Épisode 11 : Des exemples de manipulation ordinaire

Manipulateurs, manipulatrices : des exemples

Les différents types de personnalités décrits ci-après, bien qu’ils s’inscrivent à l’origine dans une classification établie par la psychanalyse, appartiennent aujourd’hui au langage commun et répondent à ce que tout un chacun entend par leur énoncé. Ainsi, les termes d’« hystérique » ou de « paranoïaque », d’origine psychanalytique, ont de nos jours un usage courant qui en a atténué voire « réduit » le sens.

Ce chapitre sera consacré à la description des personnalités qui correspondent donc, en partie, au type psychanalytique concerné, mais qui montrent des manipulateurs et manipulatrices comme nous pouvons tous en rencontrer chaque jour. Des personnes qui vivent en famille, exercent une profession, mais dont le trait de caractère spécifique amène à la manipulation sur autrui sans que la société ni les institutions aient à y redire. Il ne s’agit donc pas de retracer ici de vraies pathologies, bien que ces hommes et ces femmes imposent tous et toutes à leurs conjoints une relation orientée selon leur « tendance » pathologique.

Il est également à noter que, si le choix a été fait de faire témoigner un homme plutôt qu’une femme (et vice versa) pour chacun des traits présentés ci- dessous, il aurait pu s’agir indifféremment de l’un ou de l’autre. Par exemple, dans le contexte social actuel, de plus en plus d’hommes sont concernés par le comportement « hystérique », avec parfois pour symptôme émergent l’éjaculation précoce ou l’impuissance. Il est d’usage de penser que l’hystérie est exclusivement féminine, d’autant plus que l’étymologie nous y pousse (hustera, en grec, signifie utérus). Mais nous savons depuis Freud qu’elle peut également toucher les hommes. La culture contemporaine, celle du paraître, de la société envisagée comme théâtre d’un spectacle permanent, alimente cette augmentation du nombre d’hystériques. De même, le Tout-Puissant peut être une femme ; l’anxieuse, un anxieux.

L’hystérique

L’hystérique, que nous choisissons de représenter sous les traits d’une femme, est la plus caractéristique des appropriations d’un terme psychanalytique par le langage courant. La psychanalyse a presque été « inventée » pour étudier le phénomène de l’hystérie (ou, inversement, on pourrait dire que l’étude de l’hystérie a permis aux grands psychanalystes, dont Freud, d’élaborer leur théorie). Depuis cette époque à la fois récente et lointaine (objectivement récente, mais lointaine au vu de l’ampleur qu’a prise depuis la psychanalyse), le langage ordinaire s’est emparé du terme pour désigner tout simplement une femme nerveuse, agitée, théâtrale, aux réactions subites et démonstratives. En bref, une femme qui tape sur les nerfs, à cause de ses propres nerfs. Cette définition, qui reflète l’avis général, est bien réductible et peu précise.

Ainsi, l’hystérique n’est pas seulement, comme l’indique la croyance populaire, une femme qui s’énerve pour un rien et cherche à produire de grands effets pour attirer l’attention sur ses malheurs. Son esprit suit des méandres que la psychanalyse a mis au jour : elle recherche à la fois à dominer et à subir, dans une spirale infinie d’insatisfaction. Elle trouve son compte à ne jamais être tout à fait contente, mais elle en pâtit par ailleurs…

En quoi l’hystérique veut-elle commander et être commandée ? Et surtout, pourquoi ? Est-elle donc sadique et masochiste ? Pas du tout ! Pour des raisons que nous n’approfondirons pas ici, il est établi que l’hystérique cherche inconsciemment à vivre insatisfaite, même si cela s’avère avant tout une souffrance.

« Ma mère est incroyable, dit Séverine. Partout, on ne voit qu’elle. Elle parle tout le temps, elle a besoin d’occuper le devant de la scène. La regarder, c’est comme aller au spectacle… Pour moi qui la connais dans ses attitudes quotidiennes, c’est très visible. Elle est comme ça principalement quand il y a des gens, du “public”, sinon, à la maison, elle est plus calme, presque abattue, comme un ballon qui se dégonfle soudain. Il y a parfois un fort contraste avec son comportement au-dehors, ou bien elle change de registre selon le “public”. Pour moi qui suis presque toujours à ses côtés, j’ai l’impression de voir un caméléon. Ce qui est comique et en même temps mystérieux c’est que les autres personnes semblent ne s’apercevoir de rien. Ils la trouvent fascinante, très vive ; elle plaît beaucoup. Elle est toujours entourée d’admirateurs et de chevaliers servants qui vont lui chercher une boisson ou n’importe quoi d’autre. Je n’ai pas connu mon père, qui nous a quittées quand j’avais quelques mois. Je vis seule avec elle. Je ne suis pas jalouse, mais je réalise que je vis dans son ombre. Moi, on ne me remarque jamais. C’est comme s’il n’y avait pas de place pour deux femmes. Parfois, je trouve cela injuste ; à d’autres moments, je suis bien contente de rester dans mon coin sans que personne m’embête. Quand nous sommes seules à la maison, elle s’effondre littéralement. Il lui arrive d’être très déprimée. Soudain, elle a mal ici ou là. Je la masse, mais ce n’est jamais bien fait, ou pas assez efficace. Après avoir passé une journée avec ses amies à courir les magasins, elle est capable de devenir grabataire à l’improviste, étendue sur le canapé, à l’article de la mort : elle va s’évanouir, elle a trop chaud, cette lumière l’aveugle, pourquoi ai-je ouvert les fenêtres, etc. C’est épuisant.

