JANE

Pour comprendre ces phrases

il faut remonter quelques années en arrière, treize ans exactement.
Étudiante en droit, ma nouvelle vie de fille indépendante me convenait parfaitement. J’adorais mes nouveaux amis et je cumulais avec brio mes petits boulots avec mes heures de fac. Je gardais évidemment comme tout étudiant qui se respecte des heures pour les sorties nocturnes. Je découvrais les joies des pubs, des boites de nuit et même si les réveils étaient difficiles, nous avions besoin de ces échappatoires.
Un soir de sortie, je remarquai un jeune homme qui me regardait de manière insistante. Il s’amusait à me taquiner pour attirer mon regard.

Chose réussie !

Quelques heures plus tard , nous savourions un cocktail ensemble et je me surprenais à me confier rapidement à lui. Il avait quelque chose qui m’inspirait confiance.
Cet homme là s’est vite rendu indispensable. Sans permis ni voiture à l’époque, il m’amenait au travail, il me rendait quelques services. Il est rapidement devenu quelqu’un d’essentiel dans ma vie de tous les jours. Il était partout et savait parfaitement anticiper mes désirs. J’étais étonnée de le retrouver partout où j’allais (hasard?!).

Très peu attirant physiquement

Je ne l’ai considéré au début que comme un simple ami. J’ai d’ailleurs rencontré plusieurs de ses conquêtes, j’étais sa confidente.
Et puis, tout est allé très vite. Le premier baiser, l’arrêt de mes études, l’emménagement chez lui.
Mes proches ne comprenaient pas ce revirement de situation et moi non plus d’ailleurs. J’étais totalement accro à cet homme là, je ne pouvais faire sans lui alors que dotée d’un très fort caractère, j’étais de nature indépendante.
Cet homme m’a d’abord intriguée. Il semblait fragile derrière ses allures de gros dur, quelque chose était brisé en lui et j’avais envie de le guérir. J’étais une femme intelligente avec une joie de vivre débordante et une soif d’apprendre et de communiquer aux autres. J’allais réussir à le transformer c’est sûr !
Nous vivions des moments uniques. Tout était fluide. Il me couvrait de cadeaux. Il se confiait et je me confiais à mon tour. Il me présenta sa famille qui m’accueillit à bras ouverts. Je ne pouvais plus faire sans lui. L’amour me donnait des ailes et quand il était absent, je me sentais dévastée. Je ne voulais plus sortir qu’avec lui et je laissais mes amis de côté. Je délaissais ma famille, je les appelais moins de peur qu’ils ne comprennent pas cet engouement soudain pour un inconnu. D’autant plus que j’avais arrêté mes études et pour mon père surtout cela était inconcevable. Une vie entière à faire des concessions pour pouvoir payer les études de sa fille, quel gâchis …!

Je ne savais même pas moi même pourquoi je décidai soudainement d’abandonner toutes ces années d’étude. Je compris plus tard que j’étais en train de subir un lavage de cerveau.

Il me répétait sans arrêt les mêmes phrases tel un gourou :

Tiens, je t’ai acheté cela car je sais que tu ne travailles pas
Les courses c’est bien mais ça coûte cher une femme à la maison
Je suis le seul à travailler donc on ne peut pas tout se payer tout le temps

C’était toujours lancé sur un ton doux et gentil et c’est donc tout naturellement que j’ai décidé de me lancer dans la vie active mais sans bagage aucun.
Je continuais à être persuadée que notre couple était idéal. Il m’envoyait des poèmes, me mettait sur un piédestal et j’adorais sa jalousie. Il avait selon lui eu le coup de foudre pour moi donc sa jalousie me flattait et me rendait importante. Personnellement, je n’ai jamais été réellement jalouse.

Je partais du principe ou un couple devait se fonder sur la confiance. Cela le dérangeait, il me disait parfois m’aimer plus que moi je ne l’aimais. Il prenait un malin plaisir à tenter de me rendre jalouse mais ses efforts étaient vain jusqu’au soir ou je ne le verrais plus jamais du même œil.
Comme tous les samedis soirs nous nous retrouvions avec ses amis dans une même discothèque. Il était 3h du matin, la fête battait son plein, tout le monde dansait sauf moi. Fatiguée ce soir là, j’étais assise avec mon verre de soda, je regardais notre petit groupe s’amuser. Une femme belle, élancée, charmeuse s’approche de lui, il me surveille du coin de l’œil avec un air narquois presque sadique et là je bouillonne. Elle se frotte à lui, il ne dit rien. Pire, il se colle derrière elle et se met à danser de manière très sexy. Comme si toute cette scène était calculée. Je laisse faire puis décide d’intervenir mais à distance. Je lui fais signe en le menaçant de s’arrêter. Là il s’arrête en effet et commence à devenir agressif envers tout le monde. Je ne me laisse pas faire, je demande des explications à mon tour et nous décidons de rentrer. Pas un mot sur la route, pas un mot en rentrant et pas un mot pendant TROIS jours …

