa part semblait conçu pour me détruire un peu plus. Je me rappelle également les mensonges, ses excuses faussement sincères après chaque acte de violence verbale ou physique. Il revenait souvent vers moi avec des « regrets », des promesses de changement, et je finissais par lui pardonner, espérant toujours que cette fois serait la dernière. C’est ce cycle de regrets et de rémissions qui m’a piégée, qui m’a fait passer l’éponge bien plus de fois que je ne l’aurais dû. Chaque fois que je lui pardonnais, je m’effaçais un peu plus, perdant petit à petit mon estime de moi.
Je pense souvent aux moments où j’aurais pu réagir, où j’aurais pu écouter cette petite voix intérieure qui me disait que quelque chose n’allait pas. Si j’avais su alors ce que je sais maintenant, si j’avais pu comprendre les signes, peut-être aurais-je pu éviter une partie de cette souffrance. Mais l’emprise psychologique est insidieuse, et elle se renforce avec le temps, rendant l’évasion de plus en plus difficile. En accumulant les humiliations et en érodant mon amour-propre, il m’a rendue dépendante de lui, presque incapable de concevoir une vie sans lui.
Ce long parcours a laissé des séquelles, et pas seulement émotionnelles. J’ai payé de ma santé les années passées sous son emprise. Par deux fois, j’ai été hospitalisée. La première fois, c’était pour une embolie pulmonaire. Mon corps, affaibli par le stress et la tension permanente, a fini par craquer. Dix mois plus tard, j’ai été hospitalisée une seconde fois, cette fois pour une pancréatite aiguë. Ces deux épisodes ont bien failli mettre un terme à ma vie. À ce moment-là, j’ai compris que rester avec lui ne mettait pas seulement en danger ma santé mentale, mais aussi ma santé physique, voire ma vie. Ce fut un choc, et une prise de conscience qui m’a poussée à envisager sérieusement la séparation.
Je regrette souvent de n’avoir pas été plus attentive aux signes de violence, de ne pas avoir réagi dès les premiers moments où il me dénigrait ou me rabaissait. Les regrets et les fausses promesses qu’il me faisait, je les ai pris pour argent comptant bien trop longtemps, espérant toujours que cette fois, il serait sincère, que cette fois il changerait vraiment. Mais ces regrets n’étaient qu’une autre manipulation, une façon de me faire rester, de me rendre plus dépendante. Avec le recul, je me rends compte que chaque fois que je lui pardonnais, je m’abandonnais un peu plus, perdant une partie de moi-même. C’est un sentiment difficile à accepter, car il est teinté de culpabilité et de colère envers moi-même.
Aujourd’hui, je suis en train de reconstruire ma vie avec mes enfants. Il est difficile de tourner la page sur tant d’années de souffrance, mais je sens qu’une nouvelle vie est en train de naître. La page se tourne lentement, et je garde l’espoir que l’avenir me réserve des jours meilleurs, loin de l’emprise de cet homme qui m’a tant blessée. Il y a encore des jours sombres, des jours où les souvenirs remontent à la surface, mais je me raccroche à chaque petite victoire, à chaque pas de plus vers la liberté et la paix intérieure.
Je voudrais dire à toutes les personnes qui, comme moi, vivent ou ont vécu sous l’emprise d’un pervers narcissique, qu’il est possible de s’en sortir. C’est un chemin long, difficile, qui demande une immense force et beaucoup de courage. On ne sort pas indemne de ce genre de relation, mais on peut en sortir plus fort, plus conscient de sa propre valeur. Je ne suis pas encore totalement reconstruite, mais chaque jour, je m’efforce d’aller de l’avant. La route est encore longue, mais j’avance, un pas après l’autre, pour moi et pour mes enfants.
Merci de m’avoir lue.
Bien cordialement,
Ana