Depuis deux mois, elle fréquente un monsieur de son âge. Je l’ai rencontré ; il a l’air sympathique. J’espère que leur histoire va durer. Elle s’en plaint déjà… »

En couple, ce type de femme induit l’autre à avoir des comportements dont elle pourra se lamenter par la suite. Elle intronise son maître pour mieux le destituer. Mais il ne doit cependant pas régner avec trop de netteté : elle a aussi besoin d’éprouver pour lui de la compassion. L’autre doit donc être à la fois puissant et impuissant, un tyran attendrissant. De cette manière, l’hystérique peut à la fois souffrir et s’apitoyer, entrer (et faire entrer son partenaire) dans un cycle infini qui garantira une insatisfaction pérenne. Et, bien au-delà de son conjoint ou compagnon, chaque proche, aimé ou détesté qu’il soit, remplira ce rôle de fournisseur d’insatisfaction. Pour résumer, l’hystérique n’est jamais contente et elle s’en plaint abondamment. Pour assurer ce cercle vicieux, elle met en scène des drames (d’où le côté théâtral) et n’a pas sa pareille pour faire naître des conflits.

Sachant ce qui précède, comment fait donc l’hystérique pour parvenir à ses fins, sans susciter un agacement définitif chez tout le reste de l’humanité ?

Elle donne l’impression de rechercher la satisfaction, notamment en se plaignant incessamment, non seulement des autres, des situations et contingences, mais aussi d’elle-même, car évidemment elle a toujours mal quelque part : elle « convertit » son angoisse en souffrance physique, avec pour conséquence des symptômes variés et « vrais ». Cette présumée demande de satisfaction amène son partenaire à essayer de la contenter. Il s’y épuise parfois, échoue toujours.

Elle culpabilise l’autre, incapable, justement, de la satisfaire. « Tu n’es pas capable de me rendre heureuse », dira-t-elle souvent (alors qu’inconsciemment, elle ne veut pas de ce bonheur lisse et rayonnant). Elle s’offre en pâture à l’autre, à sa domination, puis se rebelle. L’hystérique laisse à penser qu’elle a quelque chose à offrir, alors qu’elle n’a rien pour nourrir l’autre : c’est une illusionniste riche de sa seule angoisse, immense.

Elle offre souvent une belle image, aime séduire, alors que le contenu est déficient. Pour séduire, elle est sans cesse en représentation ; elle « hypnotise » son interlocuteur par une mimique, une gestuelle, une dialectique et un verbiage volubiles, fascinants, pleins de vie et de piquant.

Elle cherche à apparaître comme une victime « héroïque » : « Regardez comme il est nul ! » C’est donc une comédienne qui souvent vole la vedette à son partenaire. Elle manipule dans le sens où le couple fonctionne autour d’elle, en fonction de sa personnalité, avec des hauts et des bas : de l’espoir (feint) de satisfaction à la désillusion dramatisée. L’autre est manipulé de façon à lui procurer régulièrement l’insatisfaction nécessaire à masquer son angoisse. Tout penaud, il est souvent en difficulté et ne sait comment se dépêtrer de cette situation qu’il n’analyse ni ne comprend. Il la subit et se voit en faute, alors qu’il ne souhaitait que former un couple équilibré.

Enzo est un artiste peintre assez connu ; originaire de Rome, il a habité à Paris pendant de nombreuses années. Il vit maintenant en Amérique latine avec sa femme, Jenna. Cette dernière parle beaucoup et accapare l’attention de tous en société. Sympathique et souriante, elle « brille ». Elle fait office de « manager » pour son mari, « gère » son calendrier professionnel, s’occupe des rendez-vous avec les exposants, etc. Malgré la renommée de son mari, dans les réunions, aux vernissages, on ne « voit » qu’elle… Elle anime toutes les conversations, accapare l’attention de tous.