C’était sa façon de me punir parce que je m’étais rebellée. Je me suis remise en question en me disant qu’il fallait que je fasse des efforts, que j’étais trop impulsive sûrement. Je m’en voulais à moi même alors que l’erreur venait de lui.
Il était trop tard, le processus d’emprise psychologique avait démarré. En me «punissant», il avait fait comprendre qui était le chef et surtout qu’il ne fallait pas le contredire ou le contrarier. Être comme emprisonnée pendant tous ces jours sans un mot, sans un geste, sans un regard, croyez moi je n’avais plus envie de recommencer. Il fallait que j’apprenne à me taire et à prendre sur moi sinon j’allais le remettre en colère.
Tout s’est apaisé. Ce genre de scène n’a plus jamais eu lieu. J’avais trouvé un travail, nous avions notre appartement, tout allait pour le mieux. Au bout d’un an à peine de vie commune, j’apprends ma grossesse. J’ai très peur mais lui est aux anges et c’est une occasion rêvée pour bannir définitivement mes parents de sa vie. Il savait pertinemment qu’à cette annonce, mes parents seraient dévastés. Je me retrouvai seule contre tous. Un compagnon qui s’éloignait du prince charmant, des parents qui coupaient les ponts, des amis inexistants, un futur rôle de mère à assumer.

J’étais prise au piège.

C’est pendant la grossesse que monsieur a commencé à montrer son vrai visage. J’étais très fatiguée en début de grossesse et consacrait tous mes temps de pause à la sieste et au grignotage. J’étais régulièrement insultée de «grosse feignasse» et ses colères s’enchaînaient pour des broutilles le plus souvent. Je me souviens d’une de ses crises car la maison était trop bien rangée et il avait trouvé cela bizarre que ses chaussons soient à telle place au lieu de la place habituelle. Et puis mes cheveux ébouriffés ne présageaient rien de bon pour lui. Un amant était sûrement venu cet après-midi là, le père de mon enfant peut être ?

Tous ses comportements me troublaient mais je culpabilisais tout de même car pour moi, si je me comportais mieux, il n’aurait pas besoin de se mettre en colère. La meilleure solution que j’avais trouvé c’était celle de m’effacer. Je me moulais à sa façon. Pas un mot plus haut que l’autre. Pas de conflit. Je m’éteignais petit à petit. Très simple lorsque l’on a comme amis que les siens et comme famille proche, la sienne. Dans un tel contexte, la faute venait forcément de la pièce rapportée.
Après neuf long mois de tension, nous arrivons à quelques jours de l’accouchement. Il continue dans sa lancée c’est à dire qu’il ne fait strictement rien. C’est une amie qui m’amène pour mes visites à l’hôpital et c’est moi qui range tous les cartons car nous venons de déménager.

Lorsque ma mère arrive pour l’accouchement, le visage de mon compagnon change totalement. Ses traits de visage se sont radoucis, il recommence à être aimant, serviable et surtout irréprochable. Je fais semblant de rien devant ma mère, je reste forte et j’essaye de me convaincre que cela n’était qu’un mauvais passage. Devenir père c’est une étape et il donnait son maximum au travail pour que tout soit parfait à la naissance. Je voulais absolument que ma mère garde de lui cette image d’homme parfait. Encore une fois, je faisais taire mes émotions et je laissais ce vampire me sucer toute mon énergie et ma joie de vivre.
Pour mon plus grand bonheur et après des heures de travail, ma fille vient enfin au monde. A l’entendre, comme à son habitude, on pourrait croire que c’est lui qui a souffert pendant des heures.

Lui, lui et encore lui, c’était la seule chose qui comptait.

SA souffrance, SA peur, SON bonheur…
Ma vie change radicalement. J’entretiens une vraie relation fusionnelle avec ma fille. Je me réfugie dans mon rôle de mère, c’est ce que je savais faire de mieux même si parfois ma belle famille s’amusait tout comme lui à me rappeler le contraire.