« Mon épouse est ainsi faite ; elle aime être au centre de l’attention, qu’on la remarque… Il y a dix jours nous avons organisé un vernissage dans une galerie de Paris qui expose mes dernières œuvres. Jenna s’était foulé la cheville la veille. Elle a passé tout l’après-midi à transporter un “adorable petit tabouret” avec elle, sur lequel elle s’asseyait dès qu’elle le pouvait, en se déplaçant de toile en toile pour commenter, conseiller, accueillir les visiteurs… En même temps, elle racontait sa mésaventure, comment elle s’était fait mal où et pourquoi elle avait glissé, etc. Du coup, les gens ne regardaient plus mes toiles, tout le monde était autour d’elle, à écouter son récit ! Je crois que beaucoup n’ont pas remarqué que j’étais là… Il arrive parfois qu’en me croisant au beau milieu de ma propre exposition, on me dise : “Bonjour monsieur”… Ça me fait sourire. Et, loin de trouver cela vexant, j’apprécie cet anonymat qui me permet de déambuler tranquillement dans les salles, à écouter discrètement les commentaires des visiteurs sur mes œuvres. De toute façon, les gens achètent plutôt bien ; et Jenna aime tant s’occuper de tout ! »

Il arrive aussi, dans un autre cas de figure, que l’hystérique « choisisse » – précaution majeure – un homme inaccessible ou revêche à ses avances : plus jeune de dix ans, déjà marié, etc. L’insatisfaction est alors assurée à coup sûr. Les situations difficiles conviennent bien à l’hystérique et, comme elle ne renonce jamais, ces « histoires » durent généralement longtemps, même quand elles sont quasi inexistantes ou qu’elles ne tiennent qu’à un fil.

Le Tout-Puissant

Le Tout-Puissant (son envergure vaut bien des majuscules…), que nous choisissons de peindre sous les traits d’un homme bien que nombre de femmes aient ce type de personnalité, est celui qui pense être le centre du monde et croit pouvoir agir sur ce dernier en monarque suprême. Ne dit-on pas : « Dieu Tout-Puissant » ?

Le Tout-Puissant est resté dans ce que l’on nomme le « Moi idéal », soit le Moi narcissique du petit enfant pour qui le monde, c’est lui-même, et son modèle, également. Les autres ne sont pas pris en compte ; il reste centré sur lui et se nourrit de lui-même, contrairement au pervers narcissique qui cherche l’autre pour s’en nourrir. Le Tout-Puissant n’a que faire de l’autre et ne saurait s’en nourrir : il est déjà plein de lui-même et se considère comme étant riche de toute la substance du monde ! Il a en commun avec le pervers narcissique cette constatation : l’autre ne peut avoir le même statut que lui à ses yeux. Tous deux se considèrent comme supérieurs…

Si le pervers narcissique manipule par l’envahissement, la dépréciation, l’isolement et la destruction, le Tout-Puissant manipule, lui, par la tyrannie. Très exigeant non seulement envers lui-même, mais aussi envers les autres, son entourage, ses collègues, il peut ressembler au pervers narcissique. Toutefois, le Tout-Puissant n’est pas pervers, il n’a pas l’intention ou le besoin de détruire. Il anticipe donc moins par rapport à l’autre : ce qui l’intéresse, c’est dominer. Il est donc aussi plus conscient et plus stratège. La destruction de l’autre est présente malgré tout, mais en tant que conséquence de ses agissements plus que comme objectif. La destruction intervient « de surcroît » car elle est nécessaire pour asseoir la tyrannie.

Toute cette force qui se dégage du Tout-Puissant laisse évidemment penser que justement il est profondément vulnérable sur ce point. C’est un grand impuissant et son comportement exprime une attitude défensive : il domine par peur d’être dominé… On ne critique pas le Roi : il règne, et l’homme Tout-Puissant veut rester intouchable. Il est dans l’angoisse de la perte de son pouvoir (et en cela il se différencie du pervers narcissique, lequel, rempli de néant, est avide d’acquérir de la substance par « objet » interposé).

Le Tout-Puissant manipule donc pour installer son pouvoir et rendre sa tyrannie « opérationnelle ». Il passe ainsi le plus clair de son temps à prouver aux autres que ce qu’il accomplit est mieux fait, que ses idées sont les meilleures. Par essence, il est ambitieux, souvent hyperactif. Il déteste évidemment être pris en faute ou en flagrant délit d’imperfection. Son orgueil, alors blessé au plus haut point, l’amène à réagir par l’attaque : il accuse en retour (éventuellement de tout autre chose) pour détourner l’attention de sa propre culpabilité. Si, par exemple, on lui fait remarquer qu’il laisse traîner ses vêtements, il répond : « J’ai, moi, rangé tes chaussures de tennis pas plus tard qu’hier ! ». Comme personne n’est parfait, il trouve toujours comment « déplacer » le reproche et le faire translater vers l’autre.

« Mon mari est un homme intelligent, et il se met en quatre pour la famille… mais il nous écrase un peu ; je trouve qu’il s’impose trop, confie Ghislaine, 48 ans, employée de bureau. Auparavant, je ne m’en rendais pas compte, mais maintenant ses reproches m’étouffent ; il n’arrête pas de critiquer. D’après lui, ce que font les autres est toujours mal fait. Il est trop perfectionniste. Il a tout le temps de quoi redire. J’ai l’impression d’être constamment prise en défaut, comme coincée contre un mur. Avant, j’essayais de le contenter et de lui faire plaisir. Depuis quelques mois, je ne le supporte plus. Pourtant je l’aime… mais il exa gère. Il dirige tout, fait la loi sur tout. Quand nous partons en vacances, il prépare d’abord une liste de ce que chacun doit faire : moi, mon fils, sa sœur. On dirait qu’il dirige sa petite armée. Après, il fait un “check” de tous les points de sa liste pour vérifier que tout a été fait dans les règles – vous savez, comme les pilotes à bord des avions avec leur check-list. Notre fils, Vincent, est en général chargé de changer les piles des boîtiers d’arrosage automatique, pour le jardin, de préparer les vélos que nous chargerons ensuite derrière la caravane, ainsi que le matériel à emporter pour les éventuelles réparations. Eh bien, je crois que depuis cinq ans qu’il a cette haute responsabilité, il n’a jamais réussi à faire ce que son père lui demandait. Mon mari repasse derrière et pointe du doigt les “erreurs” ou ce qu’il juge comme tel. Les bicyclettes ne sont jamais assez bien nettoyées, les pneus pas assez ou trop gonflés. Les boîtiers d’arrosage sont mal réglés et Vincent oublie – selon mon époux – les trois quarts de ce qu’il faut emmener : trois paires de rustines au lieu de cinq, une huile spéciale, etc. Cette année, Vincent s’est soustrait à ces contraintes. Mon mari l’a traité de fils ingrat, de dégénéré… »

Ce genre d’homme (ou de femme) agit d’égale façon avec son conjoint. Le Tout-Puissant se comporte ainsi avec toutes celles et tous ceux qui l’approchent.

Ce type de personnalité provoque dans l’entourage, soit un réflexe de rejet et de rébellion, soit un état de dépendance et d’assujettissement, selon les circonstances et le caractère des individus. Le Tout-Puissant choisit généralement un conjoint qui l’admirera et saura lui obéir mais, comme il aime flatter son ego et exhiber une compagne de choix, il peut aussi s’attacher à une personne « remarquable », dotée d’une certaine personnalité, auquel cas il s’expose à des obstacles dans l’affirmation de sa tyrannie…

L’anxieux(se)

Distinguons tout d’abord l’anxiété, l’angoisse et le trouble anxieux généralisé. L’anxiété et l’angoisse sont à peu près de même nature : ce qui change, c’est l’intensité de la manifestation. L’angoisse est beaucoup plus intense et souvent accompagnée de troubles physiques, telles les mains moites, les sensations de « boule » ou de « nœud » dans la gorge, etc. Tout comme la fièvre signale un problème physique autre qu’elle-même, l’angoisse dénote un conflit inconscient. L’attaque de panique, elle, est l’expression paroxystique de l’angoisse. C’est un épisode aigu, qui survient à l’improviste, avec une impression de « dépersonnalisation », comme si l’on devenait « fou ». Parfois, après une attaque de panique, le sujet est affecté d’un trouble anxieux généralisé, par peur de voir surgir une nouvelle attaque de panique. Un mécanisme vicieux, de type phobique, peut alors s’installer. Le trouble anxieux généralisé ne se réfère pas à l’intensité de la sensation vécue, comme l’anxiété, l’angoisse ou même l’attaque de panique. Il s’agit d’une situation d’anxiété permanente, qui porte sur tout et n’importe quoi, devenant éprouvante pour l’entourage, qui s’en trouve « manipulé » dans le sens où la personne anxieuse oblige non seulement les autres à penser comme elle, à craindre les mêmes choses, mais elle les empêche aussi, toujours par réflexe timoré, d’accomplir de nombreuses tâches, voire d’entreprendre ou de mener à bien des initiatives. Les proches, notamment les enfants, perdent peu à peu confiance en eux.

C’est le cas de l’anxieuse concernée par le témoignage ci-dessous, qui est pleine d’une angoisse omniprésente, chaque détail de la vie quotidienne étant source d’inquiétude. Là encore, il pourrait s’agir d’un homme comme d’une femme. Les psychanalystes reçoivent nombre de patients anxieux ; ces derniers le sont en général tous, c’est ce qui les amène à venir consulter. Mais l’anxieux(se) dont nous parlons ici n’est pas aux prises avec un sentiment passager ; il ou elle vit ainsi constamment, depuis très longtemps, à tel point que ses proches ne pourraient affirmer l’avoir vu(e) autrement que dans cet éternel état de tension. De nos jours, cette inquiétude constante est fréquente et l’anxiété généralisée, qui habite la personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans un motif précis ou unique, constitue l’un des travers de notre société. La mise en compétition au travail, les rythmes effrénés, les responsabilités multiples, l’insécurité quotidienne, la violence diffuse, tout contribue à générer un climat propice à l’angoisse, même chez les personnes saines et normalement équilibrées. Il s’agit généralement d’épisodes « passagers », durant de quelques semaines à plusieurs mois.

La personne anxieuse, telle qu’elle est décrite ici par sa fille semble, elle, avoir toujours été comme cela. Sa vie, ses relations avec les autres en sont très influencées et, plus qu’un état, l’anxiété est considérée chez elle comme un trait de caractère : « Elle est comme ça. »

Il ne s’agit pas forcément d’une femme ou d’un homme dépressif ; cela peut même être quelqu’un d’assez actif, dynamique, dont l’anxiété n’est pas reconnue. « Moi ? Anxieuse ? Pas plus que n’importe qui ! » Ses proches, en revanche, auront une vision plus lucide, bien que généralement résignée.