Il serait peut être temps de prendre rendez vous chez un médecin
Ses chaussettes sont petites, tu ne le vois pas ?
Son rythme n’est pas bon à cause de ton travail
Change de lait, tu vois bien qu’il ne lui convient pas

Novice dans ce rôle de maman, j’étais en train de perdre totalement confiance en moi. Je ne distinguais plus le bon du mauvais. Je n’osais plus parler, exprimer mes émotions. Seule ma relation privilégiée avec ma fille grâce à l’allaitement me comblait de bonheur. Il en était jaloux, je le délaissais et parfois il s’énervait.
Un soir, en rentrant du travail, je l’ai regardé d’une manière qui ne lui convenait pas. Il me menaça de changer mon regard et moi je persistais à lui tenir tête. J’étais sûre qu’il ne ferait rien, sa fille était en train de téter.

C’était mal le connaître. Il nous lança de toutes ses forces et terriblement violemment son téléphone portable. J’ai juste eu le temps de protéger le petit crâne de ma fille et de pencher ma tête afin d’éviter une catastrophe. Il alla se doucher et comme à son habitude, les yeux larmoyants, il s’excusa. Il disait ne pas savoir d’où lui venait cette colère et cette impulsivité, que c’était la dernière fois, qu’il nous aimait plus que tout et surtout qu’il ne recommencerait pas.

Foutaise !

Même si ces crises étaient très espacées dans le temps, elles étaient tout de même régulières et de plus en plus violentes. Régulièrement il faisait assoir son autorité par de petites phrases. Il ne fallait pas lui poser trop de questions sur sa journée, il y avait des sujets à éviter, il ne fallait pas lui refuser le devoir conjugal sinon j’étais directement accusée d’infidélité, toutes les décisions venaient de lui. J’étais rien à part un objet sexuel et un utérus. Je n’avais donc ni le droit de penser, ni le droit de parler, ni le droit d’échanger. Mes coups de téléphone à ma mère et ma meilleure amie se faisaient en cachette même si je continuais à me taire sur ma vie conjugale catastrophique.
Un jour, je ne sais pas pourquoi, j’ai dit oui et nous nous sommes mariés. Un mariage très loin de mes rêves de petite fille organisé avec un petit budget car «il ne fallait pas gaspiller de l’argent pour quelques heures». Argent qu’il préférait mettre dans du matériel pour ses loisirs personnels.
J’apprendrais plus tard qu’il avait acheté ma bague de fiançailles à la bijouterie de ma meilleure amie lui demandant de la choisir avec un budget de vingt euros alors qu’il venait d’investir dans un engin à plus de huit mille euros …
Nous avons eu un deuxième enfant, mon deuxième rayon de soleil.

Puis nous avons investi dans une maison affreuse que je n‘ai d’ailleurs pas choisi mais les travaux qu’il m’avait promis me
faisaient encore une fois rêver, je lui faisais donc à nouveau confiance. Chacun de ces grands moments de notre vie commune était choisi par lui et intervenait à des moments clés.

Lorsqu’il sentait que je lui échappais et que je commençais à ouvrir les yeux, il faisait en sorte de m’aveugler à nouveau avec une grossesse, un mariage, une maison et des milliers de belles paroles hypnotisantes.
Il m’habillait, choisissait ma coupe de cheveux, mes rendez vous chez le coiffeur.

J’étais sa poupée animée.

Je n’osais rien demander car pour moi je n‘avais pas mon mot à dire, je ne travaillais pas à plein temps, il avait donc tout pouvoir sur nos finances.

Les crises très violentes survenaient sous l’effet de l’alcool généralement. Il avait très souvent besoin de boire, ce qui montrait son manque de confiance en lui. Il m’insultait, m’empoignait, me
bousculait, me menaçait, m’humiliait, j’étais terrorisée. Il était très malin et faisait en sorte de ne pas laisser de traces extérieures. Je me suis d’ailleurs retrouvée une nuit à trois heures du matin en
train de frapper chez des amis à pied nus et en pyjama. Ils m’ont protégé au début et ont pris ma défense puis la tendance s’est vite inversée. Il me faisait passer pour folle et dépressive. J’étais très
amaigrie et régulièrement en crise d’angoisse, les gens n’avaient donc pas de mal à le croire. C’est même parfois par les amis qu’il faisait passer des messages. Il se posait face à eux en victime et
c’est eux qui se chargeaient de me faire la morale. Je devais faire des efforts, c’était moi le problème.

J’ai également eu de nombreux doutes sur sa fidélité, parfois même des semblants de preuve mais pour moi il m’aimait tellement que cela ne pouvait pas être possible.

Puis j’effaçais cette idée de ma mémoire.
Une nuit, j’étais seule avec lui, je me suis vue mourir.

Après un repas, nous sommes rentrés précipitamment car il s’était mis en tête que je faisais du charme à un des hommes présents ce soir là.

Il était ivre et son regard ne me renvoyait rien de bon. C’était un regard vide, froid, animal, il avait trouvé sa proie, il ne la lâcherait pas. Il m’a d’abord abandonnée au bord de la route puis une
fois rentrée, mes vêtements volaient dans la maison, les insultes et hurlements fusaient.