«  Ma mère est une grande anxieuse, raconte Hélène, 29 ans, qui vit à quelques centaines de mètres de chez ses parents. Pour elle, tout est source de problèmes. Elle voit tout en noir. Le pessimisme systématique est sa seconde nature ! Quand j’étais petite, dès que je prenais un objet en main, elle disait : “Attention, tu vas le casser.” Si je me versais de l’eau, j’avais aussitôt droit au sempiternel : “Tu vas le renverser !” Et ainsi de suite, pour tout. Si aujourd’hui je ne suis jamais sûre de moi, si je doute tant, c’est aussi à cause de ces avertissements pseudo-catastrophiques qui ont scandé ma vie d’enfant. Je ne veux pas accuser ma mère, et je pense que chacun est surtout ce qu’il s’applique à être, mais certaines choses s’ancrent en nous, à notre insu. Maintenant je vis seule, je suis indépendante, mais j’ai eu beaucoup de mal à me détacher de mes parents, du cocon familial. Je me rends compte que je ne pensais pas en être capable, en fait !

C’est normal, ajoute Hélène en souriant. Comment voulez-vous que quelqu’un qui n’est pas en mesure de remplir un verre d’eau sans le renverser (du coup, cela m’arrivait souvent, en effet) puisse vivre seul ! »

L’anxiété permanente d’un parent a effectivement des conséquences sur l’entourage immédiat, sur le conjoint, les enfants.

En quoi l’anxieuse agit-elle par manipulation ? Tout d’abord, parce qu’elle décharge son anxiété sur les autres et induit ce même sentiment chez eux : ils deviennent angoissés à leur tour, à moins que, par réaction contraire, ils ne tombent dans l’indolence, comme pour s’anesthésier devant l’extrême nervosité de l’anxieuse.

Elle force ses proches à se mobiliser ponctuellement pour la rassurer… mais elle n’est pas «  rassurable » ! Elle récuse toutes les solutions qu’on lui propose.

«   Ma mère me déverse tous les jours, au téléphone, les problèmes du jour : un mal de ventre persistant, un genou gonflé, la grippe aviaire ou porcine, le taux de pollution, la chaleur, les tuyaux qui vont éclater à la campagne, “C’est sûr !”, lorsqu’il fait froid. Si je lui donne un conseil ou que je trouve une solution – et autrefois je m’échinais à le faire –, elle répond immanquablement que ça ne marchera pas, comme si elle voulait garder son problème. »

Elle provoque des alertes inutiles, ce qui amène les autres, avec le temps, à attribuer moins d’importance à ses dires, avec le risque de les sous-estimer ou de donner à la personne anxieuse l’impression qu’elle n’est pas écoutée, ce qui la rendra encore plus anxieuse et « demandeuse » d’égards.

«  Ma mère a un cancer du côlon un jour sur deux, celui du cerveau au moins une fois par mois. Le problème est que si elle devait un jour montrer les signes d’une vraie pathologie, mon père et moi n’aurions peut-être pas le réflexe de lui accorder assez d’attention… »

En effet, l’anxieuse est aussi, souvent, hypocondriaque : elle craint la maladie comme la peste, pourrait-on dire… Elle instaure un climat de tension, de pessimisme.

«  Quand je lui dis que je vais à tel endroit en voiture, dans Paris, dit Hélène, elle a toujours la même phrase : “Tu ne pourras pas te garer !” Je crois que je passe ma vie, symboliquement, à prouver à ma mère que je vais pouvoir me garer et que je ne vais pas renverser mon verre… »

Elle décourage les autres, les dissuade d’agir, d’entreprendre telle ou telle initiative, ce qui peut provoquer leur immobilisme. Elle induit chez eux un manque de confiance, car ils se disent : « Elle a peut-être raison, je n’y arriverai pas. » Un immobilisme qu’elle va ensuite leur reprocher…

En tant que mère, elle est souvent oppressante, trop « mère poule ». En tant qu’épouse, elle freine l’autre, l’empêche de s’épanouir. Il s’agit là d’une démarche inconsciente : elle ne veut aucun mal à l’autre, bien au contraire.

Elle anticipe beaucoup et « profite » peu, ou alors avec une sensation d’urgence opprimante pour tous.

«  Lorsqu’elle est en vacances, elle commence à parler du retour une semaine avant. Dans quelques jours, à la même heure, nous serons dans le train ; finies les vacances ! sourit Hélène. Trois jours avant le départ, elle commence les valises. En même temps, elle arrête toute activité vacancière, comme les promenades, excursions, divertissements variés : elle est déjà, avec une avance anormale, en dehors du séjour. Cela se termine bien avant la fin… Évidemment, elle a aussi peur d’être en retard à la gare. »

En résumé, ce type de femme (ou d’homme) apporte au foyer tension et anxiété : il ou elle transpose vers l’extérieur tout ce qui est ressenti intérieurement. Le conjoint souffre beaucoup lui aussi ; il n’est « jamais tranquille », toujours en haleine même lorsque rien ne le requiert.

Le paranoïaque

Là aussi, ce terme est passé dans le langage courant et nous avons tous, plus ou moins proche de nous, un « parano » qui cherche qui lui a caché ses clés, qui a cassé la télécommande, etc.

Le véritable paranoïaque pathologique, qui peut passer à l’acte en attaquant physiquement ses « persécuteurs », fait en général l’objet d’un traitement psychiatrique, car il peut se révéler dangereux en raison de l’agressivité qu’il déploie pour se défendre de l’assaut dont il se croit victime. Ce type de pathologie a donc parfois des conséquences médico-légales. Le paranoïaque pense que tout le monde lui en veut, qu’une ou plusieurs personnes veulent lui porter atteinte, le détruire. Il s’agit donc d’un délire de persécution interprétatif : il « voit » des signes dont son esprit s’empare pour alimenter ce délire. Il interprète tous les événements, les comportements d’autrui, en fonction de l’idée qu’on « lui veut du mal ». Selon son point de vue, il réagit pour se défendre ou pour prévenir une attaque, déjouer des complots. Il déploie une agressivité réactionnelle.

Pour ce faire, il dépense d’abord beaucoup d’énergie à constituer des preuves de l’agression dont il dit être l’objet, il élabore des théories. En général, elles se tiennent parfaitement ; il est crédible. Aussi son entourage peut-il être amené à croire les élucubrations les plus farfelues, du moment qu’elles sont habilement présentées.

Pour lui, l’autre est un ennemi à abattre. Dans son optique, il ne fait que se protéger, alors qu’en réalité il agresse.

Comment manipule-t-il ?

Il manipule par interprétation et par accusation. Il amène les autres à se justifier sur ce qu’ils n’ont pas fait. Il ne peut, lui, être coupable. S’il fait tomber un verre et qu’il le casse, c’est forcément parce que quelqu’un l’avait placé là, « prêt à tomber ». Chaque fois, il existe une faille qui amène l’autre à se sentir coupable : « N’aurais-je pas vraiment mal posé le verre ? » C’est en cela que réside la manipulation du parano : il parvient à induire cette culpabilité. La fois suivante, le ou la partenaire fera attention à sa façon de ranger les verres : la manipulation consiste aussi à obtenir de l’autre qu’il ou elle change ses comportements et les adapte aux réactions du parano, en les anticipant.

Par ses raisonnements partiaux, le parano « change » la réalité, attribue aux gens des intentions qu’ils n’ont pas, arrange les faits à sa manière. Son monde est soumis à sa vision, et les règles qu’il dicte sont élaborées à travers le filtre de cette interprétation.

« La vie était impossible à la maison, raconte Sophie. Notre père voyait le mal partout, il passait son temps – et donc, aussi, le nôtre – à chercher des coupables pour les faits les plus anodins. C’était une obsession. Il entrait dans des rages folles, en particulier contre ma mère qu’il accusait un peu de tout. Je me souviens qu’il était très remonté contre notre tante, la sœur de ma mère, qu’il accusait de vouloir accaparer l’héritage des grands-parents. Cette histoire a duré des années, jusqu’à la mort de notre tante. Nous n’avions pas le droit d’aller la voir, de peur qu’elle ne nous endoctrine, d’après lui. C’était épuisant. Quand nous avons quitté la maison, cela a été un soulagement pour moi et mon frère. Nous avons loué un petit appartement ensemble, en ville. Nous pensions souvent à notre mère qui devait continuer de le supporter, lui et ses lubies. »

Le « parano » impose autour de lui un climat d’insécurité permanente. Il amène les autres à toujours être sur leurs gardes ; ils ont peur de faire telle ou telle chose, de répondre, car ils ne savent jamais comment leurs actions ou leurs dires seront interprétés. En les accusant de vouloir lui nuire ou simplement l’ennuyer, le parano les culpabilise : c’est un trait de la manipulation qu’il exerce. Il induit également de la crainte dans son entourage, de la méfiance et de la suspicion. Il est souvent mégalomane, se surestime, pensant être le meilleur, le plus intelligent et le plus fort. Sa (fausse) modestie est, le cas échéant, superficielle et feinte. Enfin, comme nous l’avons déjà souligné, il peut être tout à fait convaincant.

La plupart du temps, les traits du parano se limitent à des faits bénins : il pense simplement toujours à mal, est suspicieux, ne fait pas facilement confiance à autrui.

Le Pygmalion

Selon le mythe, Pygmalion, sculpteur sur l’île de Chypre, tomba amoureux d’une statue d’ivoire qu’il avait lui-même fabriquée selon sa vision de la femme idéale. Il lui donna le nom de Galatée, l’habilla et la para richement. Durant les fêtes consacrées à Aphrodite, déesse de l’Amour, Pygmalion pria la déesse afin qu’elle lui donne une épouse en tous points semblable à la statue. La déesse exauça ce vœu, donnant alors vie à Galatée, qui devint l’épouse de Pygmalion et eut avec lui un fils, Paphos.