Il frappait toujours uniquement dans les murs, moi il me poussait, me trainait, me provoquait, m’humiliait jusqu’au viol parfois.

Contrairement aux autres fois, le lendemain il ne s’excuse pas mais se moque et en rigole. Je lis dans ses yeux de la pure folie et là, un déclic se fait .

Il est fou.

Je dois fuir et vite !

Pour cela, je monte un plan dans ma tête sans en parler à personne. J’attendrais que mes enfants rentrent de leurs vacances, que tous mes papiers soient réunis et je demanderai le divorce. J’avais terriblement peur mais il le fallait pour moi et pour mes enfants.

Rien ne se passa comme prévu…

Lorsque j’ai pris mon courage à deux mains pour lui demander le divorce, il m’a juré de me faire vivre un enfer. Je lui devais tout, sans lui je n’étais rien, je finirais forcément par revenir car seul lui était capable de me supporter tellement je suis une mauvaise personne.
Il m’imposa la garde partagée et accumula les mensonges afin de convaincre le juge et que j’obtienne ainsi un minimum lors du partage des biens.
Aujourd’hui, cela a fait deux ans que nous sommes en procédure de divorce. La maison est toujours occupée par lui. J’ai du renoncer à une entreprise que je venais tout juste de créer, j’ai du me
reloger, me remeubler mais surtout j’ai du accepter de laisser mes enfants une semaine sur deux chez quelqu’un de déséquilibré. Je n’ai jamais porté plainte et les gens sont friands du «je ne prends pas partie» donc je n‘ai aucune preuve de sa violence physique mais surtout psychologique sur moi. Je n’ai donc aucun moyen rapide pour lui retirer la garde de manière plus rapide.

A l’heure où je vous raconte mon histoire, il s’est choisi deux autres victimes pour m’atteindre, mes deux enfants.

Ils sont épuisés et constamment angoissés malgré leur jeune âge. L’aînée a tiré la
sonnette d’alarme il y a quelques mois suite à un incident. Elle avait vu son père ivre et était apeurée. Je me bats aujourd’hui pour récupérer la garde exclusive de mes enfants.

C’est un combat de tous les jours car un personnage manipulateur ne lâche pas sa proie comme ça du jour au lendemain. C’est sûrement sans savoir que rien n’est plus fort qu’une mère qui se bat pour ses enfants.
Il enchaîne les coups bas, les attestations mensongères, appels anonymes, vandalisme sur ma voiture et de mon côté j’accumule les plaintes et mains courantes en silence et avec le sourire.
J’ai très peu d’amis car tous ont décidé de se ranger de son côté (par peur certainement) et c’est grâce à ma sœur, mes parents et mon compagnon que je garde le cap et le courage de me battre
chaque jour.

C’est aussi dans les yeux de mes enfants que je puise ma force et à chacun de leur sourire, je sais que je n’abandonnerai jamais quoiqu’il arrive.

Je continuerai pour eux, pour moi et pour toutes les victimes de violences conjugales.

La justice est encore trop longue et pas assez réactive dans ce genre de situation.

Je veux démontrer qu’il est possible de s’en sortir après ces relations destructrices.

Il ne faut jamais lâcher prise et ne pas hésiter à se faire aider.

Un être humain a le droit d’être faible.

Aujourd’hui, je vais bien mais j’ai quand même mis deux ans avant de me remettre physiquement et moralement.

Même s’il y a encore des périodes difficiles, j’ai la force de les surmonter désormais. Je suis persuadée qu’il y a une justice sur cette terre et qu’à force de
courage et détermination, tout rentrera dans l’ordre.

Je suis fière de ce que je suis devenue.

Une femme forte, courageuse et pleine d’espoir.

Jane

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“Mon voyage a commencé en 2011, lorsque j’ai rencontré le père de mes enfants. Les premières années ont été stables et heureuses, avec la naissance de notre fille en 2015 et l’achat d’un appartement. Cependant, notre déménagement en Suisse en 2017 a marqué un tournant, où j’ai commencé à remarquer un changement dramatique dans son comportement. Devenu distant et préoccupé, il m’a peu à peu isolée, transformant notre vie en une cohabitation forcée. L’annonce de notre deuxième enfant n’a fait qu’aggraver la situation, avec son absence émotionnelle et physique grandissante. Face à la trahison, l’isolement, et les défis professionnels, j’ai dû trouver la force de naviguer seule à travers cette période tumultueuse, tout en protégeant mes enfants et en gérant les difficultés liées à notre séparation.”

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