Conformément à la légende, ce que l’on nomme l’« effet Pygmalion » désigne le phénomène qui consiste en ce qu’une croyance porte à la réalisation d’un événement, et ce, uniquement grâce à cette croyance. C’est la foi qui déclenche l’événement. C’est ce que l’on appelle aussi la « pensée magique », qui est un trait de la petite enfance.

Lorsqu’un enfant s’identifie fortement à l’un des parents et qu’il est convaincu de cette ressemblance de caractère, il devient « comme » ce parent, aussi doué que lui pour le tennis, par exemple. Il répète les actes de ce parent (ou, au contraire, s’y oppose par rébellion, mais, même par contraste, il s’agit toujours d’une réaction par rapport à ce qu’est le père ou la mère).

L’homme moderne qui se pose en Pygmalion se conforme aussi bien au mythe qu’à l’effet Pygmalion : il choisit une femme jeune et belle (la femme idéale du mythe), il en tombe amoureux parce qu’il la crée ou parce qu’il sait qu’il va la créer (l’effet Pygmalion se traduirait ici par : « Ce à quoi je crois adviendra, cette femme va devenir la femme idéale »). Il élit une jeune femme qu’il va modeler comme le sculpteur modèle son œuvre, en la faisant éclore, aussi bien au niveau personnel que professionnel.

Cette jeune femme a bien des points communs avec la Galatée de la légende : le Pygmalion la considère comme une matière brute qu’il va pouvoir travailler et « plasmer ». En cela, elle est une « statue », dont lui, et lui seul, fera surgir la vie, la beauté, le talent, etc. Ce sera sa « créature »…

Pourquoi Pygmalion choisit-il une femme jeune – du moins, plus jeune que lui ? Parce que cette jeunesse représente la pierre brute, et que seule la substance mal définie, non finie, malléable, non épanouie ni éclose, peut être modelée à loisir. C’est là la principale manipulation de l’homme Pygmalion : il modèle son objet d’élection. On peut donc avancer qu’il n’est pas attaché à cette femme pour ce qu’elle est, mais plutôt pour ce qu’elle peut être, ce qu’elle deviendra sous ses mains.

D’autre part, la jeunesse de sa compagne rajeunit le Pygmalion lui-même, lui renvoie une image positive de lui, tout comme la beauté. Il est capable, aux yeux de tous, de séduire cette créature jeune et belle…

Ce qui cependant intéresse le plus le Pygmalion est d’être un créateur, d’en retirer fierté et gloire. L’autre n’est que le reflet de sa bravoure, et sert à le mettre en valeur : c’est le deuxième élément de l’œuvre de manipulation de l’homme Pygmalion.

Pourtant, cette relation se construit à deux, et la muse est généralement tout à fait « consentante ». Elle-même cherchait cette correspondance, ce lien avec une figure « paternelle ». Leur relation peut donc être équilibrée et durable. D’ailleurs, en approfondissant notre observation, ne pourrions-nous pas constater que la muse de Pygmalion a, elle aussi, un grand pouvoir sur lui ? Elle est un objet de fierté, de désir, de valorisation, elle est précieuse. Cela lui confère un immense pouvoir : sans elle, Pygmalion ne serait plus qu’un homme ordinaire, parmi tant d’autres. Avec elle à ses côtés, il est un demi-dieu (il crée sa « créature »). En somme, si Pygmalion manipule son objet, celui-ci n’est pas exempt de puissance…

Manuel et Johanna se sont rencontrés lors d’un concert. Il est chef d’orchestre ; maquilleuse de formation, elle prend maintenant des cours de chant lyrique. Vingt-cinq années les séparent, mais tout les rassemble. « Lorsque j’ai connu Manuel, confie Johanna, j’étais assez timide, un peu sauvage. Je ne savais pas très bien ce que j’allais faire de ma vie. Je n’avais pas envie de rester maquilleuse jusqu’à la fin de mes jours, même si c’est un métier qui permet d’approcher des gens passionnants, lorsque comme moi on travaille avec un théâtre.

Manuel ne m’a pas fait la cour tout de suite – du moins, disons que je ne m’en suis pas aperçue ! Il était simplement très gentil, très attentif à moi. C’était la première fois que quelqu’un me regardait comme ça. C’était agréable et intimidant. Le jour où il m’a raccompagnée chez moi après un concert, j’ai ressenti un trouble particulier, profond, auquel je ne m’attendais pas. Pourtant, il n’a rien laissé paraître ce soir-là. Mais moi, j’ai commencé à penser à lui différemment. Puis les événements se sont précipités… nous avons entamé une relation.

Il a découvert que j’avais une belle voix et m’a incitée à m’inscrire à un cours de chant lyrique. J’adore ça ! C’est devenu une véritable passion. Grâce à Manuel, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma vocation ; je lui en suis très reconnaissante.

La différence d’âge ? Pour nous ce n’est pas important. Bien sûr, lorsque nous nous promenons dans la rue main dans la main, les gens nous dévisagent parfois. Tant pis pour eux. Nous avons appris à ne pas y accorder d’attention. C’est notre vie ; nous sommes heureux ainsi. »

L’Amazone ou la femme phallique

Selon la mythologie grecque, les Amazones étaient un peuple de femmes guerrières vivant sur les bords du fleuve Thermodon, en Cappadoce, dans l’actuelle Turquie. Robustes et musclées, énergiques, déterminées et cruelles, elles coupaient leur sein droit afin de faciliter leur pratique du tir à l’arc. Pour assurer leur descendance, elles s’unissaient une fois l’an à des hommes de peuples voisins choisis pour leur beauté. Une fois l’accouchement advenu, elles tuaient les enfants mâles, n’en gardant que quelques-uns pour les utiliser comme serviteurs après les avoir estropiés. Leurs attributs, propres aux cavaliers des steppes, étaient le péltê, bouclier en forme de demi-lune, l’arc et ses flèches, la lance, le cheval et la hache. De nombreux héros grecs ont eu affaire à elles, tels Achille, Héraclès, Thésée, Priam. Souvent, après avoir aimé une reine, le héros grec la tue, comme Achille avec Penthésilée, qui était venue au secours des Troyens…

Enfin, selon les Amazones, l’infirmité de l’homme l’empêcherait d’être violent ou d’abuser de son pouvoir et de le monopoliser. Devant une délégation d’hommes scythes physiquement irréprochables venus offrir leurs bienfaits en tant qu’amants, la reine Antianeira aurait même rétorqué que « l’estropié est le meilleur des amants »…

La femme phallique (non pas celle qui possède un organe sexuel mâle en plus de l’attribut féminin, l’hermaphrodite, mais bien celle qui possède cette « puissance » typiquement masculine) est une castratrice. De la même manière que l’Amazone « originelle » attaquait l’intégrité physique du mâle, cette femme « castre » l’homme qui vit à ses côtés en l’empêchant de se déployer en tant que tel. Elle le limite considérable ment dans ses agissements d’homme, elle lui « coupe l’herbe sous le pied », lui vole son rôle et sa place. Ce à quoi elle aspire, c’est le pouvoir masculin. Parfois, elle endosse les caractéristiques physiques et comportementales du mâle, s’habille comme lui, bouge à sa façon, rejette les « faiblesses » considérées comme spécifiques de la femme. Elle ne se coupe peut-être pas un sein comme les Amazones de Cappadoce mais, par sa tenue vestimentaire par exemple, « efface » ses traits féminins. Habituellement en pantalon, « sans chichis ». Mais, le plus souvent, elle reste très « féminine », car elle veut s’arroger les deux prérogatives, masculine et féminine.

Comme l’Amazone qui se dotait d’armes guerrières, symboles d’agressivité virile, la femme phallique s’équipe éventuellement d’objets associés à des activités masculines, comme les motos, « accessoires » qui incarnent son « phallus », c’est-à-dire sa puissance.

C’est souvent une femme qui réussit sa vie professionnelle, s’y affirme. Une femme chef d’entreprise, chef de département dans une société, directrice… chef de quelque chose, quoi qu’il en soit. Une dirigeante. Femme de tête et de corps.

En quoi manipule-t-elle ? Elle usurpe un rôle, qu’elle tend à « voler » à son compagnon, lorsqu’elle en a un. Elle rabaisse l’homme dans sa virilité, à la façon de l’Amazone qui le mutilait et le reléguait au rang de serviteur.

Riche de contradictions, elle veut à la fois dominer le masculin, l’écraser, et s’approprier son pouvoir : aime-t-elle le masculin ou le hait-elle ? Elle le veut pour elle, mais le rejette en même temps… En réalité, elle semble vouloir les deux à la fois : rester femme en étant homme (avoir tout de lui). De ce fait, elle oblige l’autre, son compagnon, à la respecter en tant que femme mais à la traiter d’égal à égale, « en homme ».

Élise a rencontré Jean en vacances, dans un club pour célibataires dont l’intention est de trouver une personne avec qui passer quelques jours ou… plus. Élise, qui dirige une chaîne de boutiques de vêtements, avait décidé qu’il était temps pour elle de trouver un compagnon de vie. Elle s’était sentie assez mal à l’aise dans l’ambiance du club, où tout avait l’air faussement enjoué et où beaucoup d’hommes semblaient ne rechercher qu’une aventure fugace.

« Puis Jean est venu s’asseoir à côté de moi, il m’a parlé. Pour une fois, ce n’était pas moi qui prenais l’initiative. J’ai bien aimé, d’autant plus qu’il n’était ni envahissant ni trop sûr de lui. Je me suis sentie vue en tant que femme, ce qui m’arrive rarement, dit-elle en riant. Mon prénom, Élise, signifie : “qui est effacée”. Ce n’est pas exactement mon cas ! Jean, par contre, est plus discret. C’est ce que j’ai apprécié chez lui. Le fait qu’il ne veuille pas m’empêcher de m’affirmer comme j’en ai l’habitude.

Qui porte le pantalon à la maison ? Eh bien… tous les deux ! »

Episode suivant : le pervers narcissique

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